Idée reçue n°1

Bonjour,

Ceci est le blog de la documentation de Dogmazic. Et pour commencer la catégorie « idées reçues », nous allons nous attaquer à la première (choisie de manière très arbitraire).

Idée Reçue n°1

La musique libre n’est pas de la musique libre de droits !!!

Les licences ouvertes s’inscrivent dans la continuité du droit d’auteur

Les créateurs des différentes licences se sont efforcés de rendre leurs licences CONFORMES au droit d’auteur. La difficulté majeure à laquelle ils se sont heurtés tient au fait du caractère local de ces droits, chaque état ayant développé ses propres modalités de protection des auteurs et des œuvres. Les licences Creative Commons ont choisi de faire appel à des juristes qui, dans chaque pays, s’occupent de traduire et surtout d’adapter le texte de la licence originale (en anglais et valable pour les états-unis d’Amérique) au droit local. En France, ce travail d’adaptation a été mené pat le CERSA sous l’égide de Mélanie Dulong de Rosnay. Il résulte de ces efforts que les licences ouvertes, et notamment les licences Creative Commons, sont en réalité des contrats qui s’inscrivent dans le cadre du droit d’auteur, et non pas contre lui comme on le croit parfois. Ils sont à ce titre comparables juridiquement aux contrats qu’un auteur signe avec un éditeur : à ceci près qu’ils s’adressent à l’humanité toute entière.

Le droit d’auteur protège l’auteur : c’est pourquoi il conditionne l’usage de l’œuvre au consentement de l’auteur

La volonté originelle des créateurs du Code de la Propriété Intellectuelle et Artistique (CPI) consistait à protéger les auteurs contre l’exploitation inéquitable de leurs œuvres par les éditeurs. En consacrant le monopole absolu de l’auteur sur son œuvre, dès l’ouverture du CPI (« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous . »), on signifie que toute exploitation future de l’œuvre doit supposer le consentement de l’auteur.

C’est la raison pour laquelle le droit d’auteur est d’abord restrictif pour l’usager de l’œuvre. En l’absence de l’autorisation de l’auteur, l’usager n’est pas autorisé à jouir de l’œuvre. C’est ce que dit l’article 122.4 du CPI, article crucial on le verra pour les licences libres. Art. L. 122-4. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

Si on prenait cet article au pied de la lettre, la diffusion de l’œuvre s’en trouverait gravement limitée : on n’imagine pas que chaque usager doive obtenir l’autorisation de l’auteur en personne ou de l’ayant droit avant d’écouter, de jouer ou de diffuser une chanson par exemple. Afin de prévenir cette disposition contraire à l’intérêt de la culture et de la société, le législateur a créé ce qu’on appelle l’exception pour l’usage privé, laquelle est décrite par l’article 122.5 (dont nous citons juste le début) :

Art. L. 122-5. Lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire : 1° Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille ; 2° Les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l’exception des copies des œuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée (…)

C’est précisément cet article qui vous autorise à jouir de la musique créée par un auteur autre que vous. C’est aussi cet article, et notamment la clause relative à la copie et à le reproduction qui fait l’objet de remise en question de la part de l’industrie du disque actuellement.

L’imprécision de la loi à ce sujet, qui n’avait pas prévu les développements technologiques récents (notamment la copie numérique, la facilité de diffusion de ces copies et la dématérialisation relative des supports), et notamment la distinction entre la sphère privée et la sphère publique fait l’objet de débats cruciaux.

Les licences ouvertes sont un contrat de cession de certains droits a priori

Néanmoins, l’auteur peut céder tout ou partie de ses droits patrimoniaux à un tiers. (Il ne peut pas céder ses droit moraux, notamment la relation de paternité entre lui et son œuvre, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la clause « Paternité » dans les licences Creative Commons, n’a pas véritablement de sens en droit français : elle constitue au mieux un pléonasme, bien que ce point soit discuté.)

C’est ce qui se passe quand l’auteur décide de céder tout ou partie des droits d’exploitation de son œuvre à un tiers : un éditeur par exemple. Ce faisant, il fait de son éditeur un ayant droit sur son œuvre. Il lui accorde certaines autorisations en vertu d’un contrat, il transmet une partie de ses prérogatives à un autre.

Ce faisant, et selon les termes définis par le contrat, la copie et la reproduction, la diffusion, l’exploitation de son œuvre par l’éditeur est rendu licite, puisque l’auteur, selon les termes de l’article 122.4 cité ci-dessus, a CONSENTI à cet usage.

Les licences ouvertes, qui sont des contrats d’autorisation ou de permission (ce que signifie le terme licence), fonctionne tout à fait de la même manière. A ceci près que l’interlocuteur auprès duquel l’artiste apporte son CONSENTEMENT n’est pas une personne morale ou un particulier mais l’humanité tout entière. L’article 122.4 ne précisant pas a priori la nature de l’interlocuteur auprès duquel l’auteur consent, et puisque l’auteur a le monopole absolu sur son œuvre, contractualiser avec l’humanité est juridiquement sensé.

Le contrat de licence libre autorise donc a priori l’humanité tout entière à certains usages que le droit d’auteur avaient conditionnés dans l’article 122.4 à son consentement. Il n’est donc plus nécessaire, pour les usages qui ont été définis dans le contrat de licence libre, d’obtenir le consentement de l’auteur puisque celui-ci a déjà consenti par avance.

On doit bien garder à l’esprit toutefois que le droit d’auteur garde la priorité juridique sur le la licence quelle qu’elle soit. Ainsi, nul contrat ne saurait échapper aux permissions décrites dans l’article 122.5 cité plus haut. Stricto sensu, tout ce qui n’est pas défini par le contrat de licence l’est dans le CPI.

C’est le but des clauses restrictives apportées par certains contrats de licence : par exemple les clauses « Pas de Modification » ou « pas d’Utilisation Commerciale » ou « Partage des Conditions Initiales à l’Identique » des contrats Creative Commons. Par exemple, la clause « pas d’Utilisation Commerciale » peut être comprise comme une précision ou une correction à l’autorisation initiale de copie et de diffusion : l’auteur consent pour l’humanité toute entière SAUF dans le cas d’un usage à des fins commerciales, A L’EXCEPTION de cet usage.