Tous les articles par aisyk

Aisyk est un auteur-compositeur-interprète, graphiste, illustrateur sonore. Ses travaux se concentrent sur la perception des sens, la création d'ambiances, d'atmosphères originales, oniriques ou fantastiques.

Dis, c’est quoi la culture ? (tome 2)

Voici donc ma deuxième tome.

Avec l’été vient le temps de la réflexion notamment autour des notions de cultures. La première partie a parlé des politiques culturelles, de leur naissance, de leurs principes et d’une certaine manière ce dont on peut en attendre, vous musiciens, nous association, bref toutes les personnes qui souhaitent peu ou prou participer à la vie culturelle de la société pour développer un projet individuel ou des projets collectifs.

Aujourd’hui, quand nous parlons « politique culturelle », nous défrichons quelques grandes idées que l’on peut retrouver partout, des concepts qui deviennent avec le temps des mots valises dont le sens s’éloigne au fur et à meure des appels à projets.

« Le projet m’a tué », cette phrase démontre avec les arguments, le vécu à l’appui toute la nocivité de ces mots qui, au final, perdent tout sens d’action. Petit florilège :

  • « Les orientations cohérentes du développement en fonction des critères d’intérêt communautaires « 
  • interculturalité entrepreneuriale innovante
  • les pratiques émergentes et innovantes…

Quand vous montez un projet, donc, qu’il soit culturel, socio-culturel, que sais-je encore, vous devrez vous frotter à ce type de novlangue : une communication spéciale afin de faire rentrer votre projet dans des cases.

Est-ce que tout cela fonctionne ?

Dans certains cas, si votre projet est suffisamment bien ficelé, que l’appel à projet est suffisamment bien conçu (dont les objectifs sont assez larges, je dirai flous), vous pouvez avoir une marge de manœuvre intéressante, surtout si vous tombez sur des interlocuteurs attentifs et à l’écoute.

Un exemple à Lyon.

L’Opéra de Lyon met en place des opérations de « Développement culturel » permettant à des jeunes dans des quartiers ciblés comme « en difficulté » de profiter des artistes en résidence afin de découvrir métiers, et pratiques artistiques. C’est un projet sur trois ans, et chaque année est centrée sur une thématique.

Le projet se construit autour de deux axes : des ateliers hebdomadaires de pratique artistique mêlant la musique, le théâtre, la danse et les arts plastiques ; et des activités de découverte de l’Opéra (rencontres et ateliers avec des artistes et techniciens, venue sur des spectacles et des répétitions, etc.).

Il associe les équipes de l’Opéra de Lyon, des artistes en résidence (une comédienne, deux anciens danseurs du Ballet de l’Opéra, deux plasticiens et deux musiciens), les équipes pédagogiques et les parents d’élèves. Pour la saison 2013-2014, vingt-quatre classes (du CE2 à la 5e) participent au projet.

Les enfants bénéficient ainsi d’ateliers de pratique artistique et d’un parcours de découverte de l’Opéra et de ses métiers. Leur travail leur permet de participer à la création de spectacles joués à l’Opéra de Lyon et lors d’événements organisés sur le territoire de Vénissieux.

Le projet se décline en plusieurs temps, permettant une progression des élèves et de leur pratique :

– 2011-12, la découverte des langages : expérimenter et acquérir les techniques de base des différentes disciplines artistiques, avec pour objectif la construction du personnage.
– 2012-13, la dramaturgie : apprendre à construire une histoire, comprendre et mettre en œuvre des procédés narratifs, articuler entre eux les langages (musical, scénique, plastique).
– 2013-14, la scénographie et l’espace : faire connaissance avec un espace professionnel : l’espace de la scène.

Le contenu des ateliers est construit en concertation avec les enseignants pour tisser des liens entre l’art et les enseignements fondamentaux.
A la fin de chaque année scolaire, les élèves restituent leur travail, sous forme de petits spectacles, à l’Opéra de Lyon.

Cette action bénéficie de moyens importants et devient par là même une « vitrine » de l’action de l’Opéra de Lyon ; vitrine qui lui profitera car elle amènera un public nouveau, voire pourra susciter des vocations. Chouette projet, nous dira-t-on !

Le projet concerne, une école primaire à Vénissieux et un collège à Vénissieux. Dans le Rhône, vous avez 161 000 élève d’école primaire (pour 879 écoles), 100 000 collégiens (pour 177 collèges). Nous n’avons pas de chiffres concernant le budget total de l’Opéra, et donc de la part de son budget consacré à cette action, mais il est intéressant de constater les limites au niveau du public de ce genre d’actions.

Les enfants d’autres villes, quartiers ne peuvent-ils pas aussi « découvrir l’Opéra et les métiers qui s’y réfèrent » ? Réponse : ils peuvent faire d’autres choses avec d’autres partenaires… donc tout est une question de partenariats, de validation de projet, de personnes qui se connaissent et s’apprécient… Nous ne discutons pas de la qualité ou non du projet, mais de ses limites. Les limites ici sont celles des publics concernés par rapport au discours évoqué et aux mots, grandiloquents, prononcés. La démarche, quant à elle, rentre parfaitement dans les cases des projets demandés…

Nous avons ici deux limites importantes.

Le vocabulaire qui oblige à façonner son idée d’action en « projet » communicable, objet de communication, « ambassadeur de vos idées »…

Les publics et la portée de votre action, partielle, parcellaire qui de toutes façons ne fera pas changer le monde ni le point de vue d’une majorité, devenue invisible, sur l’Opéra ou toute autre action culturelle.

Vous voyez, il n’y a pas de quoi en faire un fromage en somme…

P.S : Je rajoute que ces questions de publics, de fréquentation sont posées fréquemment aux institutions culturelles (médiathèques, théâtres, bibliothèques…), mais que ce ne sont pas des objectifs en soit, les objectifs sont, en autre, le remplissage de la salle, le nombre d’adhérents, le nombre d’actions proposées…

Musique classique en licence libre

Rare et pourtant important pour le signaler. Si vous ne connaissiez pas déjà les OpenGlodbergVariations de Bach par Kimiko Ishizaka, vous avez maintenant Florence Robineau qui place ses interprétations de grands noms de la musique classique sous licences libres (cc-by-sa). Une bien belle initiative !

N.B : Beaucoup d’auteurs de musique classique sont morts depuis quelques années, leurs partitions sont donc libres, mais souvent les ré-interprétations ne le sont pas. Les interprètes disposent de leurs droits voisins pendant 50 ans, voire malheureusement plus car la loi et les directives européennes ont tendance à allonger leurs droits.

N’hésitez pas à la féliciter chaleureusement pour cette démarche.

Logman n Pstump – Synesthesia

Si la trance goa ne vous fait pas peur… :=)

Cet album date de 2013, depuis, ils en ont sorti un autre cette fois-ci en cc-by-sa.

Dis, c’est quoi la culture ? (entracte)

Pour cet entracte entre mes deux tomes, voici quelques idées pour nourrir le propos.

Les politiques culturelles permettent, par le financement alloué à des associations, des actions intéressantes. Ici, les Céméa qui vont faire un travail très intéressant sur de l’appropriation culturelle autour du Festival d’Avignon, on ne va pas simplement voir un spectacle, mais comprendre comment il se crée pour pouvoir s’en inspirer par la suite, « l’aller-retour entre le voir et le faire ».

Illustrant une autre idée de la politique culturelle, Gilberto Gil (qui malgré qu’il soit un sociétaire de la Sacem depuis 2007, a publié une musique sous Creative Commons en participant à la compilation Wired en 2004) propose ses idées.

La coproduction selon Gilberto Gil

27/06/2014

Penser les conditions de coproduction de l’innovation c’est regarder cette question sous tous les angles, de tous les points de vue, depuis tous les territoires pour se donner une chance, au moins, d’être créatif. 

Récit d’une approche politique qui vise à la production d’espaces communs – les points de culture, où l’État n’est plus un espace central, mais ne travaillait qu’à faire émerger et à accompagner des formes d’expressions populaires et transdisciplinaires :

  • Une approche résolument culturelle, conçue sur des bases d’auto-gestion.
  • Une proposition où seul un regard culturel peut produire un sens dans une relation entre citoyens, collectivités territoriales et entreprises.
  • Une proposition qui ne fait sens qu’à la condition de penser globalement une culture de l’urbanité où l’enjeu premier serait de travailler le lien et l’espace symbolique capable de faire émerger la joie et la créativité.
  • Un regard jugé souvent naïf, à une époque où ce ministre ne participait à un gouvernement dont le pays n’était à peine que 26 fois plus grand que la France et dont la croissance économique n’était que 6 fois supérieure à la notre.

Selon Gilberto Gil, une seule condition de succès pour la mise en œuvre de coproductions d’innovations : rester ouvert pour la vie.

Source : Gilberto Gil – Vers une culture de l’espace public par le_hub_agence

Dans ma deuxième tome, je vous parlerai de processus de création et d’identité culturelle et surtout en quoi les politiques culturelles, aujourd’hui, ne permettent de travailler ces questions qu’à la marge, avec quelques exemples concrets.

Ketsugou vol 2 par Barbatruco Producciones

Une collaboration espagnole et chilienne avec Deloise Beatmaker, Lluvia Acida et Polar pour une sortie tout en beats, hip-hop et experimental du netlabel chilien Barbatruco Producciones.

Barbatruco Producciones existe depuis 2003, au départ pour soutenir un groupe underground, Capital Umano . Depuis la scission de ce groupe en 2007, ils s’intéressent à bien d’autres groupes afin de publier ce qui n’est pas publié ailleurs. (« the need of editing their own stuff that obviously no one does.. »).

Dis, c’est quoi la culture ? (tome 1)

Congrès de Mexico de 1982 de l’UNESCO sur les politiques culturelles

Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances.
Cette culture donne à l’Homme la capacité de réflexion sur lui-même. C’est elle qui fait de nous des êtres spécifiquement humains, rationnels, critiques et éthiquement engagés. C’est par elle que nous discernons des valeurs et effectuons des choix. C’est par elle que l’Homme s’exprime, prend conscience de lui-même, se reconnait comme un projet inachevé, remet en question ses propres réalisations, recherche inlassablement de nouvelles significations et crée des œuvres qui le transcendent.

Ce n’est pas une définition arrêtée, certains diront que le mot culture est un terme éminemment polysémique et qu’il est, par là, difficile de rendre compte d’un concept précis, mais nous prendrons cette idée comme point de départ de notre réflexion car elle est large et qu’elle permet de rendre compte de tous les enjeux auxquels Musique Libre ou plus largement, les citoyens, sont confrontés.

Historique : Un ministère de la Culture ?

Avant 1945, les deux seuls pays qui avaient des ministères de la Culture étaient l’Allemagne et l’Italie, c’était les années 30 et 40, dans des pays où l’éducation des masses aux thèses des partis en place était l’objectif prioritaire de ces ministères. La fameuse propagande dont certains graphistes sont très friands.1315476-Propagande_fasciste_mai_1929

Depuis la Seconde Guerre Mondiale, nous avons appris qu’on pouvait être un bourreau nazi sanguinaire et être un excellent pianiste ou fan de Wagner, la culture ne vous immunise pas de la « barbarie », elle peut même être une arme résolument efficace et méthodique. À la suite de la Seconde Guerre Mondiale, en France, un certain André Malraux décida de créer un Ministère de la Culture (dénommé en 1959 Ministère des Affaires Culturelles)  et d’en faire, non pas un outil de propagande, mais un outil de communication et de promotion culturelle. Les maisons de la culture se multiplient sur les modèles des maison du théâtre imaginées par Jean Vilar. Elles deviendront les DRAC, Direction Régionales des Affaires Culturelles et signeront la fameuse « décentralisation culturelle ».

Depuis, le ministère s’est renommé en 1997, « Ministère de la culture et de la communication ». La culture est ainsi perçue, en France, comme un outil important de la renommée patrimoniale du pays. Elle permet d’attirer touristes et entreprises et de faire de la France un des premiers pays touristique au monde.

Les années 1970 ont développé l’idée du « développement culturel ». Pour répondre à mai 68 et aux idées qui en découlent (démocratie plus directe…), des centres d’action culturelle (CAC) sont nés. Ils travaillent sur de l’animation autour des œuvres patrimoniales. En 1981, quand la gauche arrive au pouvoir, une volonté d’élargir le champ culturel émerge. En lien avec les idées de 1936 et de Jean Zay (qui voulait dès cette époque travailler à un ministère de la Vie Culturelle qui engloberait Éducation Nationale, Éducation Populaire et Expression Nationale), les pratiques amateurs vont être développées, exit, donc, les notions d’art majeur et art mineur.

Ainsi le décret du 10 mai 1982, relatif à l’organisation du ministère précise : « Le ministère chargé de la Culture a pour mission : de permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d’inventer et de créer, d’exprimer librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur choix ; de préserver le patrimoine culturel national, régional ou des divers groupes sociaux pour le profit commun de la collectivité tout entière ; de favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit et de leur donner la plus vaste audience ; de contribuer au rayonnement de la culture et de l’art français dans le libre dialogue des cultures du monde ».

Jack Lang associe également art et apprentissage, en opposition à l’esprit malrucien. Outre un ministère l’Éducation nationale et de la Culture, qu’il a mené pendant moins d’un an, sous le gouvernement Pierre Bérégovoy, c’est aussi l’époque du développement de l’enseignement du théâtre et du projet Collège au cinéma. Catherine Trautmann ensuite travailla sur l’éducation à l’art et la médiation culturelle.

Source : Wikipédia

Mais si la question de la place de la culture dans l’espace public est mieux traitée, celle de sa diffusion est liée aux industries culturelles naissantes en France. Après la fin de l’ORTF, viennent au monde les conglomérats télévisuels privés (Canal +, TFI, LaCinq, puis M6), puis ensuite les radios « libres », dont certaines sont devenues des empires de vente de publicité massifs (NRJ, Skyrock, RMC, RTL, Europe1…). C’est dans ce contexte que le Ministère de la Culture a évolué, et c’est ce contexte qui permet de comprendre toute la fissure entre les publics et ce Ministère quand il a fallu parler de diffusion et de téléchargement à l’heure d’internet.

Ceux qui, aux yeux du Ministère, permettaient la « démocratisation culturelle », car ils toucheraient des publics jusqu’ici éloignés des théâtres et de la vie culturelle parisienne, se retrouvaient en grande difficulté face à un phénomène nouveau, la « disponibilité culturelle » sur internet, et à ceci, les arsenal législatifs employés (LCEN, DADVSI, LOPSSI) n’ont eu qu’un effet dissuasif marginal. Il a fallu la concurrence du « piratage » par des offres légales et peu chères (le streaming) pour que nous puissions voir des modifications de comportements, la HADOPI ne servant qu’à rappeler à l’ordre les brebis égarées de la nouvelle technologie.

Cette première partie s’est concentrée sur la perception de la culture par les pouvoirs publics. Ce qu’ils financent et aident en priorité (le patrimoine, l’éducation culturelle, les industries de la communication) montre un point de vue sur le terme « culture ». Celui-ci est toujours teinté de vision pyramidale de la culture, entre les savants et les ignorants, avec des intermédiaires qui permettent l’éducation des uns pour les autres. Je dirai que cela montre aussi une méconnaissance abyssale des processus de création et d’identité culturelle des populations, une arrogance telle qu’elle ne permet pas aux populations de s’emparer de nouvelles formes, mais qu’elle les enferme dans des carcans culturels, décidés et labellisés en haut-lieu, et aidés en ce sens.

Dans ma deuxième tome, je vous parlerai de processus de création et d’identité culturelle et surtout en quoi les politiques culturelles aujourd’hui ne permettent de travailler ces questions qu’à la marge, avec quelques exemples concrets.

rec72 – Spiedkiks : Little smartphone people

Une sortie un peu ancienne (mars 2014), mais comme le son est bon, je préfère vous en faire profiter !

In the first place, we planned to release a downtempo album, but skipped that idea pretty fast. It took us five months and we worked in three different studios, in order to put our final touches on Little Smartphone People. (Spiedkiks, 2014)

DOWNLOAD LITTLE SMARTPHONE PEOPLE

En bonus deux clip !

Spiedkiks – Move The Head from akustikfilm on Vimeo.

Source : http://rec72.net/?p=3515 et http://www.acim.asso.fr/ziklibrenbib/spiedkiks-little-smartphone-people/