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The Pirate Bay accoste (enfin) au tribunal !

Edit C’est un titre provoc’ pour évoquer le procès du site de partage bittorrent le plus populaire du moment. La provoc c’est l’arme de distraction massive des petits gars suédois de Pirate bay et Pyrat Byran. Du côté des plaignants on ne trouve que des « petites boites de prods indépendantes », Warner Bros, MGM, EMI, Colombia Pictures, 20th Century Fox, Sony BMG et Universal.
Sur le banc des accusés deux opérateurs du site thepiratebay, Gottfrid Svartholm Warg (aka Anakata), Peter Sunde Kolmisoppi (aka Brokep), « relativement » connus dans le milieu du téléchargement bittorrent, avec un membre du bureau pirate (à ne pas confondre avec le parti pirate suédois dont the pirate bay et bureau pirate ne partagent pas les opinions, même si le parti pirate supporte l’action de pirate bay), Fredrik Neij (TiAMO) (dont les serveurs avaient été saisis en même temps), et un homme d’affaire/politique pas trop recommandable (extrême droite), Carl Lundström, qui semble avoir financé indirectement pirate bay il y a un moment. Ce dernier constitue à lui seul le joker des plaignants d’un procès retentissant avant même d’avoir lieu, pour que le procès s’attaque plutôt aux personnes qu’au site, ou qu’à « l’esprit de la technologie » pour reprendre les mots d’un des accusés.

Récapituler rapidement comment ils en sont arrivés à un procès pour « facilitation de copie illégale » portant sur une vingtaine de chansons, moins d’une dizaine de films, et quelques logiciels, n’est pas chose aisée.

En 2006 (soit deux ans après la création du site) la police fait une descente dans le datacenter qui héberge les quelques serveurs de thepiratebay, ils en embarquent 180, dont la plupart n’ont rien à voir avec piratebay. Il apparaitra plus tard que cette descente était une entrave à la séparation des pouvoirs en Suède, un lobbyiste américain ayant réussi à convaincre le ministre de la justice suédois de faire en sorte que pirate bay soit stoppé, or le ministre de la justice ne peut pas, en Suède, donner d’ordre strict à la police.

Evidemment les opérateurs de pirate bay avaient fait des backups une fois prévenus par téléphone que la descente allait avoir lieu, avant même de rencontrer la police, laquelle les interrogea en posant plus de question sur leur idéologie ou idées politiques avant de prendre le temps d’essayer de comprendre ce que bittorrent peut bien signifier et comment ça marche.

Or il se trouve que ça marche de telle manière que thepiratebay n’a jamais enfreint la loi suédoise. Evidemment ça tremble dans le gouvernement, le ministre de la justice finit par être blanchi, mais ça fait du bruit, un bruit que savent très bien exploiter les 3 opérateurs du site qui font un buzz de tous les diables, quand la justice demande du temps pour enquêter.

Il aura fallu 2 ans et demi, donc, pour 4 logiciels, 9 films et 22 fichiers musicaux (!). The pirate bay avait remis en ligne 50% des backup 48h après le raid, 4 ou 5 jours après, le « service » était assuré de nouveau. Puis pendant les 2 ans et demi qui ont suivi, the pirate bay est devenu (ironiquement) le plus grand tracker bittorrent du monde, célébrant régulièrement des records de « peers » (partageurs), ajoutant des serveurs à leur réseaux, optimisant le code, créant de nouvelles perspectives pour le protocole bittorrent dont ils modifient le code (oui bittorrent est open-source). En ce moment si on regarde sur leur homepage ils sont régulièrement plus de 20 000 000 « peers » (les zéros ne sont pas anodins) à se partager plein de choses. Il ne faut pas se voiler la face, la plupart du temps des trucs merdiques (grosses productions ricaines, du cul j’imagine, des softs, que sais-je encore), mais, ne pas se voiler la face non plus, beaucoup, beaucoup de culture de qualité. Les grands « releasers » (pirate originel si vous voulez, celui qui achète le DVD pour le ripper et le partager) sont tous présents sur le tracker, et certains se spécialisent, ce qui fait que les classiques du cinéma sont là, la musique un peu rare aussi, les logiciels « abandonware » aussi. Ce n’est peut-être pas LA culture, mais un grand pan est disponible grâce aux partageurs utilisant the piratebay. Sans parler du téléchargement de ce qui n’est PAS pirate comme les distributions GNU/Linux, la musique libre, les logiciels libres. Marginaux sur piratebay certes mais présents.

Tout cela agace terriblement les lobbies américains et internationaux (RIAA, MPAA, IFPI et consorts) qui attendent eux-aussi de pouvoir se mettre sous la dent un « exemple », comme ils tentèrent de le faire maladroitement avec des individus aux Etats-Unis (on se rappellera de l’histoire de Jammie Thomas). S’ils arrivent à faire tomber l’emblématique piratebay, le reste suivra, c’est l’idée. Malheureusement pour eux TPB se porte très bien et respecte la loi. Leur relation aux médias est totalement transparente et leur réactions souvent puériles sont dignes des enfants qu’ils faut éduquer, les arguments, l’intelligence et le cynisme en plus. Du coup la sympathie qu’ils génèrent est mondiale.

Les accrocs dans cette relation avec la presse, les médias et le public sont rares mais notables. Une affaire passionnée qui avait vu the pirate bay refuser de retirer un fichier hash (le résumé d’un fichier qui permet d’aller le chercher sur les ordinateurs des « peers ») présentant les photos d’une autopsie d’une enfant, assassiné dans des circonstances sordides, ce qui provoqua une vive émotion en suède. L’argumentation des gamins de TPB était claire, ces images sont légalement disponibles et quelqu’un les partage ce n’est pas illégal ; « je refuse de retirer le fichier (hash, une suite de chiffres et de lettres, pas les photos elles-mêmes) comme je le refuserais de tout autre fichier présent dans le tracker ». Evidemment la passion déclenché par l’affaire leur a fait une terrible image : invité en dupleix téléphonique par une émission télévisée, Peter Sunde, porte parole de TPB, avait décliné l’invitation si les parents étaient présents, arguant que la problématique de ce fichier ne pouvait décemment pas être débattue dans un climat de passion, que c’était une décision rationnelle et qu’il serait facile d’en faire du sensationnel, ce qui ne servait pas la compréhension du mouvement des partageurs. La chaîne de télévision a finalement piégé Sunde en laissant les parents intervenir dans la conversation téléphonique, après lui avoir garanti le contraire. TPB decide alors de ne plus communiquer avec les médias, laissant aux médias la charge de s’informer. Reste que the piratebay proclame n’avoir jamais retiré un seul fichier hash du tracker, à l’exception de quelques fake (faux) reconnus.

L’encre coule donc beaucoup autour de TPB, on les accuse d’être multimillionaires grâce à la publicité sur le site, mais eux rigolent en disant que depuis le raid, les gens comprennent qu’ils sont des pirates et les annonceurs ne se bousculent pas. Il suffit de voir les annonceurs actuels du site pour comprendre que ce n’est pas vraiment ce qui leur rapporte de l’argent, d’ailleurs rien n’en rapporte au vu de la maintenance des dizaines de serveurs que TPB exploite (dont un est maintenu dans un coffre fort, on ne sait jamais ; d’autres sont contractuellement dans des endroits inconnus des opérateurs). L’argent est le deuxième accroc de communication de TPB qui a bénéficié un temps du soutien indirect d’un homme d’affaire d’extrême droite, soutien pécuniaire évidemment : c’est cet homme d’affaire prompt à créer la passion que la partie adverse a attaqué aussi pour éventuellement enfoncer un peu TPB dans ce jugement. Les documents que j’ai consulté concernant cette affaire n’était pas très clairs pour moi, étant pour une bonne part disponibles uniquement en suédois, mais la « ficelle est grosse » comme dit dans numerama.

Ensuite ils font carrément réagir des gouvernements : récemment le gouvernement Italien a demandé aux fournisseurs d’accès de couper/filtrer l’accès au site thepiratebay. Entre temps les pirates ont réagi et eu gain de cause. Au Danemark, après une décision de justice à l’encontre du plus gros fournisseur d’accès, comme un effet boule de neige, tout les FAI danois coupent/filtrent thepiratebay. Evidemment il n’est pas facile d’interdire l’accès à un site dans un réseau décentralisé, et dès que thepiratebay est filtré dans un pays (la plupart du temps par filtrage DNS) ils publient une page dans la bonne langue pour expliquer comment continuer à joindre le site souvent via une manipulation très simple (sous GNU/Linux) ou en recommandant des services type DynDNS. Une récente étude portant sur les statistiques du tracker de TPB montre une chose tout à fait surprenante : 33% des échanges de fichiers sur le tracker (la plus grosse part unique pour un pays) proviennent d’un pays ou l’accès à pirate bay est interdit et coupé/filtré : la Chine. Plus énorme encore, pour les technophiles, TPB représente le tracker qui à lui seul assure 50% du trafic bittorrent sur le réseau, de sorte que cette centralisation fait peur à des chercheurs qui se disent que si thepiratebay tombe (ce qui ne sera pas pour demain) par effet de domino beaucoup de serveurs très petits devront prendre le relais et tomber eux aussi, pour les plus fragiles. Ce qui aurait un impact considérable sur le trafic bittorrent (et au passage sur le téléchargement de DVD Linux légaux disponibles plus rapidement en bittorrent).
Leurs manières « d’incorruptibles » et le ton des emails qu’ils renvoient aux avocats américains voulant imposer la loi américaine partout dans le monde, en ont fait, sans doute malgré eux, mais ils s’en accommodent fort bien, les porte-parole des internautes partageurs, et le procès qui s’ouvre est historique au sens où il définira la nouvelle limite pour les autorités dans leurs moultes tergiversations pour sauver l’industrie (inadaptée) du disque, ou permettre à Hollywood de continuer à (littéralement) se « gaver ». DADVSI, Hadopi, riposte graduée, filtrage du net, abandon de la neutralité du net, marchandisation totale du réseau, tout ceci prendra à l’évidence une nouvelle tournure à l’issue du procès. Soit pire encore, si c’est possible, soit de manière plus saine et pondérée, à l’instar de l’Espagne qui à encore récemment affirmé en justice que l’utilisation du P2P à titre personnel est légale. Ou encore en écoutant un ancien haut placé de chez EMI qui estime, aujourd’hui qu’il n’est plus en fonction, que les DRM et le filtrage ne servent à rien !

Voilà donc aujourd’hui que s’ouvre le procès. Après avoir demandé à ce qu’il soit retransmis sur le net en vidéo (obligation de transparence nécessaire à leur yeux), ou que la salle d’audience aie les dimensions qui permettent à plus de monde de venir y assister, deux demandes rejetées, TPB obtint au moins la transmission audio temps-réel du procès, laquelle est traduite immédiatement en anglais, mise en ligne : un site dédié couvre le procès, un twitter balance les news minute par minute, un bus converti en centre de presse stationne non loin du tribunal, des concerts et des « talks » sont organisés dans la rue, le soutien est massif et l’intêret des partageurs du monde entier est énorme (au point de faire défaillir le serveur qui sert de blog). The pirate bay sait organiser un spectacle, ils ne cessent d’ailleurs de le répéter depuis un moment, en substance « en février l’état finance un spectacle public, c’est le spectacle du procès de pirate bay, venez nombreux »

Certains membres de TPB et du bureau pirate ont tenu une conférence de presse sélective ce dimanche 15, certains médias (dont ils jugent que les questions seraient une perte de temps), vous pouvez en lire un bon résumé dans torrentfreak.com et aussi sur Numérama (qui semble avoir pris la mesure de ce procès et le couvre assez bien).

Pour mieux comprendre les gaillards, ce qui leur est arrivé et leur manière de réfléchir, regardez-donc Steal this film part 1 (et la 2e partie aussi très intéressante et moins axée sur TPB), et voguez directement sur leur site, il me semble qu’en cherchant « pirate bay » sur pirate bay on trouve des choses intéressantes.

De ce que j’ai pu lire de la première journée d’audience, c’est que le procès s’oriente sur les personnes et peu sur la technologie, ce qui est fort dommage, espérons que les bonnes questions sauront surgir plus tard.

Edit : Post écrit hier, qui est déjà « obsolète » pour partie. La deuxième journéea éte’pleine de rebondissements, et surtout une grosse surprise : le procureur se voit obligé d’abandonner la moitié des charges retenues contre piratebay, tout ça pour incurie technologique…
(Pendant ce temps ce cher Luc Besson…)

dF

The Way of the « Domain »

Hiphop domain, c’est une aventure dans le domaine public pour fournir aux rappeurs « sans le son » un moyen d’utiliser en toute liberté de la musique pour leur textes. De nombreux musiciens (17 en tout) ont participé à l’élaboration de trois compilations de 10 titres présentes sur le site officiel en mp3 et image CD (www.hiphopdomain.org).

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