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Vers la musique libre – Bordeaux, février 2001

Zikos et amateurs de musique, ce message vous concerne ! Le texte qui va suivre se propose de vous causer d’un projet qui risque fort de révolutionner le marché de la musique, en pleine crise d’identité. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il me semble nécessaire de parler de GNU. GNU est ce qu’en France les médias ont coutume d’appeler Linux (il serait plus juste de dire GNU/Linux), c’est-à-dire, un système d’exploitation entièrement libre, des programmes informatiques libres eux aussi, fruit du travail souvent bénévole de nombreux programmeurs à travers le monde.

GNU est régi par une licence très particulière, la GNU General Public License, qui garantit à tous

La liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages (liberté 0).

La liberté d’étudier le fonctionnement du programme, et de l’adapter à vos besoins (liberté 1).

La liberté de redistribuer des copies, donc d’aider son voisin (liberté 2).

La liberté d’améliorer le programme, et de publier vos améliorations pour en faire profiter toute la communauté (liberté 3).

(extrait de la traduction de Karl Pradène d’un texte de Richard Stallman intitulé « Qu’est-ce qu’un logiciel libre ? »)

Il est à noter, comme le précise d’ailleurs M. Stallman dans le même texte, que libre ne veut pas dire gratuit. Il existe des logiciels gratuits qui ne sont pas libres (freeware) à côté de nombreux logiciels et systèmes d’exploitation qui sont non seulement libres mais aussi gratuits (parfois les utilisateurs payent pour leur copie d’un programme informatique libre, parfois, c’est gratuitement qu’ils l’obtiennent). Le logiciel libre constitue une révolution, il circule sans entrave dans un univers pourtant marqué par la recherche du profit : lorsque vous copiez un logiciel Microsoft, même gratuit, et que vous le refilez à un pote, cela s’appelle du piratage et c’est puni par la loi (le copyright n’autorise qu’une copie par personne, aucune modification du produit n’est tolérée).

Richard Stallman, fondateur du projet GNU a trouvé un procédé très astucieux pour diffuser les produits informatiques tout en les les protégeant : le copyleft, ou copyright inversé. Le copyleft donne le droit de faire autant de copies que l’on veut d’un logiciel libre ; la copie devient libre à son tour et acquiert automatiquement le même statut que l’original, etc. Le but d’une telle entreprise étant de permettre à un plus grand nombre d’utilisateurs d’accéder aux produits informatiques en invitant les programmeurs comme les utilisateurs à « partager », « aider son voisin ».

La GPL n’est pas qu’une incitation à la copie et à la modification des logiciels (accès au code source), elle est aussi garante du respect des auteurs de logiciels libres (avant de mettre un logiciel sous copyleft, M. Stallman suggère de le mettre d’abord sous copyright afin de protéger son/ses auteurs), ainsi qu’un appel à un esprit plus communautaire, moins mercantile. A titre d’exemple, une distribution GNU/Linux (il en existe un nombre croissant) coûte rarement plus de 300 FF dans le commerce et vous donne accès à des milliers de logiciels – dont celui que j’utilise pour rédiger cet article. La quasi totalité des éléments du système et des logiciels fournis étant libres et gratuits, vous ne payez en somme que le packaging ; vous pourrez ensuite en faire ce que vous voudrez.

Tout ce préambule était destiné à vous éclairer sur le contexte dans lequel s’élabore actuellement la Free Music Public Licence, héritière musicale en ligne directe de la GNU GPL.

Musicien depuis un certain temps, je me suis toujours demandé quel était le meilleur moyen pour diffuser la musique que je compose. Cela m’embêtait fort d’être obligé de passer par une liste toujours plus longue d’intermédiaires vampiriques, ou muets, et lorsque je me suis par hasard intéressé au projet GNU, ça a tout de suite fait tilt : « Pourquoi pas une licence du même type pour la musique ? ». J’eus la chance d’échanger quelques mots avec R. Stallman sur ce sujet lors de sa venue à Bordeaux l’été dernier, pour les rencontres mondiales du logiciel libre. Il m’indiqua l’e-mail d’un étudiant de l’Université de Berkeley, Ensor avec lequel je me mis tout de suite en contact. Ensor travaille actuellement avec l’aide d’un avocat, Me Lawrence Lessig à l’élaboration du texte de la Free Music Public Licence (FMPL), le texte est aussi en germination avancée chez Ram Samudrala, auteur de nombreux – et fort instructifs – articles sur la philosophie de la musique libre. Il existe déjà quelques sites web qui diffusent de la musique libre, de nombreux musiciens y proposent déjà leur musique (on trouvera en fin d’article les adresses de ces sites).

Lorsque son texte sera juridiquement validé, la FMPL donnera, comme son inspiratrice informatique le droit de copier et de modifier la musique. Elle protégera bien entendu les musiciens contre les entreprises malhonnêtes telles que l’appropriation « commerciale » de leur musique par un tiers qui n’y aurait apporté aucune modification, et/ou aurait arbitrairement apposé son propre copyright sans tenir compte du/des auteurs de celle-ci. Les clauses à respecter impérativement pour diffuser de la musique libre sont de joindre le texte de la licence à la musique (sous forme de fichier informatique présent dans le CD, ou le fichier MP3) et de préciser les nom et contact du/des contributeur(s) (de même, tout logiciel libre est accompagné de la GNU GPL).

Toute entreprise commerciale sera régie par les termes de la FMPL, celle-ci ayant pour but principal de créer une communauté de musiciens solidaires, de stimuler la créativité par l’échange de connaissances dans le respect et la courtoisie, de faire circuler et de protéger la musique en légalisant la reproduction (fini le procès Napster !), d’autoriser la modification (arrangements différents, samples, interprétation différente, remix, ajout de paroles, d’instrumentation différente, reprises, etc.) des œuvres musicales et de supprimer les intermédiaires entre le musicien et le public (vente directe, téléchargements ou CD, possibilité pour le public d’enregistrer les concerts, etc.).

Il y a donc une réponse légale au trafic de copies illicites de CD : la copie licite ou copyleft. Il y a aussi une réponse au tarif exorbitant des CD (moins cher que le vinyle, c’est ce qu’on nous disait dans les années 80, bilan, le CD est à 120FF, pour un coût réel de fabrication se situant largement en dessous de 10FF).

Les musiciens ne touchent que 4% du prix versé par le public pour leurs CD ; de plus, ce barème est variable (les musiciens « connus » reçoivent plus de 4%, les autres, moins de 4%). A l’inégalité des chances entre les musiciens provoquée par l’attitude cynique sans ambiguïté des « géants » du secteur, à l’oubli de tant d’œuvres musicales sous prétexte que celles-ci n’ont pas de potentiel commercial, il y a une réponse : cette réponse, c’est la FMPL. La FMPL sera sans doute terminée – au plan légal – courant 2001. N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez des précisions supplémentaires sur ce sujet épineux, ou si vous souhaitez soutenir notre action, ou encore, si vous avez de bonnes objections à apporter à ce projet qui ne manquera certainement d’en soulever de nombreuses et cruciales pour sa pérennisation.

Toute contribution est bien entendue la bienvenue. J’invite tous ceux que le sort des exclus (volontaires ou non) du show business (et ils sont aussi nombreux que talentueux) intéresse à participer au développement du site. Vous pourrez bientôt y télécharger la musique d’Exorciste de Style, de Loubia Dobb System (deux projets auxquels je travaille), et de tous ceux qui auront envie d’y proposer leur musique. Vous pourrez aussi vous y exprimer sur la question, si elle vous intéresse. Nous ne misons d’emblée que sur l’honnêteté du public, son sens des responsabilités vis-à-vis de la société de consommation, et son respect supposé des créations musicales. Le système actuel et le développement du MP3 a malheureusement enfanté une nouvelle race de consommateur : le consommateur-voleur. Celui-ci aura-t-il un peu plus de scrupules à s’approprier de la musique libre ? Finira-t-il par acheter ma musique, et celle de ceux qui comme moi se sont engouffrés dans cette brèche ? Il la paiera moins cher que celle qu’il ne voulait plus payer, c’est déjà un bon argument. Il saura ensuite qu’elle ne profite pas à un producteur véreux, mais à celui ou ceux qui l’ont fabriquée.

Musiciens : la recherche seule du profit affame la créativité ! Ne sommes-nous pas de plus en plus nombreux à avoir les moyens techniques de produire de la musique de qualité par nous-mêmes ? Alors pourquoi attendre qu’un gugus en costard infroissable bleu électrochoc daigne – peut-être un jour, rien n’est moins sûr d’ailleurs – nous autoriser à pénétrer dans son joli bureau pour y signer le contrat du-siècle-de-la-mort-qui-tue (« Un havane, Serge ? »). Nous pouvons nous passer de lui, n’est-ce pas, amigos ! Pour le moment, un paquet d’entre nous sont obligés de trimer à autre chose qu’à leurs compos pour gagner leur croûte. Musiciens, mélomanes, labels indépendants de France, de Navarre, d’Amérique ou du Lesotho, aidez-nous à libérer la musique de ce système inégal et verrouillé, qui engraisse les uns pour mieux dépouiller les autres : rejoignez le camp de la musique libre !

Wagdi, Eric Aouanès

Bref historique de la Musique Libre

L’histoire de la musique libre débute en 1994 aux États-Unis, avec le texte fondateur de Ram Samudrala : La philosophie de la musique libre (remanié en 1998), qui s’inspire des principes du logiciel libre et de la libre circulation sur Internet des œuvres de l’esprit pour proposer un modèle de « musique libre » (free music) très revendicatif. En France, il faudra attendre 2001 pour qu’un premier texte soit publié sur le sujet : Vers la musique libre, publié dans la revue Linha Imaginot en février 2001. Sur le web français, toujours en 2001, le premier site à parler de musique libre a été créé par l’auteur de cet article : Musique-Libre.com, ancêtre de Dogmazic.net.

Qu’est-ce que la musique libre ?

Petite définition :

On appelle Musique Libre l’ensemble de la musique sous licence de libre diffusion, c’est à dire l’ensemble des morceaux, compositions et enregistrements pour lesquels les auteurs et interprètes ont accordé au public un droit d’échange, de partage et de rediffusion.

(Extrait de Une histoire de mots : culture libre et libre diffusion)

Concrètement, il s’agit de musiciens, dans tous les genres et styles possibles, qui distribuent leurs œuvres selon les termes de « licences » (licences libres, licences de libre diffusion ou licences ouvertes). Ces licences sont des contrats de diffusion, passés entre le ou les auteurs et l’auditeur. Grâce à ces contrats, le ou les auteurs accordent à l’auditeur un certain nombre de libertés, dont la plus basique est la possibilité de rediffuser l’œuvre sans accord spécifique – entre autres pour en faire une copie pour des amis, ou même pour des parfaits inconnus, via des webradios par exemple –, dans un cadre non commercial. Une seule restriction : la nouvelle diffusion doit se faire sous la même licence.

La musique libre va parfois plus loin que la libre diffusion. Suivant la licence choisie par l’auteur, l’auditeur peut par exemple être libre de distribuer l’œuvre commercialement, ou de produire une œuvre dérivée, avec parfois l’obligation de conserver la licence d’origine pour cette œuvre dérivée.

Suite à de nombreuses confusions de termes glanées ça et là sur le Web, nous insistons sur le fait que la musique libre n’est en aucun cas de la musique « libre de droits », car les auteurs de musique libre conservent certains droits, et en accordent d’autres au public, diffuseurs, etc. et cela quelle que soit leur licence ouverte.

Pourquoi la musique libre ?

  > Pour donner un cadre légal à l’artiste ayant choisi la gestion individuelle de ses droits d’auteur.
  > Pour laisser le choix à l’artiste de disposer légalement de son œuvre et de l’exploiter comme bon lui semble.
  > Pour rétribuer au mieux l’artiste sur l’exploitation de ses droits en réduisant le nombre d’intermédiaires.
  > Pour favoriser l’émergence d’un espace d’activités artistiques indépendant des contraintes spectaculaires-marchandes.
  > Parce que la distribution de la musique a changé avec l’autoproduction toujours plus accessible et l’auto-distribution par internet.
  > Parce que la musique est trop chère, et l’offre trop standardisée.

Quel intérêt pour le mélomane ?

  > Le mélomane accède à une base de données de titres légalement et librement disponibles.
  > Le mélomane a la certitude de n’enfreindre aucune loi sur le droit d’auteur.
  > Le mélomane découvre des artistes originaux qui n’auraient pas été lancés par une industrie de plus en plus frileuse.
  > Le mélomane sait qu’une majeure partie (ou la totalité) des recettes est destinée à l’artiste.

Quel intérêt pour le diffuseur ?

  > Que vous soyez cinéaste, publicitaire, que vous travailliez dans l’éducation Nationale ou dans une entreprise privée, de même si vous êtes commerçant, musicien, créateur de sites Web, etc. vous pouvez être amené à utiliser de la musique libre dans le cadre de votre activité professionnelle. Pour bien saisir le principe de cette utilisation, distinguons deux cas :
  > L’utilisation non-commerciale : elle est toujours possible, quelle que soit la licence, donc, si vous diffusez de la musique dans vos locaux associatifs, ou sur les ondes de votre radio associative, vous n’aurez rien à payer aux artistes. Votre seule obligation sera de citer les auteurs et leurs licences, sous la forme d’une affiche présentant votre playlist en écoute par exemple.
  > L’utilisation commerciale : Pour les artistes utilisant des licences de type non-commerciales (Creative Commons by-nc, by-nc-sa, by-nc-nd, non commercial sampling +, Open Music Licence – Yellow), l’utilisation commerciale de leur musique est soumise à leur autorisation. Les conditions d’utilisation de la musique sont donc à négocier directement avec eux, quelle qu’elle soit (bande son pour un film, une publicité, musique de fond pour un site commercial, etc.). Dans le cas d’une licence autorisant les utilisations commerciales (Licence Art Libre, Creative Commons by-sa par exemple), toute modification ou intégration de l’œuvre dans une œuvre dérivée devra impérativement être redistribuée sous la même licence.
  > Dans tous les cas, que votre projet d’utilisation de la musique soit ou non commerciale, veuillez contacter les artistes, ils sont toujours curieux de connaître les utilisations de leurs créations.
Dans la mesure où aucun musicien utilisant les licences ouvertes ne peut être EN MÊME TEMPS sociétaire de la SACEM ou de tout autre Société de Perception et de Répartition des Droits (SPRD) similaire (hors Buma-Stemra et Koda), vous n’aurez en aucun cas de sommes à régler à cette société d’auteurs, même si elle vous réclame quelque chose.
CELA NE VEUT TOUTEFOIS PAS DIRE QUE VOUS N’AUREZ RIEN À PAYER !! En effet, en fonction de la licence utilisée par l’artiste, et notamment celles ayant une clause “Pas d’Utilisation Commerciale”, vous aurez à négocier les conditions de rémunération directement avec l’artiste (gestion individuelle des droits d’auteur). N’oubliez pas qu’en France, les auteurs et les compositeurs sont rois, et donc, que toute violation de la licence peut vous attirer des ennuis juridiques !

Les principales licences

La première licence destinée à la musique libre fut créée par le groupe britannique Ethymonics en 2000 : La FML (Free Music Licence). Depuis cette date, un grand nombre de licences spécifiques à la musique (ou non) sont apparues. À l’heure où ces lignes sont écrites, deux types de licences sont majoritairement utilisés : les contrats Creative Commons et la licence Art Libre.

Les contrats Creative Commons

:cdr_bouton.gif Simples à utiliser et intégrées dans les standards du web, ces autorisations non exclusives permettent aux titulaires de droits d’autoriser le public à effectuer certaines utilisations, tout en ayant la possibilité de réserver les exploitations commerciales, les œuvres dérivées ou le degré de liberté (au sens du logiciel libre). Ces contrats d’accès ouvert peuvent être utilisés pour tout type de création : texte, film, photo, musique, site web… (extrait de la page d’accueil de Creative Commons France : http://fr.creativecommons.org/)

La licence Art Libre, la « copyleft attitude »

:logo_107.gif Avec cette Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les œuvres dans le respect des droits de l’auteur. Loin d’ignorer les droits de l’auteur, cette licence les reconnaît et les protège. Elle en reformule le principe en permettant au public de faire un usage créatif des œuvres d’art. Alors que l’usage fait du droit de la propriété littéraire et artistique conduit à restreindre l’accès du public à l’œuvre, la Licence Art Libre a pour but de le favoriser. L’intention est d’ouvrir l’accès et d’autoriser l’utilisation des ressources d’une œuvre par le plus grand nombre. En avoir jouissance pour en multiplier les réjouissances, créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. Dans le respect des auteurs avec la reconnaissance et la défense de leur droit moral. (extrait de la licence Art Libre, source http://artlibre.org)

Quelques autres licences applicables à la musique

  > Free Music Public License : http://www.fmpl.org/fmpl.html
Pour approfondir sur le sujet des licences, nous ne pouvons que vous conseiller de visiter l’excellent site VeniVidiLibri

Tableau comparatif des licences (bientôt remis à jour)

Le tableau ci-dessous permet de comprendre de manière synthétique le mécanisme des licences ouvertes, et leur principales différences.

Dogmazic 2013 Licence : CC BY SA 2.0 d'après « tableau des licences » Dogmazic CC BY SA 2.0
Dogmazic 2013 Licence : CC BY SA 2.0 d’après « tableau des licences » Dogmazic CC BY SA 2.0
  > Les licences ouvertes autorisent systématiquement la diffusion, la copie et l’échange dans un cadre non commercial (entre ami, famille, …).
  > Les différences entre les licences portent sur la possibilité (ou non) de créer des œuvres dérivées (reprises, remixes, …), sur la possibilité (ou non) d’en tirer un bénéfice commercial (sonorisation, vente), et sur l’obligation (ou non) d’utiliser la même licence pour tous travaux dérivés.
  > Chaque clause du contrat peut être levée par l’auteur lors d’accord avec un tiers. Une clause “non-commercial” ne signifie pas qu’il est impossible de l’utiliser dans un cadre commercial, mais qu’il faut demander l’autorisation à l’auteur qui peut négocier cette utilisation.

Pour approfondir…

Le point fondamental à comprendre lorsque l’on aborde ces questions, c’est que les licences ouvertes s’inscrivent dans la continuité du droit d’auteur.

Les ressources

Où trouver de la musique libre ?

  • Dogmazic Site de l’association Musique Libre!
  • Boxson Site de l’association Boxson.
  • Free Music Archive Un des pionniers anglo-saxons.
  • Archive.org Énorme bibliothèque de tout (audio, vidéos, textes…), sert aussi de lieu d’hébergement gratuit pour bon nombre de net-labels.

Les acteurs, l’écosystème

Documentation spécialisée

Ouvrages de référence, textes et articles importants

de la dissémination de la musique – Dana Hilliot (PDF)

Cet essai de Dana Hilliot (Another Records) est une réflexion sur le statut d’auteur, le marché de la musique, le droit d’auteur, la gestion collective (SACEM) et la libre diffusion des œuvres musicales. On y retrouve également, en deuxième partie, des témoignages de labels et d’artistes.

Qu’est-ce que la musique libre ?

Qu’est-ce que la Musique Libre ?

On appelle Musique Libre l’ensemble de la musique sous licence de libre diffusion, c’est-à-dire l’ensemble des morceaux, compositions et enregistrements pour lesquels les auteurs et interprètes ont accordé au public un droit d’échange, de partage et de rediffusion.

(Extrait de Une histoire de mots : culture libre et libre diffusion)

Concrètement, il s’agit de musiciens, dans tous les genres et styles possibles, qui distribuent leurs œuvres selon les termes de « licences » (licences libres, licences de libre diffusion ou licences ouvertes). Ces licences sont des contrats de diffusion, passés entre le ou les auteurs et l’auditeur. Grâce à ces contrats, le ou les auteurs accordent à l’auditeur un certain nombre de libertés, dont la plus basique est la possibilité de rediffuser l’œuvre sans accord spécifique – entre autres pour en faire une copie pour des amis, ou même pour de parfaits inconnus, via des webradios par exemple – dans un cadre non commercial. Une seule restriction : la nouvelle diffusion doit se faire sous la même licence.

Quel intérêt pour le mélomane ?

  • Le mélomane accède à une base de données de titres légalement et librement disponibles.
  • Le mélomane a la certitude de n’enfreindre aucune loi sur le droit d’auteur.
  • Le mélomane découvre des artistes originaux qui n’auraient pas été lancés par une industrie de plus en plus frileuse.
  • Le mélomane sait qu’une majeure partie (ou la totalité) des recettes est destinée à l’artiste.
Attention : La musique libre n’est en aucun cas de la musique « libre de droits », car les auteurs de musique libre conservent certains droits (notamment moral) et en accordent d’autres au public, diffuseurs, etc., et cela qu’elle que soit leur licence ouverte.

Pour en savoir plus

Référez-vous à notre Guide de la Musique Libre.

Idée reçue n°1

Bonjour,

Ceci est le blog de la documentation de Dogmazic. Et pour commencer la catégorie « idées reçues », nous allons nous attaquer à la première (choisie de manière très arbitraire).

Idée Reçue n°1

La musique libre n’est pas de la musique libre de droits !!!

Les licences ouvertes s’inscrivent dans la continuité du droit d’auteur

Les créateurs des différentes licences se sont efforcés de rendre leurs licences CONFORMES au droit d’auteur. La difficulté majeure à laquelle ils se sont heurtés tient au fait du caractère local de ces droits, chaque état ayant développé ses propres modalités de protection des auteurs et des œuvres. Les licences Creative Commons ont choisi de faire appel à des juristes qui, dans chaque pays, s’occupent de traduire et surtout d’adapter le texte de la licence originale (en anglais et valable pour les états-unis d’Amérique) au droit local. En France, ce travail d’adaptation a été mené pat le CERSA sous l’égide de Mélanie Dulong de Rosnay. Il résulte de ces efforts que les licences ouvertes, et notamment les licences Creative Commons, sont en réalité des contrats qui s’inscrivent dans le cadre du droit d’auteur, et non pas contre lui comme on le croit parfois. Ils sont à ce titre comparables juridiquement aux contrats qu’un auteur signe avec un éditeur : à ceci près qu’ils s’adressent à l’humanité toute entière.

Le droit d’auteur protège l’auteur : c’est pourquoi il conditionne l’usage de l’œuvre au consentement de l’auteur

La volonté originelle des créateurs du Code de la Propriété Intellectuelle et Artistique (CPI) consistait à protéger les auteurs contre l’exploitation inéquitable de leurs œuvres par les éditeurs. En consacrant le monopole absolu de l’auteur sur son œuvre, dès l’ouverture du CPI (« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous . »), on signifie que toute exploitation future de l’œuvre doit supposer le consentement de l’auteur.

C’est la raison pour laquelle le droit d’auteur est d’abord restrictif pour l’usager de l’œuvre. En l’absence de l’autorisation de l’auteur, l’usager n’est pas autorisé à jouir de l’œuvre. C’est ce que dit l’article 122.4 du CPI, article crucial on le verra pour les licences libres. Art. L. 122-4. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

Si on prenait cet article au pied de la lettre, la diffusion de l’œuvre s’en trouverait gravement limitée : on n’imagine pas que chaque usager doive obtenir l’autorisation de l’auteur en personne ou de l’ayant droit avant d’écouter, de jouer ou de diffuser une chanson par exemple. Afin de prévenir cette disposition contraire à l’intérêt de la culture et de la société, le législateur a créé ce qu’on appelle l’exception pour l’usage privé, laquelle est décrite par l’article 122.5 (dont nous citons juste le début) :

Art. L. 122-5. Lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire : 1° Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille ; 2° Les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l’exception des copies des œuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée (…)

C’est précisément cet article qui vous autorise à jouir de la musique créée par un auteur autre que vous. C’est aussi cet article, et notamment la clause relative à la copie et à le reproduction qui fait l’objet de remise en question de la part de l’industrie du disque actuellement.

L’imprécision de la loi à ce sujet, qui n’avait pas prévu les développements technologiques récents (notamment la copie numérique, la facilité de diffusion de ces copies et la dématérialisation relative des supports), et notamment la distinction entre la sphère privée et la sphère publique fait l’objet de débats cruciaux.

Les licences ouvertes sont un contrat de cession de certains droits a priori

Néanmoins, l’auteur peut céder tout ou partie de ses droits patrimoniaux à un tiers. (Il ne peut pas céder ses droit moraux, notamment la relation de paternité entre lui et son œuvre, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la clause « Paternité » dans les licences Creative Commons, n’a pas véritablement de sens en droit français : elle constitue au mieux un pléonasme, bien que ce point soit discuté.)

C’est ce qui se passe quand l’auteur décide de céder tout ou partie des droits d’exploitation de son œuvre à un tiers : un éditeur par exemple. Ce faisant, il fait de son éditeur un ayant droit sur son œuvre. Il lui accorde certaines autorisations en vertu d’un contrat, il transmet une partie de ses prérogatives à un autre.

Ce faisant, et selon les termes définis par le contrat, la copie et la reproduction, la diffusion, l’exploitation de son œuvre par l’éditeur est rendu licite, puisque l’auteur, selon les termes de l’article 122.4 cité ci-dessus, a CONSENTI à cet usage.

Les licences ouvertes, qui sont des contrats d’autorisation ou de permission (ce que signifie le terme licence), fonctionne tout à fait de la même manière. A ceci près que l’interlocuteur auprès duquel l’artiste apporte son CONSENTEMENT n’est pas une personne morale ou un particulier mais l’humanité tout entière. L’article 122.4 ne précisant pas a priori la nature de l’interlocuteur auprès duquel l’auteur consent, et puisque l’auteur a le monopole absolu sur son œuvre, contractualiser avec l’humanité est juridiquement sensé.

Le contrat de licence libre autorise donc a priori l’humanité tout entière à certains usages que le droit d’auteur avaient conditionnés dans l’article 122.4 à son consentement. Il n’est donc plus nécessaire, pour les usages qui ont été définis dans le contrat de licence libre, d’obtenir le consentement de l’auteur puisque celui-ci a déjà consenti par avance.

On doit bien garder à l’esprit toutefois que le droit d’auteur garde la priorité juridique sur le la licence quelle qu’elle soit. Ainsi, nul contrat ne saurait échapper aux permissions décrites dans l’article 122.5 cité plus haut. Stricto sensu, tout ce qui n’est pas défini par le contrat de licence l’est dans le CPI.

C’est le but des clauses restrictives apportées par certains contrats de licence : par exemple les clauses « Pas de Modification » ou « pas d’Utilisation Commerciale » ou « Partage des Conditions Initiales à l’Identique » des contrats Creative Commons. Par exemple, la clause « pas d’Utilisation Commerciale » peut être comprise comme une précision ou une correction à l’autorisation initiale de copie et de diffusion : l’auteur consent pour l’humanité toute entière SAUF dans le cas d’un usage à des fins commerciales, A L’EXCEPTION de cet usage.

 

Musiques Libres : échange avec Rico Da Halvarez

Posté par . Édité par Benoît Sibaud, baud123 et Florent Zara. Modéré par j.
Culture

Rico da Halvarez est le fondateur de Dogmazic Musique-Libre, il a participé ou participe au groupe Loubia Dobb System et Tsunami Wazahari. Biographie partielle.

Jérémie Nestel est membre du collectif Libre Accès, il a été rédacteur en chef du livre La bataille Hadopi, il a fondé différentes radios web sociales, il mène différentes collaborations avec Joseph Paris, Bituur Esztreym, Michele Magema, Hervé Breuil…

Jérémie Nestel : Comment en es-tu venu à faire de la musique libre ?

Rico Da Halvarez : C’est pas si simple…
En 1993, nous fondâmes avec quelques potes le collectif v.n.a.t.r.c.?. À cette époque, musicien (bassiste), plasticien, étudiant en philo révolté par la prolifération d’une certaine forme d’art conceptuel pour le moins inepte et hermétique, je sympathisai avec des étudiants aux beaux arts de Bordeaux, ma ville natale, motivés comme moi pour réagir, mais « narquoisement » à ce fléau muséal, et le bouter hors des froments (sic).

Ce que je retiens surtout de cette époque, c’est la pratique d’un art en liberté, manifestement collaboratif, soucieux de la pierraille (sic), décomplexé, très prolixe et un zeste ironique.

Pour en savoir plus sur les péripéties et facéties de v.n.a.t.r.c.?, je vous propose d’aller jeter un coup d’œil à la biographie (1993 – 2004) du collectif. On pourra aussi se référer à notre « bible-manifeste », le « de catenae legendae labyrinthorum artis i-machinantis », ainsi qu’à l’e.l.s.a., véritable fondement de notre interprétation du droit de l’auteur.

NdA : cet article est sous licence Art Libre.

Rico Da Halvarez - licence Art Libre

Ce sont les arts plastiques qui m’attirèrent vers le web, le web se chargea de me propulser vers le libre. Notre pratique de la co-création, notre refus de la sacralisation en art© sont facilement identifiables comme des prémisses de mon engagement pour un art libre. Utiliser une toile de Rembrandt comme planche à repasser (l’idée du ready-made inversé du Duchamp) ou utiliser un ready-made de Duchamp comme pissotière, c’est super poilant, ça permet de comprendre ce qui cloche avec l’art.

En 1998, j’installe une distribution yellowdog linux sur mon imac.
J’avais commencé à m’intéresser à linux via des articles et des sites web, mais cela ne suffisait pas, il fallait que je teste la bête !
Ce fut une véritable révélation! J’aimais beaucoup aller sur les forums pour tenter de comprendre et (éventuellement) résoudre les problèmes techniques, notamment de périphériques – fort nombreux à l’époque il faut le dire 😉

Je découvris une communauté dynamique et généreuse. Grâce à l’aide précieuse de quelques geeks patients, je progressai dans le cambouis de la machine et en découvris quelques méandres.

Grâce au logiciel libre, il était désormais possible de comprendre les mécanismes les plus subtils de l’informatique, jadis réservés à une petite élite de programmeurs. Même si je ne me destinais pas à cette carrière, ma curiosité l’emportait, ce qui me valut de nombreuses frayeurs !

Cette même année, l’administration plastique v.n.a.t.r.c.? fût quelque peu mise en sommeil suite à une grosse expo à Limoges, terriblement chronophage. Il y eut aussi le départ de deux de ses membres fondateurs, happés par d’autres projets artistiques.

Mon frère et moi décidâmes d’investir dans du matériel musical pro, avec comme dessein de créer des morceaux d’electro-dub. Ainsi naquit « Loubia Dobb System » (1998-2003). Pour des compos plus personnelles, j’officie toujours sous le nom d’« exorciste de style ». On peut écouter et télécharger cette production musicale Loubia Dobb System et Exorciste de style.

À cette époque, le parcours habituel du compositeur était inévitablement une inscription à la SACEM après quelques diffusions de la musique dans des lieux ou des radios. Nous n’échappâmes pas à la règle, nous inscrivîmes mon frère et moi à la SACEM en 1999.

Cette même année, j’entrepris de numériser tous les documents produits par v.n.a.t.r.c ? (textes, images, photos), afin de créer un site web rassemblant ces archives. Conservé dans son état initial comme dans de la naphtaline, il est visible ici. En 2000, rejoint par bituur esztreym (membre du collectif depuis 1997), nous nous lançâmes dans le net-art, dont vnatrc.net est le nœud central.

La pratique quotidienne de linux aidant, je fus amené à lire attentivement la GPL. Ce fut le tilt : pourquoi ne pas diffuser de la musique de cette manière ?

Le milieu de la musique, je le trouvais (je le trouve toujours) corrompu, pyramidal, basé sur la concurrence des artistes, standardisé, mercantile, en quelque sorte confiné aux antipodes de ce que je percevais dans la philosophie du logiciel libre, et de l’histoire de la Musique.

Je décidais donc de m’investir dans la musique libre, afin de porter la voix des exclus du système oligarchique de l’industrie de la musique – exclus, dont je faisais et fais toujours partie, à ma plus grande satisfaction.

Mais comment faire pour faire bouger les lignes, utiliser des armes légales ? Il fallait commencer à s’organiser pour faire face aux premières lois réprimant le partage, toutes ces lois censées protéger le droit d’auteur, pour au final avantager certains lobbys du secteur du divertissement. Les licences libres étaient la réponse pertinente, elles le demeurent : rendre légal le partage de la musique, avec le consentement de l’auteur, c’est juste du bon sens. Dix ans plus tard, bon-gré mal gré, les lignes n’ont toujours pas bougé. Beaucoup reste à entreprendre pour que le partage s’impose d’évidence comme la norme des normes dans les échanges culturels.

L’année suivante, en 2000, coup de bol, les premières RMLL eurent lieu à Bordeaux, dans les locaux de l’ENSEIRB. J’avais en tête l’idée d’une GPL pour la musique. Je pris mon courage à deux mains, et abordai RMS à la sortie de sa maintenant légendaire conférence en français. Je lui demandai alors ce qu’il pensais d’une GPL appliquée à la musique, ce à quoi il répondit – « ce n’est pas pareil » [musique et logiciel]. Puis il m’informa de l’existence d’un projet similaire soutenu par la FSF, en cours de réflexion aux États-Unis. Il me pria de lui indiquer mon adresse mail afin qu’il puisse me mettre en relation avec Ram Samudrala et James Ensor, les deux instigateurs du projet, accompagnés d’un juriste, Lawrence Lessig.

Le lendemain de notre brève discussion, je reçus un mail de rms, et je rejoignais le groupe de réflexion qui allait l’année suivante aboutir à la Free Music Public licence (draft actuel).

Notons au passage que la FMPL ne fut pas achevée, suite au départ de Lawrence Lessig, qui fit le choix de créer les Creative Commons plutôt que de parachever cette licence.

Afin de communiquer en français sur le projet FMPL, je créai en 2001 le site http://musique-libre.com. C’est ainsi que progressivement des rencontres se nouèrent entre les membres de la communauté naissante de l’Art Libre, notamment la foisonnante copyleft attitude.

En 2004, sentant la communauté de la musique libre s’élargir, nous créâmes l’association « Musique Libre ! » son site, ses archives musicales : l’actuel http://dogmazic.net/.

Les années suivantes furent riches en projets, je suis fier d’avoir contribué très activement à certains d’entre eux :

  • la plate-forme de vente Pragmazic, initiative de trois membres de l’association, fut lancée en 2006, (projet abandonné en 2009 faute de rentabilité),
  • la première borne automazic, entièrement conçue par des membres de l’association fut inaugurée en 2007 à la médiathèque de Gradignan. Ça continue sur http://www.pragmazic.net/ ,
  • L’association Libre Accès et le festival des arts libres furent créés en 2008.
  • 2008, ce fut aussi la première édition du festival Artischaud à Lyon http://artischaud.org.

En 2003, v.n.a.t.r.c.? est invité par PERAV’PROD dans le cadre de leur exposition au CAPC de Bordeaux. Belle occasion de créer des installations libres utilisant du logiciel libre. Il est rare que l’art libre pénètre les musées, nous en profitâmes donc pour marquer les esprits avec nos YA*T, logiciels aléatoires publiés en GPL http://www.vnatrc.net/YAST/YAPA2k5T/

Ces œuvres libres donnèrent naissance à un groupe musical diffusant sous LAL, le groupe ALÉATOIRE, qui sévit à Bordeaux et ailleurs entre 2003 et 2005, et dont je fus le bassiste.

Convaincu par la pratique du libre en matière d’art, il me fallut réparer une erreur de jeunesse. Il fallait que je démissionne de la SACEM, si je voulais diffuser toute ma musique sous une licence libre. Cette expérience, conjuguée à celle d’autres démissionnaires fit surgir sur la toile feu quitterlasacem.info dont les archives sont visibles.

Après 10 ans de bons et loyaux services pour l’association « Musique Libre ! », je me consacre désormais plus particulièrement à des projets musicaux. La musique libre m’a récemment permis de voyager au Mexique, en Allemagne, Autriche, Slovénie, Croatie à l’occasion de concerts avec Tsunami Wazahari, que j’ai rencontré par l’intermédiaire de dogmazic, il y a 7 ans.

Rico Da Halvarez - licence Art Libre

Grâce à la libre circulation des œuvres sur Internet, le contact s’est établi bien au-delà des frontières de la France, le public a souvent été au rendez-vous, et l’on peut dire qu’on s’est bien marré 😉

Voilà (entre autres) pourquoi je continuerai à publier mes œuvres sous une licence libre, voilà pourquoi je suis persuadé que la libre circulation, utilisation, modification de l’original, c’est du bon sens appliqué aux œuvres d’art. Je suis persuadé que partage sera la norme de la société qui arrive. Le droit d’auteur serait-il vraiment en voie d’extinction ? Tout se jouera dans les années qui viennent. Le libre aura un rôle crucial lorsqu’il s’agira de transmettre les productions de notre temps aux générations futures. À contrario, ce qui aura été cadenassé au XXIe siècle, est-il certain que l’on en retrouve la clé quelques siècles plus tard ? Je ne le pense pas.

Si l’on songe à donner une chance de pérennité aux œuvres produites par les créateurs de notre époque, et des époques qui suivront, le libre s’impose tout naturellement comme la panacée.

Jérémie Nestel : J’aimerais que tu reviennes sur l’histoire de la Free Music Public licence et de la création des licences creative commons, peux tu nous en dire plus ? Pourquoi le projet n’a pas abouti ? Penses-tu que cela aurait été plus adapté pour la musique que les licences Creatives Commons ?

Rico Da Halvarez : Initialement, le projet de la Free Music Public licence est né de la collaboration entre deux étudiants de l’université californienne de Berkeley, Ram Samudrala et James Ensor, tous deux musiciens. J’ai raconté dans la première partie de cet entretien comment nous nous sommes contactés.

Suite à des échanges par email, nous réfléchîmes à la forme que devait prendre cette licence, en tenant compte des différences entre le métier de musicien et celui de programmeur.

Ainsi, une première ébauche du texte de la licence vit le jour en 2001, rédigée en grande partie par James Ensor. À l’étape suivante, cette ébauche devait être validée juridiquement par Lawrence Lessig, mais celui-ci n’effectua pas ce travail, j’en ignore la raison. Peut-être faudrait-il lui poser directement la question ?

Toujours est-il que la même année, l’EFF lança sa propre licence OAL (Open Audio licence 1.0, remplacée par la suite par la CC by-sa), il y a eu aussi les OML, très proches du modèle Creative Commons, et l’année suivante, les premières Creative Commons (version 1.0) apparurent. Bref, une sorte de surenchère de licences

La caractéristique principale de la FMPL reste qu’elle est une licence créée par des musiciens, pour des musiciens. Est-ce pour autant qu’elle serait plus adaptée à la musique que les Creative Commons ? Je ne puis affirmer cela, notamment par rapport à sa faiblesse juridique.

Si on regarde les clauses de la licence, elle correspond grosso modo à une Creative Commons by-nc-sa (paternité-pas d’utilisation commerciale-partage des conditions initiales à l’identique).

Il est amusant de noter que cette licence, que l’on ne saurait qualifier de copyleft, est soutenue par la FSF : « ce n’est pas pareil » cela doit être ça 😉

Jérémie Nestel : Crois tu que l’on peut définir la musique libre par le choix d’une licence ? Au final avec Lessig on voit que les juristes marquent le pas sur les artistes dans les choix de numérisation de leurs œuvres ?

Avant tout de la musique, rien que de la musique 😉

Le choix d’une licence n’est en rien le cadet des soucis d’un auteur et/ou compositeur. Mais cela n’est pas une raison valable pour accepter de se laisser avoir par un système qui pense la musique en terme de moyen quantifiable, en exploitant ceux qui sont les plus doués pour créer des œuvres-marchandise, tout en mettant sur le pavé ceux, tous aussi doués qui ne partagent pas cette idéologie – car c’en est bien une – et construisent en dehors des schèmes stylistiques à la mode, dans l’indifférence logique de leurs contemporains, qui ne les connaissent pas puisqu’ils ne sont pas diffusés, à part dans les recoins du web.

Ce n’est pas parce que je suis un gauchiste, que je m’insurge contre ce système ! Tout système est forcément injuste : aucun ne convient à tout le monde, celui de la musique n’échappe pas à la règle.

Ceci posé, et c’est sans doute bien caricatural et partisan – j’en conviens – on en déduit aisément que le choix d’une licence n’a, selon moi, aucun rapport avec le fait de créer de la musique, de même qu’à mon sens, il est tout à fait ridicule de conditionner la création de quoique ce soit à une quelconque élévation matérielle, sociale. Créer est une nécessité, une idée fixe qui se situe au delà de tout besoin, même vital.

Tout au plus il convient à un adepte sincère de cet art abstrait qu’est la musique d’ouvrir parfois son cerveau et ses oreilles à des considérations juridiques, même absconses, s’il ne souhaite pas se faire embobiner par les sirènes cyniques de l’art comme marchandise, que je ne cesse de dénoncer depuis près de 20 ans.

Que ceux qui ont vocation à créer des litanies pour des fromages ou des rasoirs jetables, que ceux qui rêvent de devenir des stars, passent leur chemin, la suite ne sera pas meilleure pour eux que mon introduction !

Pratiquer cet art, tout comme les autres, c’est difficile, indélébile, addictif, nocif pour soi et son entourage. C’est exigeant, éprouvant, mais contingent. Il est impossible de pratiquer sincèrement si l’on attend un quelconque intérêt matériel en échange des efforts que l’on fait.

Rico Da Halvarez - licence Art Libre

Cette praxis n’a non plus aucun rapport avec le droit, la loi, puisque l’art incite rarement celui qui pratique à un rapport équilibré, stable, avec la société. Bien au contraire, c’est le meilleur moyen de se retrouver seul, alcoolique, drogué, ou en prison pour avoir trop bousculé l’ordre établi, heurté ces « braves gens » qui « n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux », et Brassens en savait quelque chose !

Sade a passé 40 ans en prison, Oscar Wilde, Victor Hugo, Courbet… la liste est longue de ces grands Produits de Luxe ayant fréquenté les cellules, ayant été contraints à l’exil, ou ruinés par les conséquences de leur engagement politique.

Peu importe l’interprétation, c’est surtout dans la longévité que l’on se rend compte qu’on a faim de musique ou de tout autre art comme dans la vraie vie on a faim de nourriture. Et lorsque cet état de fait devient irréversible, peu de choix sont à disposition : continuer coûte que coûte, ou arrêter définitivement.

De tous temps, les mêmes obstacles se sont dressés devant quiconque a manifesté le symptôme irréversible du besoin de créer. Cela se produit depuis que la musique existe, nonobstant quelques notoires exceptions, mais aucun obstacle n’a empêché l’art de s’exprimer. Nietzsche disait que l’artiste au fond ne demandait rien de plus que « du pain et son art ». Alors que dire de tous ces capricieuses vedettes, qui occupent la place médiatique ? Sont-ce des artistes, ou bien des ersatz ?

Les considérations juridiques, on s’en moque généralement quand on a des mélodies, des harmonies en tête, ce n’est pas un tort, c’est une raison valable.

Les licences libres sont des outils, les juristes ont bien le droit de tenter d’aider des artistes à diffuser leurs œuvres conformément à leurs opinions philosophiques ou politiques. Ce sont des outils d’autonomie, tout à fait à leur place dans un système culturel (en France tout au moins) basé sur la tutelle, car partant du principe que les artistes sont incapables de se prendre en main. C’est sous ces angles notamment, que les licences libres m’ont séduit, et sans doute aussi parce que je cumule une formation philosophique et une carrière musicale…

Dire que les juristes marqueraient le pas sur les artistes dans leurs choix de diffusion numérique me paraît quelque peu exagéré. Le sentiment que j’ai cependant, c’est que beaucoup trop de ceux qui s’arrogent le droit de parler de « création », d’« art », de « culture », n’ont aucune compétence dans ce domaine, de même que l’écrasante majorité des artistes n’a aucune compétence en droit d’auteur. Mais au moins, les artistes, il est rare qu’ils se lancent dans des diatribes sur ces sujets !

Les enjeux des licences libres sont cruciaux pour la circulation et la conservation durable de notre patrimoine. Le droit d’auteur classique est de plus en plus un droit privateur de libertés fondamentales. Il est primordial de sensibiliser ceux qui ont une pratique artistique à ces enjeux, ne serait-ce que pour les reconnecter avec le public, mais il faudrait vraiment arrêter de décider à leur place!

Jérémie Nestel : Comment abordes-tu le revenu des auteurs dans la musique libre ? Es-tu en adéquation avec ceux qui pensent (thinktank altaïr pro hadopi) que : « un artiste a autour de lui un manager ou agent, un producteur de spectacle (ou « tourneur »), un producteur discographique et un éditeur musical, chacun gérant avec lui une part de son projet artistique, en compagnie de nombreux professionnels spécialisés » ?

Rico Da Halvarez : RÉMUNÉRER, le « Mettre-mot » (sic)…

S’il y a quelque chose qui m’insupporte bigrement c’est ce terme, servi à toutes les sauces, jusqu’à l’overdose…

Parler de rémunération, c’est à mon avis mettre la charrue avant les bœufs.

Avant de songer à rémunérer les musiciens, je pense qu’il faudrait juste améliorer leurs conditions de travail. Et il y a du boulot !

Dans les musiques amplifiées notamment, ce sont toujours les mêmes galères pour trouver des locaux de répétitions, et surtout se produire dans de bonnes conditions.

Jouer dans des bars, sans aucune garantie, et ne rien recevoir en échange est le lot commun. La musique comme tous les arts, cela ne demande rien d’autre que de la reconnaissance, de la gratification. La rémunération, c’est une étape que la plupart ne connaissent jamais.

Ajoutons à cela la quasi impossibilité pour le plus grand nombre de ceux qui produisent des titres, des albums, d’accéder aux canaux de diffusion traditionnels (radio et télévision notamment), et donc au grand public. C’est un frein supplémentaire à toute espérance de rémunération. Qui ira acheter le disque ou les fichiers de cet inconnu ?

Commençons-donc par régler ces problèmes avant de songer à comment rémunérer (équitablement tant qu’à faire). Et puis rémunérer qui ? Sur quels critères ? On tourne en rond depuis trop longtemps, et on remet sur le tapis l’éternel et insoluble débat professionnels versus amateurs. Un bon professionnel c’est un amateur qui a eu les moyens de s’exprimer.

RÉ-MU-NÉ-RER, ce n’est pas ce qui permet de se réaliser, ce n’est pas un but artistique en soi, ce n’est pas vital pour un artiste, c’est juste l’infiniment rare conséquence d’une carrière artistique.

Quant à l’entourage de ces frêles baladins sous tutelle depuis si longtemps, qu’ils attendent patiemment dans leur caverne… autant qu’ils ne soient pas véreux, c’est possible mais rare 😉

Ce qui leur faut c’est avant tout des facilitateurs de répétitions, d’enregistrements studio, des salles de concerts accueillantes et adaptées, et bien sûr l’indispensable public qui va avec. Un tourneur ? Un label ? Pourquoi pas, il y en a de très bons, notamment dans le milieu associatif. Et pour ceux qui veulent écraser tous les autres, il reste toujours l’option de la maison de disques. Juste une question de philosophie…

Je me méfie des professionnels du « marché ». Transposée à la musique, la spéculation, c’est aussi joli que dans l’industrie pharmaceutique (en moins lucratif).

Autant en avoir le moins possible d’intermédiaires dans son entourage, cela devrait être une règle d’or. À chaque groupe de trouver les « bons », ou de s’en passer carrément. C’est ça la liberté, non ?

De nombreuses associations se battent pour faire ce travail, mais notre bel État a généralement l’habitude de considérer que cela n’est pas dans le droit chemin de l’art comme marchandise exportable à l’étranger sous la forme du « luxe français ».

En soutenant activement les associations qui permettent aux musiciens de travailler et de survivre (salles de répétition, studios, petites salles de spectacles), en ouvrant les portes des innombrables salles municipales à des organisations de concerts, l’exécutif ferait juste son travail de promoteur de la diversité culturelle.

Jusqu’ici, on le sait, c’est comme avec les banques, on aide les « gros » en (se) persuadant qu’il y aura de bonnes retombées pour les « petits ». C’est tout le contraire qu’il faut faire !

Jérémie Nestel : Trois idées pour faire avancer la Musique Libre, et peux-tu conseiller des groupes de Musique Libre que tu souhaiterais faire découvrir

Rico Da Halvarez : Pour une fois, je vais faire concis, quoique… 🙂

Idée n°1 : répertorier tous les artistes qui diffusent de cette façon, ainsi répertorier toutes les œuvres de musique libre existantes. Il me semble qu’un service public comme le Ministère de la Culture pourrait s’en charger, ou bien missionner une ou des structures de la société civile pour accomplir ce travail.

Idée n° 2 : C’est une idée que j’ai déjà exprimée dans « la bataille HADOPI ». Je plaide pour une loi sur la diversité culturelle. Dans son fonctionnement, il s’agirait d’une liste tenue à jour de toutes les productions phonographiques (matérialisées ou non) produites sur le territoire français, hors majors du disque (inutile de lister ce qui inonde déjà les radios et télés).
Cette liste serait adressée (mensuellement ? Trimestriellement ? Annuellement ? cela reste à décider) à tous les diffuseurs (radios, télés, supermarchés…) travaillant sur le territoire. Les diffuseurs devraient obligatoirement choisir dans cette liste un volume de titres à programmer représentant un quota (à définir) d’œuvres produites hors circuit industriel.

Idée n°3 : C’est la même que la précédente, mais appliquée aux salles de spectacles, notamment les SMAC (scènes de musiques actuelles). Je rappelle au passage que lorsque j’étais actif dans l’asso « Musique Libre ! », nous avions mis au point un programme des œuvres sous licences ouvertes, destiné à permettre un versement direct des droits, sans passer par la SACEM, qui n’a pas à percevoir dans ces cas-là. Il faut absolument diffuser largement ce programme.

Il y aurait bien d’autres choses à faire, mais il faut bien qu’on en finisse avec ce long entretien. Merci aux lecteurs qui lisent cette ligne d’avoir eu la patience de lire celles qui précèdent, et merci à Jérémie pour son art maïeutique avancé.

Des groupes de musique libre, il y en a tant que j’inviterai le public à les découvrir partout sur le web et sur les réseaux pair à pair. Allez jeter par exemple un coup d’oreille à un site comme freemusicarchive.org/, pour vous faire une idée de la qualité et de la diversité. Une liste des netlabels est disponible sur archive.org/details/netlabels

La débâcle de l’Internet une autre vision pour le téléchargement gratuit par Janis Ian

Diatribe contre l’interdiction du téléchargement gratuit de musique sur Internet, par Janis Ian, artiste américaine.
Après avoir envoyé une quarantaine d’emails demandant l’opinion des personnes sur le téléchargement libre de musique afin de se faire l’avocat du diable, Janis Ian reçu plus de 300 réponses de personnes bossant dans le business de la musique et surtout des coups de téléphone de personnes de la NARAS (Grammy Awards) et de la RIAA lui disant que les téléchargements « détruisaient les ventes » et lui « coûtaient de l’argent ».

« Me coûtaient de l’argent ? Je ne prétends pas être une experte en droit de la propriété intellectuelle, mais je sais une chose : si un cadre de l’industrie musicale affirme que je dois être d’accord avec lui parce que cela va me rapporter de l’argent, je mets la main sur mon portefeuille… et je le vérifie après son départ, pour être sure que rien ne manque. »

« […/…]L’hypothèse de départ de tout ce bourrage de crâne, c’est que l’industrie (et ses artistes) souffrent du téléchargement gratuit.

N’importe quoi. Prenons mon expérience personnelle. Mon site (www.janisian.com) fait en moyenne 75 000 hits par an. Pas mal pour quelqu’un dont le dernier tube remonte à 1975. Quand Napster marchait à fond, on recevait environ 100 hits par mois de personnes qui avaient téléchargé Society’s Child ou At Seventeen gratuitement et qui avaient décidé qu’ils voulaient en savoir plus. Sur ces 100 là, (et il ne s’agit là que des 100 qui nous disaient comment ils avaient connu le site) 15 achetaient des CDs. Pas terribles comme ventes, hein ? Aucune maison de disques n’est intéressée par 180 ventes supplémentaires annuelles. Mais… cela fait $2700, ce qui représente pas mal dans ma comptabilité. Sans compter ceux qui ont acheté les CDs dans les magasins, ou qui sont venus voir mes spectacles.[…/…] »

Lire l’article complet de Janis Ian traduit par Alain Le Roux-Marini sur citizenjazz.com

Liens
- Article complet sur citizenjazz.com
- Site de Janis Ian
- L’article de Janis Ian
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