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Vers la musique libre – Bordeaux, février 2001

Zikos et amateurs de musique, ce message vous concerne ! Le texte qui va suivre se propose de vous causer d’un projet qui risque fort de révolutionner le marché de la musique, en pleine crise d’identité. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il me semble nécessaire de parler de GNU. GNU est ce qu’en France les médias ont coutume d’appeler Linux (il serait plus juste de dire GNU/Linux), c’est-à-dire, un système d’exploitation entièrement libre, des programmes informatiques libres eux aussi, fruit du travail souvent bénévole de nombreux programmeurs à travers le monde.

GNU est régi par une licence très particulière, la GNU General Public License, qui garantit à tous

La liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages (liberté 0).

La liberté d’étudier le fonctionnement du programme, et de l’adapter à vos besoins (liberté 1).

La liberté de redistribuer des copies, donc d’aider son voisin (liberté 2).

La liberté d’améliorer le programme, et de publier vos améliorations pour en faire profiter toute la communauté (liberté 3).

(extrait de la traduction de Karl Pradène d’un texte de Richard Stallman intitulé « Qu’est-ce qu’un logiciel libre ? »)

Il est à noter, comme le précise d’ailleurs M. Stallman dans le même texte, que libre ne veut pas dire gratuit. Il existe des logiciels gratuits qui ne sont pas libres (freeware) à côté de nombreux logiciels et systèmes d’exploitation qui sont non seulement libres mais aussi gratuits (parfois les utilisateurs payent pour leur copie d’un programme informatique libre, parfois, c’est gratuitement qu’ils l’obtiennent). Le logiciel libre constitue une révolution, il circule sans entrave dans un univers pourtant marqué par la recherche du profit : lorsque vous copiez un logiciel Microsoft, même gratuit, et que vous le refilez à un pote, cela s’appelle du piratage et c’est puni par la loi (le copyright n’autorise qu’une copie par personne, aucune modification du produit n’est tolérée).

Richard Stallman, fondateur du projet GNU a trouvé un procédé très astucieux pour diffuser les produits informatiques tout en les les protégeant : le copyleft, ou copyright inversé. Le copyleft donne le droit de faire autant de copies que l’on veut d’un logiciel libre ; la copie devient libre à son tour et acquiert automatiquement le même statut que l’original, etc. Le but d’une telle entreprise étant de permettre à un plus grand nombre d’utilisateurs d’accéder aux produits informatiques en invitant les programmeurs comme les utilisateurs à « partager », « aider son voisin ».

La GPL n’est pas qu’une incitation à la copie et à la modification des logiciels (accès au code source), elle est aussi garante du respect des auteurs de logiciels libres (avant de mettre un logiciel sous copyleft, M. Stallman suggère de le mettre d’abord sous copyright afin de protéger son/ses auteurs), ainsi qu’un appel à un esprit plus communautaire, moins mercantile. A titre d’exemple, une distribution GNU/Linux (il en existe un nombre croissant) coûte rarement plus de 300 FF dans le commerce et vous donne accès à des milliers de logiciels – dont celui que j’utilise pour rédiger cet article. La quasi totalité des éléments du système et des logiciels fournis étant libres et gratuits, vous ne payez en somme que le packaging ; vous pourrez ensuite en faire ce que vous voudrez.

Tout ce préambule était destiné à vous éclairer sur le contexte dans lequel s’élabore actuellement la Free Music Public Licence, héritière musicale en ligne directe de la GNU GPL.

Musicien depuis un certain temps, je me suis toujours demandé quel était le meilleur moyen pour diffuser la musique que je compose. Cela m’embêtait fort d’être obligé de passer par une liste toujours plus longue d’intermédiaires vampiriques, ou muets, et lorsque je me suis par hasard intéressé au projet GNU, ça a tout de suite fait tilt : « Pourquoi pas une licence du même type pour la musique ? ». J’eus la chance d’échanger quelques mots avec R. Stallman sur ce sujet lors de sa venue à Bordeaux l’été dernier, pour les rencontres mondiales du logiciel libre. Il m’indiqua l’e-mail d’un étudiant de l’Université de Berkeley, Ensor avec lequel je me mis tout de suite en contact. Ensor travaille actuellement avec l’aide d’un avocat, Me Lawrence Lessig à l’élaboration du texte de la Free Music Public Licence (FMPL), le texte est aussi en germination avancée chez Ram Samudrala, auteur de nombreux – et fort instructifs – articles sur la philosophie de la musique libre. Il existe déjà quelques sites web qui diffusent de la musique libre, de nombreux musiciens y proposent déjà leur musique (on trouvera en fin d’article les adresses de ces sites).

Lorsque son texte sera juridiquement validé, la FMPL donnera, comme son inspiratrice informatique le droit de copier et de modifier la musique. Elle protégera bien entendu les musiciens contre les entreprises malhonnêtes telles que l’appropriation « commerciale » de leur musique par un tiers qui n’y aurait apporté aucune modification, et/ou aurait arbitrairement apposé son propre copyright sans tenir compte du/des auteurs de celle-ci. Les clauses à respecter impérativement pour diffuser de la musique libre sont de joindre le texte de la licence à la musique (sous forme de fichier informatique présent dans le CD, ou le fichier MP3) et de préciser les nom et contact du/des contributeur(s) (de même, tout logiciel libre est accompagné de la GNU GPL).

Toute entreprise commerciale sera régie par les termes de la FMPL, celle-ci ayant pour but principal de créer une communauté de musiciens solidaires, de stimuler la créativité par l’échange de connaissances dans le respect et la courtoisie, de faire circuler et de protéger la musique en légalisant la reproduction (fini le procès Napster !), d’autoriser la modification (arrangements différents, samples, interprétation différente, remix, ajout de paroles, d’instrumentation différente, reprises, etc.) des œuvres musicales et de supprimer les intermédiaires entre le musicien et le public (vente directe, téléchargements ou CD, possibilité pour le public d’enregistrer les concerts, etc.).

Il y a donc une réponse légale au trafic de copies illicites de CD : la copie licite ou copyleft. Il y a aussi une réponse au tarif exorbitant des CD (moins cher que le vinyle, c’est ce qu’on nous disait dans les années 80, bilan, le CD est à 120FF, pour un coût réel de fabrication se situant largement en dessous de 10FF).

Les musiciens ne touchent que 4% du prix versé par le public pour leurs CD ; de plus, ce barème est variable (les musiciens « connus » reçoivent plus de 4%, les autres, moins de 4%). A l’inégalité des chances entre les musiciens provoquée par l’attitude cynique sans ambiguïté des « géants » du secteur, à l’oubli de tant d’œuvres musicales sous prétexte que celles-ci n’ont pas de potentiel commercial, il y a une réponse : cette réponse, c’est la FMPL. La FMPL sera sans doute terminée – au plan légal – courant 2001. N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez des précisions supplémentaires sur ce sujet épineux, ou si vous souhaitez soutenir notre action, ou encore, si vous avez de bonnes objections à apporter à ce projet qui ne manquera certainement d’en soulever de nombreuses et cruciales pour sa pérennisation.

Toute contribution est bien entendue la bienvenue. J’invite tous ceux que le sort des exclus (volontaires ou non) du show business (et ils sont aussi nombreux que talentueux) intéresse à participer au développement du site. Vous pourrez bientôt y télécharger la musique d’Exorciste de Style, de Loubia Dobb System (deux projets auxquels je travaille), et de tous ceux qui auront envie d’y proposer leur musique. Vous pourrez aussi vous y exprimer sur la question, si elle vous intéresse. Nous ne misons d’emblée que sur l’honnêteté du public, son sens des responsabilités vis-à-vis de la société de consommation, et son respect supposé des créations musicales. Le système actuel et le développement du MP3 a malheureusement enfanté une nouvelle race de consommateur : le consommateur-voleur. Celui-ci aura-t-il un peu plus de scrupules à s’approprier de la musique libre ? Finira-t-il par acheter ma musique, et celle de ceux qui comme moi se sont engouffrés dans cette brèche ? Il la paiera moins cher que celle qu’il ne voulait plus payer, c’est déjà un bon argument. Il saura ensuite qu’elle ne profite pas à un producteur véreux, mais à celui ou ceux qui l’ont fabriquée.

Musiciens : la recherche seule du profit affame la créativité ! Ne sommes-nous pas de plus en plus nombreux à avoir les moyens techniques de produire de la musique de qualité par nous-mêmes ? Alors pourquoi attendre qu’un gugus en costard infroissable bleu électrochoc daigne – peut-être un jour, rien n’est moins sûr d’ailleurs – nous autoriser à pénétrer dans son joli bureau pour y signer le contrat du-siècle-de-la-mort-qui-tue (« Un havane, Serge ? »). Nous pouvons nous passer de lui, n’est-ce pas, amigos ! Pour le moment, un paquet d’entre nous sont obligés de trimer à autre chose qu’à leurs compos pour gagner leur croûte. Musiciens, mélomanes, labels indépendants de France, de Navarre, d’Amérique ou du Lesotho, aidez-nous à libérer la musique de ce système inégal et verrouillé, qui engraisse les uns pour mieux dépouiller les autres : rejoignez le camp de la musique libre !

Wagdi, Eric Aouanès

La philosophie de la musique libre

L’histoire de la musique libre débute en 1994 aux États-Unis, avec le texte fondateur de Ram Samudrala : La philosophie de la musique libre (remanié en 1998), qui s’inspire des principes du logiciel libre et de la libre circulation sur Internet des œuvres de l’esprit pour proposer un modèle de « musique libre » (free music) très revendicatif.

Fiche d’identité

Auteur : Ram Samudrala
Date : 1994/1998
Adresse de référence : http://www.ram.org/ramblings/philosophy/fmp/freemusic.html

Texte original complet

Traduction française

Traducteur : Jean-Marc Mandosio

Philosophie de la musique libre [*]

Par Ram Samudrala

Ram Samudrala est chercheur en biologie à l’université de Stanford, en Californie. Né en 1972, il travaille sur les bio-technologies, la génomique et l’informatique. Il fait de la musique sous le pseudonyme de Twisted Helices (la double hélice, en référence à la structure de l’ADN) et diffuse ses chansons sans exiger de droits, directement sur son site web. Il est l’auteur de divers textes sur (et contre) la propriété intellectuelle. http://www.ram.org.

1 – Qu’est-ce que la philosophie de la musique libre?

C’est un système de diffusion de la musique anarchique, mais high tech, reposant sur l’idée que la création, la reproduction et la distribution musicales doivent être des activités aussi libres que le fait de respirer, de cueillir un brin d’herbe ou de se prélasser au soleil.

2 – Que signifie le terme « musique libre » ?

La notion de « musique libre » est semblable à celle de « logiciel libre [1]» et, comme dans le cas du libre accès aux logiciels, le terme « libre » se réfère à la liberté et non au prix. « Musique libre » signifie en particulier que tout individu a le droit de reproduire, de diffuser et de modifier la musique à des fins personnelles et non commerciales. « Musique libre » ne signifie pas que les musiciens ne peuvent pas faire payer les disques, les bandes, les disques compacts ou les DAT (digital audio tapes) qu’ils produisent.

La définition donnée ci-dessus du terme « libre » n’implique pas que tout objet tangible puisse être libéré, mais qu’une chose qui peut être reproduite arbitrairement de nombreuses fois, comme la musique, doit être libérée. J’entends par « musique » l’expression d’idées (sous la forme d’une composition musicale ou d’un enregistrement sonore) sur un support donné, et non le support en lui-même. Vous êtes donc libre de reproduire un disque compact que j’ai créé, libre de télécharger à partir de mon serveur Internet des fichiers contenant les chansons que j’ai créées, libre de jouer votre version d’une chanson que j’ai créée ou de l’améliorer, mais vous n’êtes pas nécessairement autorisé à obtenir gratuitement des disques compacts.

3 – Pourquoi devons-nous libérer la musique?

La musique est un processus créatif. Aujourd’hui, lorsqu’un musicien publie de la musique, c’est-à-dire la présente au monde extérieur, seul un groupe privilégié d’individus est à même d’utiliser cette musique à sa guise. Cependant, l’artiste s’est inspiré de la créativité de nombreux autres musiciens, et il se doit de donner sa créativité en retour, sans poser de conditions, en sorte que la créativité soit augmentée parmi les gens, d’une façon générale. Le juge Kozinski a écrit, en désaccord avec le jugement du procès Vanna White contre Samsung Electronics America :

« Tous les créateurs s’inspirent en partie des œuvres de ceux qui les ont précédés, en s’y référant, en construisant à partir d’elles, en s’amusant avec elles ; cela s’appelle créativité, ce n’est pas du piratage. »

4 – La libre reproduction de la musique n’enfreint-elle pas la législation ?

La « loi sur l’enregistrement audio à domicile » (Audio home recording act – AHRA) [2]

Le texte de cette loi est disponible sur Internet dit, dans son paragraphe 17, chapitre 10, à propos de l’interdiction de certains actes enfreignant le copyright :

« Aucun acte ne peut prétendre enfreindre le copyright fondé sur la fabrication, l’importation ou la diffusion d’un procédé d’enregistrement audio numérique, d’un support d’enregistrement audio numérique, d’un procédé d’enregistrement analogique ou d’un support d’enregistrement analogique, ainsi que le copyright fondé sur l’utilisation non commerciale par un consommateur des procédés ou des supports précités, dans le but d’effectuer des enregistrements musicaux numériques ou analogiques. »

Une lecture littérale de la loi indique qu’un individu a le droit d’effectuer des reproductions d’enregistrements musicaux pour son usage personnel et à des fins non commerciales, et qu’il ne peut être poursuivi pour violation du copyright (du moins en ce qui concerne l’utilisation des procédés énumérés dans l’article cité). Le message que nous délivre cette loi est : « Auditeurs de musique, vous pouvez reproduire à votre aise ! »

5 – Pourquoi la loi de 1992 (Audio home recording act) est-elle inadaptée?

Elle est inadaptée parce que le fondement éthique de la loi sur le droit de reproduction a été, en ce qui concerne la musique, entièrement perverti : la libre reproduction et les autres usages de la musique sont éthiquement corrects même s’ils ne sont pas légaux. La raison principale de l’existence de cette loi est d’imposer une taxe sur les bandes audio numériques (DAT). Les revenus de cette taxe sont versés à l’industrie musicale afin de compenser la perte supposée de revenus qu’engendrerait la reproduction à domicile non autorisée. Or ces fonds, dans leur majorité, ne vont pas aux créateurs de la musique, mais aux compagnies de disques [3]

6 – En quoi la libération de la musique est-elle une action éthiquement correcte ?

  1. Le confinement de la créativité artistique à des publics spécifiques, en particulier lorsqu’il est dû à des raisons financières, est un manquement à la responsabilité éthique de l’artiste et une nuisance pour la société dans son ensemble. Aujourd’hui, lorsque les gens créent, ils créent en montant sur les épaules des géants.
  2. Il n’est équitable que les gens paient la musique que s’ils ont d’abord eu l’occasion de l’apprécier en l’écoutant ; le système actuel ne permet pas cela pour toutes les formes de musique.
  3. Pour empêcher la réalisation de reproductions « illégales », il faut faire peser une terrible contrainte (la restriction d’un mode d’expression légitime) sur tous les individus pour interdire une activité inhérente à la nature humaine. Cette tâche est irréalisable, et c’est probablement la raison principale de l’adoption de l’AHRA.
  4. La clause concernant les œuvres dérivées vous interdit d’intégrer vos propres idées à l’ œuvre d’autrui pour enrichir cette dernière, ce qui réduit le libre échange des idées et de l’information.
  5. Les pratiques courantes de l’industrie du disque, qui exploite à la fois l’artiste et le consommateur en vue du seul profit, sont contraires à l’éthique, et il faut agir pour que des changements aient lieu.

7 – Qu’en est-il du droit individuel de propriété intellectuelle ?

La propriété intellectuelle et d’autres « droits » analogues avaient essentiellement pour objet, à l’origine, de bénéficier à la société plutôt qu’aux individus. La Constitution américaine, par exemple, affirme que l’objectif du droit de reproduction est de « promouvoir le progrès de la science et des arts utiles ». La philosophie de la musique libre profite aussi bien à la société qu’aux individus ; elle préserve entièrement la liberté de création de ces derniers. Cette liberté est plus importante que tous les autres « droits » que la société pourrait offrir. Comme l’indique Stallman dans le « Manifeste GNU », « “contrôler l’utilisation que l’on fait de ses idées ” revient à contrôler la vie des autres ; et c’est souvent utilisé pour leur rendre la vie plus difficile ».

8 – Les musiciens ne vont-ils pas mourir de faim s’ils libèrent leur musique?

Les musiciens ont habituellement plusieurs sources différentes de revenus : ventes de disques, produits dérivés, concerts, programmation radio, télévision, etc. La libération de la musique ne va certainement pas causer de tort à la vente de produits dérivés et de billets de concert, et elle n’aura pas non plus d’effet sur la rémunération de l’exécution publique des morceaux. Elle ne pourra qu’améliorer les ventes, car les gens vont continuer à soutenir les artistes qu’ils aiment en allant à leurs concerts et en achetant leurs produits. Les bénéfices provenant des ventes de disques ne seront pas non plus affectés, puisque les gens seront encouragés à les acheter directement auprès de l’artiste pour avoir des morceaux en prime ou des textes d’accompagnement, les paroles des chansons et les pochettes des disques. La musique libre peut donc être utilisée comme un outil commercial pour faire en sorte que les musiciens ne meurent pas de faim. Une autre manière de gagner directement de l’argent est d’encourager les gens à envoyer aux artistes des « dons », s’ils estiment que la musique qu’ils ont copiée a de la valeur. Cette pratique pourrait prendre racine dans la société, comme c’est déjà le cas pour le pourboire, que les gens donnent pour rémunérer différents services, même lorsqu’il n’y a pas d’obligation pour eux à le faire [4]

9 – Qu’en est-il de la reproduction de la musique jouée en concert ?

La reproduction de la musique jouée en concert devrait être autorisée, du moins lorsqu’elle est destinée à un usage personnel non commercial. Il est probable que la plupart de ces enregistrements seront de mauvaise qualité, mais quelques-uns seront bons. Ces derniers pourront être réunis, compilés et diffusés par les artistes eux-mêmes, à peu près comme l’ont fait le groupe de rock Butthole Surfers, qui se sont « piratés » eux-mêmes. La compétition qui en résulte améliore la qualité des enregistrements, et c’est un bon moyen d’obtenir des matériaux à bas prix pour un futur disque en public.

10 – Les compagnies de disques ne vont-elles pas exploiter les musiciens qui font de la musique libre?

Non, car l’artiste percevra encore assez de droits pour se garantir contre son exploitation financière par les intérêts commerciaux. La musique libre ne peut être utilisée qu’à des fins non commerciales. Mais, pour être totalement libre, la musique doit l’être également lorsqu’elle est utilisée à des fins commerciales. Cela ne veut pas dire que l’artiste ne doit pas être rémunéré pour les utilisations commerciales de la musique ; cela veut dire qu’il ne contrôle pas la nature de l’utilisation commerciale qui pourra être faite de sa musique. Heureusement, dans le domaine musical, une liberté de ce genre existe déjà (sous la forme des autorisations systématiquement accordées et du modèle de la diffusion publique). Même si cette liberté peut encore être accrue, je n’ai pas d’opinion définitivement arrêtée sur la question.

11 – Les musiciens talentueux et professionnels ne vont-ils pas abandonner la musique parce qu’ils risquent de ne pas devenir multimillionnaires ?

En dehors des quelques centaines de musiciens qui occupent les premières places des palmarès, les chances qu’a un artiste de vivre de la vente de ses disques sont très faibles. On ne pourrait imaginer pire système pour les musiciens. Nous avons là une preuve du fait que la motivation principale de la plupart des musiciens qui jouent et enregistrent est la créativité – tout personne intéressée par l’argent ira exercer de préférence ses talents dans d’autres domaines d’activité. La source de la créativité musicale ne s’épuisera donc jamais. Nous ne pouvons réellement nous attendre qu’à une augmentation de la créativité en musique et au développement de formes musicales moins limitées.

12 – Les musiciens ne méritent-ils pas que leur créativité soit rémunérée?

La plus haute récompense des musiciens, c’est leur propre musique, et rien d’autre. Selon une étude psychologique publiée dans le Boston Globe (19 janvier 1987) par Alfie Kohn, la créativité diminue lorsqu’elle est motivée par le gain [5]
L’auteur écrit :

« Si une récompense – de l’argent, des prix, la reconnaissance, ou la première place dans une compétition – devient la raison qu’a un individu de s’engager dans une activité, cette activité sera considérée comme moins plaisante en elle-même. À l’exception de certains behavioristes qui mettent en doute l’existence d’une motivation intrinsèque, ces conclusions sont désormais largement acceptées par les psychologues. »

Il s’ensuit que la meilleure musique que j’aie entendue à ce jour a été faite par des artistes qui se battent pour s’en sortir en faisant deux métiers, qui jouent leur musique avec passion et désirent la partager avec le public, au lieu de le faire parce qu’ils ont un contrat à respecter.

13 – Les musiciens ne peuvent-ils pas demander une rétribution pour leur travail créatif ?

Bien sûr qu’ils le peuvent. En tant que musicien, je suis heureux que des gens apprécient ma créativité et le montrent d’une façon ou d’une autre. Mais je ne crois pas que les musiciens doivent exiger des rétributions susceptibles de restreindre leur potentiel créatif. Comme l’écrit Stallman dans le « Manifeste GNU », « le désir d’être récompensé pour sa créativité ne justifie pas que l’on prive le monde en général de tout ou partie de cette créativité ».

Mais la question 13 est mal formulée. Elle devrait l’être ainsi : « Les amoureux de la musique doivent-ils accepter de payer les maisons de disques, qui contrôlent l’activité des gens pour gagner encore plus d’argent, en lieu et place des musiciens, puisque les maisons de disques ne versent à ces derniers qu’une petite fraction de l’argent qu’ils perçoivent ? »

Ma réponse est : je crois que non.

14 – Pourquoi suis-je en train de faire ce que je fais ?

Ma motivation personnelle est de voir se répandre des formes musicales plus audacieuses et non commerciales, de façon à enrichir la créativité. Pourquoi les filiales des grandes firmes et les radios commerciales devraient-elles décider ce que nous devons entendre et gagner des millions de dollars en exploitant les artistes ? Pourquoi ne pas laisser les gens qui aiment la musique décider par eux-mêmes ?

15 – Que devez-vous faire, si vous êtes musicien ?

Si vous êtes un artiste à l’esprit indépendant qui ne veut pas que le contrôle des grandes firmes entrave sa créativité, et si vous voulez que la société soit plus libre, la philosophie de la musique libre vous montre une façon de diffuser largement votre musique. Si votre musique est différente et si vous ne pensez pas qu’elle ait de grandes chances de passer sur les radios commerciales, vous pouvez essayer la philosophie de la musique libre. Si vous en avez assez que les intérêts commerciaux contrôlent ce qu’écoutent les gens et si vous voulez que les gens décident par eux-mêmes, c’est une voie que vous pouvez emprunter. Enfin, la philosophie de la musique libre vous permet d’être dans une grande firme ou dans une maison de disques indépendante sans que votre intégrité soit compromise, puisque vous donnez à votre public ce qu’il veut.

16 – Que devez-vous faire, si vous êtes amateur de musique?

Si la liberté de reproduire et d’utiliser la musique signifie quelque chose pour vous et si vous souhaitez que ces idées se répandent, alors, quand vous effectuez une copie d’un album, que les artistes en question adhèrent ou non à la philosophie de la musique libre, faites-leur un don de façon à ce qu’ils puissent continuer à faire leur musique. Votre contribution doit dépendre de la valeur qu’a cette musique à vos yeux. Vous pouvez aussi aller aux concerts de ces artistes ou leur acheter directement des disques et des produits dérivés. Enfin, si vous en avez les moyens, vous pouvez soutenir les groupes qui adhèrent à la philosophie de la musique libre en mettant leurs enregistrements sur Internet. D’une façon ou d’une autre, soutenez la musique que vous aimez ! (Ce point est indépendant de la notion de « musique libre ».)

17 – Pourquoi la philosophie de la musique libre est-elle efficace ?

Dans notre ère numérique, la qualité des enregistrements effectués à domicile a considérablement augmenté, si bien qu’il est devenu facile de réaliser des répliques « parfaites » d’enregistrements audio. Les enregistrements peuvent donc être diffusés sans qu’une structure professionnelle de distribution soit nécessaire. Si la musique est bonne, elle se répandra beaucoup plus rapidement, à un rythme presque exponentiel, capable de rivaliser avec la puissance de diffusion d’une grande firme. En outre, Internet permet d’obtenir une diffusion encore plus grande. Avec le système des dons mentionné plus haut, les artistes pourraient, en théorie, gagner plus d’argent qu’en étant dans une grande firme, tout en restant le plus créatif possible. Tous les intermédiaires seront éliminés et les disques compacts pourront être édités à des prix quatre fois plus bas qu’aujourd’hui, et le revenu qu’obtiendront les artistes pour chaque disque vendu sera toujours supérieur à celui qu’ils obtiennent d’une grande firme !

L’idée du libre accès dans le domaine des logiciels, qui met en œuvre des principes similaires, s’est révélée efficace [6]
Les meilleurs logiciels se trouvent être ceux que l’on peut reproduire sans restriction (comme Linux, tous les logiciels GNU, ainsi que divers logiciels liés à la musique, tels que les convertisseurs de format sonore, les séquenceurs et les enregistreurs multipistes). En outre, il existe un secteur commercial florissant centré sur la diffusion des logiciels libres. Je ne vois donc pas de raison pour que la musique libre ne produise pas, elle aussi, d’excellents résultats.

18 – Que faut-il faire pour libérer la musique?

  1. Installez un serveur sur Internet avec votre musique, ou déposez vos fichiers sonores dans une « archive de la musique libre » (free music archive – FMA), où les gens peuvent accéder à votre musique sur le Net. Je compile actuellement une liste de sites où vous pourrez déposer vos fichiers musicaux (http://www.ram.org/ramblings/philosophy/fmp/fma.html).
  2. Ajoutez la notice suivante à tous les enregistrements, bandes, disques compacts et DAT que vous vendez ou donnez : « L’autorisation de reproduire, modifier et diffuser les compositions musicales et les enregistrements sonores figurant sur ce disque, à condition que la présente notice soit incluse dans tous les exemplaires réalisés, est accordée pour toute utilisation non commerciale. Si vous vous êtes procuré cet exemplaire par voie de reproduction, si vous trouvez que cette musique a de la valeur et si vous souhaitez la soutenir, envoyez un don, d’un montant correspondant à la valeur que vous attribuez à cette musique, à l’adresse figurant sur la présente notice. »

Si vous adhérez aux conceptions de la philosophie de la musique libre et si vous avez un site sur Internet, un lien avec le site http://www.ram.org serait utile. En un sens, vous adhérerez ainsi au copyleft pour votre musique [7] .

La demande de dons est facultative. La restriction aux utilisations non commerciales est également facultative. (Voir infra.)

19 – « C’est facile pour vous de dire tout cela, mais êtes-vous un musicien ? Vous rendez-vous compte de la difficulté qu’il y a à travailler durant la journée tout en faisant de la musique? »

Oui, je me considère comme un musicien (bien que certains puissent douter du caractère « musical » de ma production). J’agis en conformité avec la philosophie que je viens d’exposer. Le nom de mon groupe est Twisted Helices, et ma musique peut être reproduite sur Internet sans restriction [8]
suite. J’autorise même la reproduction et l’utilisation commerciales sans demander de rémunération, ce qui me donne plus de liberté pour créer ma musique (mais, même si je demandais une rémunération, la liberté dont je parle dans ce manifeste existerait toujours). Je fais de la musique en sacrifiant beaucoup de choses, à commencer par le sommeil. On éprouve incontestablement un plus grand sentiment d’épanouissement lorsqu’on fait quelque chose par amour plutôt que par obligation. Ne croyez pas que je vous fasse la leçon tout en me livrant, dans la journée, à un travail exaltant. C’est tout le contraire. Je suis tout à fait cohérent sur ce point (je ne reproduirais pas la musique des autres si je n’acceptais pas qu’ils reproduisent la mienne). Écrivez-moi personnellement si vous voulez que je vous donne plus d’explications.

20 – Que va devenir l’industrie de la musique à l’ère numérique?

Cette démarche vous donnera, à vous qui êtes des artistes, plus de puissance dans vos enregistrements. Vous pourrez être aussi créatifs que vous le voulez et diffuser votre musique de façon à ce que personne ne puisse vous arrêter (comme ce fut le cas pour le disque In utero de Nirvana) en vous disant de changer les arrangements du disque parce qu’il ne se vendra pas tel qu’il est. Nous verrons peut-être surgir une musique individuelle au lieu d’une musique pour les masses. Étant donné le mode de diffusion de votre musique sur Internet, vous enrichirez la quantité d’informations disponibles sur le réseau tout en atteignant des publics dont vous n’aviez jamais rêvé!

À plus long terme, la mainmise des grandes firmes sur la musique que les gens écoutent sera brisée. La musique est devenue une industrie institutionnalisée qui débite des produits musicaux. L’industrie musicale restreint le droit de reproduction et les autres usages de la musique de façon à augmenter le profit, mais le prix à payer est la limitation de la créativité. Cette situation va changer. Il est désormais possible pour les musiciens de diffuser leur message musical directement auprès de leur public grâce à la technologie de pointe, enrichissant à la fois l’artiste et le monde de la musique de toutes les façons possibles. La musique est un processus créatif et un monde d’idées et de passions ; ce n’est pas un produit.

« Le fait que les idées se répandent librement d’une personne à l’autre à travers le globe, pour l’instruction morale réciproque des hommes et pour l’amélioration de la condition humaine, semble avoir été établi par la nature de façon précise et bienveillante lorsqu’elle a créé l’homme, tout comme le feu se répand à travers tout l’espace sans perdre de sa densité en aucun point, et tout comme l’air dans lequel nous respirons, dans lequel nous nous mouvons et existons physiquement, est incapable d’être circonscrit ou d’être possédé exclusivement. Les inventions ne peuvent donc, par nature, faire l’objet d’aucune appropriation. »

Thomas Jefferson

Notes

[*] Le texte original est disponible sur (www.ram.org/rambling/philosophy/fmp/fma.html). Traduit par Jean-Marc Mandosio.

[1] Voir R. Stallman, « Le Manifeste GNU », supra et http://www.gnu.ai.mit.edu/gnu/manifesto.html.

[2] Le texte de cette loi est disponible sur Internet : http://www.law.cornell.edu:80/uscode/17/1008.html.

[3] Voir R. Stallman, « The right way to tax DAT », http://www.ram.org/ramblings/philosophy/fmp/DAT.

[4] N.d.e. Cette pratique est en vigueur dans l’univers des logiciels. Un certain type de « shareware » est disponible gratuitement et librement reproductible. Les utilisateurs sont incités à envoyer une contribution à l’auteur, s’ils sont satisfaits du produit. C’est une pratique qui ne s’est malheureusement pas développée suffisamment, surtout pour des raisons de difficultés de paiement (c’est le point de vue de J. P. Barlow, p. 125). Dans le cas d’un double support (musique, livre, etc.) en ligne et sur CD ou sur papier, elle pourrait fonctionner avantageusement. « Cette musique vous a plu, ce livre vous a intéressé… achetez le CD, offrez le livre, etc. » (Voir infra « Petit trait » ). Mais il faudrait pour cela que les deux mondes se réconcilient, et que ce soient les éditeurs de livres et de CD qui se risquent à offrir leur production gratuitement en ligne. C’est en tout cas une formule qui conviendrait mieux que de suggérer aux musiciens, par exemple, de vivre de produits dérivés, ce qui les transformerait à plus ou moins longue échéance en boutique ambulante.

[5] Cet article est disponible sur ftp://prep.ai.mit.edu/pub/gnu/GNUinfo/MOTIVATION.

[6] Voir le site Web officiel de GNU/Free Software Foundation : http://www.gnu.ai.mit.edu.

[7] Voir « What is copyleft ? » http://www.gnu.ai.mit.edu. /copyleft /copyleft.html.

[8] Voir la page Web de Twisted Helices : http://www.twisted-helices.com/th/.

Musiques Libres : échange avec Rico Da Halvarez

Posté par . Édité par Benoît Sibaud, baud123 et Florent Zara. Modéré par j.
Culture

Rico da Halvarez est le fondateur de Dogmazic Musique-Libre, il a participé ou participe au groupe Loubia Dobb System et Tsunami Wazahari. Biographie partielle.

Jérémie Nestel est membre du collectif Libre Accès, il a été rédacteur en chef du livre La bataille Hadopi, il a fondé différentes radios web sociales, il mène différentes collaborations avec Joseph Paris, Bituur Esztreym, Michele Magema, Hervé Breuil…

Jérémie Nestel : Comment en es-tu venu à faire de la musique libre ?

Rico Da Halvarez : C’est pas si simple…
En 1993, nous fondâmes avec quelques potes le collectif v.n.a.t.r.c.?. À cette époque, musicien (bassiste), plasticien, étudiant en philo révolté par la prolifération d’une certaine forme d’art conceptuel pour le moins inepte et hermétique, je sympathisai avec des étudiants aux beaux arts de Bordeaux, ma ville natale, motivés comme moi pour réagir, mais « narquoisement » à ce fléau muséal, et le bouter hors des froments (sic).

Ce que je retiens surtout de cette époque, c’est la pratique d’un art en liberté, manifestement collaboratif, soucieux de la pierraille (sic), décomplexé, très prolixe et un zeste ironique.

Pour en savoir plus sur les péripéties et facéties de v.n.a.t.r.c.?, je vous propose d’aller jeter un coup d’œil à la biographie (1993 – 2004) du collectif. On pourra aussi se référer à notre « bible-manifeste », le « de catenae legendae labyrinthorum artis i-machinantis », ainsi qu’à l’e.l.s.a., véritable fondement de notre interprétation du droit de l’auteur.

NdA : cet article est sous licence Art Libre.

Rico Da Halvarez - licence Art Libre

Ce sont les arts plastiques qui m’attirèrent vers le web, le web se chargea de me propulser vers le libre. Notre pratique de la co-création, notre refus de la sacralisation en art© sont facilement identifiables comme des prémisses de mon engagement pour un art libre. Utiliser une toile de Rembrandt comme planche à repasser (l’idée du ready-made inversé du Duchamp) ou utiliser un ready-made de Duchamp comme pissotière, c’est super poilant, ça permet de comprendre ce qui cloche avec l’art.

En 1998, j’installe une distribution yellowdog linux sur mon imac.
J’avais commencé à m’intéresser à linux via des articles et des sites web, mais cela ne suffisait pas, il fallait que je teste la bête !
Ce fut une véritable révélation! J’aimais beaucoup aller sur les forums pour tenter de comprendre et (éventuellement) résoudre les problèmes techniques, notamment de périphériques – fort nombreux à l’époque il faut le dire 😉

Je découvris une communauté dynamique et généreuse. Grâce à l’aide précieuse de quelques geeks patients, je progressai dans le cambouis de la machine et en découvris quelques méandres.

Grâce au logiciel libre, il était désormais possible de comprendre les mécanismes les plus subtils de l’informatique, jadis réservés à une petite élite de programmeurs. Même si je ne me destinais pas à cette carrière, ma curiosité l’emportait, ce qui me valut de nombreuses frayeurs !

Cette même année, l’administration plastique v.n.a.t.r.c.? fût quelque peu mise en sommeil suite à une grosse expo à Limoges, terriblement chronophage. Il y eut aussi le départ de deux de ses membres fondateurs, happés par d’autres projets artistiques.

Mon frère et moi décidâmes d’investir dans du matériel musical pro, avec comme dessein de créer des morceaux d’electro-dub. Ainsi naquit « Loubia Dobb System » (1998-2003). Pour des compos plus personnelles, j’officie toujours sous le nom d’« exorciste de style ». On peut écouter et télécharger cette production musicale Loubia Dobb System et Exorciste de style.

À cette époque, le parcours habituel du compositeur était inévitablement une inscription à la SACEM après quelques diffusions de la musique dans des lieux ou des radios. Nous n’échappâmes pas à la règle, nous inscrivîmes mon frère et moi à la SACEM en 1999.

Cette même année, j’entrepris de numériser tous les documents produits par v.n.a.t.r.c ? (textes, images, photos), afin de créer un site web rassemblant ces archives. Conservé dans son état initial comme dans de la naphtaline, il est visible ici. En 2000, rejoint par bituur esztreym (membre du collectif depuis 1997), nous nous lançâmes dans le net-art, dont vnatrc.net est le nœud central.

La pratique quotidienne de linux aidant, je fus amené à lire attentivement la GPL. Ce fut le tilt : pourquoi ne pas diffuser de la musique de cette manière ?

Le milieu de la musique, je le trouvais (je le trouve toujours) corrompu, pyramidal, basé sur la concurrence des artistes, standardisé, mercantile, en quelque sorte confiné aux antipodes de ce que je percevais dans la philosophie du logiciel libre, et de l’histoire de la Musique.

Je décidais donc de m’investir dans la musique libre, afin de porter la voix des exclus du système oligarchique de l’industrie de la musique – exclus, dont je faisais et fais toujours partie, à ma plus grande satisfaction.

Mais comment faire pour faire bouger les lignes, utiliser des armes légales ? Il fallait commencer à s’organiser pour faire face aux premières lois réprimant le partage, toutes ces lois censées protéger le droit d’auteur, pour au final avantager certains lobbys du secteur du divertissement. Les licences libres étaient la réponse pertinente, elles le demeurent : rendre légal le partage de la musique, avec le consentement de l’auteur, c’est juste du bon sens. Dix ans plus tard, bon-gré mal gré, les lignes n’ont toujours pas bougé. Beaucoup reste à entreprendre pour que le partage s’impose d’évidence comme la norme des normes dans les échanges culturels.

L’année suivante, en 2000, coup de bol, les premières RMLL eurent lieu à Bordeaux, dans les locaux de l’ENSEIRB. J’avais en tête l’idée d’une GPL pour la musique. Je pris mon courage à deux mains, et abordai RMS à la sortie de sa maintenant légendaire conférence en français. Je lui demandai alors ce qu’il pensais d’une GPL appliquée à la musique, ce à quoi il répondit – « ce n’est pas pareil » [musique et logiciel]. Puis il m’informa de l’existence d’un projet similaire soutenu par la FSF, en cours de réflexion aux États-Unis. Il me pria de lui indiquer mon adresse mail afin qu’il puisse me mettre en relation avec Ram Samudrala et James Ensor, les deux instigateurs du projet, accompagnés d’un juriste, Lawrence Lessig.

Le lendemain de notre brève discussion, je reçus un mail de rms, et je rejoignais le groupe de réflexion qui allait l’année suivante aboutir à la Free Music Public licence (draft actuel).

Notons au passage que la FMPL ne fut pas achevée, suite au départ de Lawrence Lessig, qui fit le choix de créer les Creative Commons plutôt que de parachever cette licence.

Afin de communiquer en français sur le projet FMPL, je créai en 2001 le site http://musique-libre.com. C’est ainsi que progressivement des rencontres se nouèrent entre les membres de la communauté naissante de l’Art Libre, notamment la foisonnante copyleft attitude.

En 2004, sentant la communauté de la musique libre s’élargir, nous créâmes l’association « Musique Libre ! » son site, ses archives musicales : l’actuel http://dogmazic.net/.

Les années suivantes furent riches en projets, je suis fier d’avoir contribué très activement à certains d’entre eux :

  • la plate-forme de vente Pragmazic, initiative de trois membres de l’association, fut lancée en 2006, (projet abandonné en 2009 faute de rentabilité),
  • la première borne automazic, entièrement conçue par des membres de l’association fut inaugurée en 2007 à la médiathèque de Gradignan. Ça continue sur http://www.pragmazic.net/ ,
  • L’association Libre Accès et le festival des arts libres furent créés en 2008.
  • 2008, ce fut aussi la première édition du festival Artischaud à Lyon http://artischaud.org.

En 2003, v.n.a.t.r.c.? est invité par PERAV’PROD dans le cadre de leur exposition au CAPC de Bordeaux. Belle occasion de créer des installations libres utilisant du logiciel libre. Il est rare que l’art libre pénètre les musées, nous en profitâmes donc pour marquer les esprits avec nos YA*T, logiciels aléatoires publiés en GPL http://www.vnatrc.net/YAST/YAPA2k5T/

Ces œuvres libres donnèrent naissance à un groupe musical diffusant sous LAL, le groupe ALÉATOIRE, qui sévit à Bordeaux et ailleurs entre 2003 et 2005, et dont je fus le bassiste.

Convaincu par la pratique du libre en matière d’art, il me fallut réparer une erreur de jeunesse. Il fallait que je démissionne de la SACEM, si je voulais diffuser toute ma musique sous une licence libre. Cette expérience, conjuguée à celle d’autres démissionnaires fit surgir sur la toile feu quitterlasacem.info dont les archives sont visibles.

Après 10 ans de bons et loyaux services pour l’association « Musique Libre ! », je me consacre désormais plus particulièrement à des projets musicaux. La musique libre m’a récemment permis de voyager au Mexique, en Allemagne, Autriche, Slovénie, Croatie à l’occasion de concerts avec Tsunami Wazahari, que j’ai rencontré par l’intermédiaire de dogmazic, il y a 7 ans.

Rico Da Halvarez - licence Art Libre

Grâce à la libre circulation des œuvres sur Internet, le contact s’est établi bien au-delà des frontières de la France, le public a souvent été au rendez-vous, et l’on peut dire qu’on s’est bien marré 😉

Voilà (entre autres) pourquoi je continuerai à publier mes œuvres sous une licence libre, voilà pourquoi je suis persuadé que la libre circulation, utilisation, modification de l’original, c’est du bon sens appliqué aux œuvres d’art. Je suis persuadé que partage sera la norme de la société qui arrive. Le droit d’auteur serait-il vraiment en voie d’extinction ? Tout se jouera dans les années qui viennent. Le libre aura un rôle crucial lorsqu’il s’agira de transmettre les productions de notre temps aux générations futures. À contrario, ce qui aura été cadenassé au XXIe siècle, est-il certain que l’on en retrouve la clé quelques siècles plus tard ? Je ne le pense pas.

Si l’on songe à donner une chance de pérennité aux œuvres produites par les créateurs de notre époque, et des époques qui suivront, le libre s’impose tout naturellement comme la panacée.

Jérémie Nestel : J’aimerais que tu reviennes sur l’histoire de la Free Music Public licence et de la création des licences creative commons, peux tu nous en dire plus ? Pourquoi le projet n’a pas abouti ? Penses-tu que cela aurait été plus adapté pour la musique que les licences Creatives Commons ?

Rico Da Halvarez : Initialement, le projet de la Free Music Public licence est né de la collaboration entre deux étudiants de l’université californienne de Berkeley, Ram Samudrala et James Ensor, tous deux musiciens. J’ai raconté dans la première partie de cet entretien comment nous nous sommes contactés.

Suite à des échanges par email, nous réfléchîmes à la forme que devait prendre cette licence, en tenant compte des différences entre le métier de musicien et celui de programmeur.

Ainsi, une première ébauche du texte de la licence vit le jour en 2001, rédigée en grande partie par James Ensor. À l’étape suivante, cette ébauche devait être validée juridiquement par Lawrence Lessig, mais celui-ci n’effectua pas ce travail, j’en ignore la raison. Peut-être faudrait-il lui poser directement la question ?

Toujours est-il que la même année, l’EFF lança sa propre licence OAL (Open Audio licence 1.0, remplacée par la suite par la CC by-sa), il y a eu aussi les OML, très proches du modèle Creative Commons, et l’année suivante, les premières Creative Commons (version 1.0) apparurent. Bref, une sorte de surenchère de licences

La caractéristique principale de la FMPL reste qu’elle est une licence créée par des musiciens, pour des musiciens. Est-ce pour autant qu’elle serait plus adaptée à la musique que les Creative Commons ? Je ne puis affirmer cela, notamment par rapport à sa faiblesse juridique.

Si on regarde les clauses de la licence, elle correspond grosso modo à une Creative Commons by-nc-sa (paternité-pas d’utilisation commerciale-partage des conditions initiales à l’identique).

Il est amusant de noter que cette licence, que l’on ne saurait qualifier de copyleft, est soutenue par la FSF : « ce n’est pas pareil » cela doit être ça 😉

Jérémie Nestel : Crois tu que l’on peut définir la musique libre par le choix d’une licence ? Au final avec Lessig on voit que les juristes marquent le pas sur les artistes dans les choix de numérisation de leurs œuvres ?

Avant tout de la musique, rien que de la musique 😉

Le choix d’une licence n’est en rien le cadet des soucis d’un auteur et/ou compositeur. Mais cela n’est pas une raison valable pour accepter de se laisser avoir par un système qui pense la musique en terme de moyen quantifiable, en exploitant ceux qui sont les plus doués pour créer des œuvres-marchandise, tout en mettant sur le pavé ceux, tous aussi doués qui ne partagent pas cette idéologie – car c’en est bien une – et construisent en dehors des schèmes stylistiques à la mode, dans l’indifférence logique de leurs contemporains, qui ne les connaissent pas puisqu’ils ne sont pas diffusés, à part dans les recoins du web.

Ce n’est pas parce que je suis un gauchiste, que je m’insurge contre ce système ! Tout système est forcément injuste : aucun ne convient à tout le monde, celui de la musique n’échappe pas à la règle.

Ceci posé, et c’est sans doute bien caricatural et partisan – j’en conviens – on en déduit aisément que le choix d’une licence n’a, selon moi, aucun rapport avec le fait de créer de la musique, de même qu’à mon sens, il est tout à fait ridicule de conditionner la création de quoique ce soit à une quelconque élévation matérielle, sociale. Créer est une nécessité, une idée fixe qui se situe au delà de tout besoin, même vital.

Tout au plus il convient à un adepte sincère de cet art abstrait qu’est la musique d’ouvrir parfois son cerveau et ses oreilles à des considérations juridiques, même absconses, s’il ne souhaite pas se faire embobiner par les sirènes cyniques de l’art comme marchandise, que je ne cesse de dénoncer depuis près de 20 ans.

Que ceux qui ont vocation à créer des litanies pour des fromages ou des rasoirs jetables, que ceux qui rêvent de devenir des stars, passent leur chemin, la suite ne sera pas meilleure pour eux que mon introduction !

Pratiquer cet art, tout comme les autres, c’est difficile, indélébile, addictif, nocif pour soi et son entourage. C’est exigeant, éprouvant, mais contingent. Il est impossible de pratiquer sincèrement si l’on attend un quelconque intérêt matériel en échange des efforts que l’on fait.

Rico Da Halvarez - licence Art Libre

Cette praxis n’a non plus aucun rapport avec le droit, la loi, puisque l’art incite rarement celui qui pratique à un rapport équilibré, stable, avec la société. Bien au contraire, c’est le meilleur moyen de se retrouver seul, alcoolique, drogué, ou en prison pour avoir trop bousculé l’ordre établi, heurté ces « braves gens » qui « n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux », et Brassens en savait quelque chose !

Sade a passé 40 ans en prison, Oscar Wilde, Victor Hugo, Courbet… la liste est longue de ces grands Produits de Luxe ayant fréquenté les cellules, ayant été contraints à l’exil, ou ruinés par les conséquences de leur engagement politique.

Peu importe l’interprétation, c’est surtout dans la longévité que l’on se rend compte qu’on a faim de musique ou de tout autre art comme dans la vraie vie on a faim de nourriture. Et lorsque cet état de fait devient irréversible, peu de choix sont à disposition : continuer coûte que coûte, ou arrêter définitivement.

De tous temps, les mêmes obstacles se sont dressés devant quiconque a manifesté le symptôme irréversible du besoin de créer. Cela se produit depuis que la musique existe, nonobstant quelques notoires exceptions, mais aucun obstacle n’a empêché l’art de s’exprimer. Nietzsche disait que l’artiste au fond ne demandait rien de plus que « du pain et son art ». Alors que dire de tous ces capricieuses vedettes, qui occupent la place médiatique ? Sont-ce des artistes, ou bien des ersatz ?

Les considérations juridiques, on s’en moque généralement quand on a des mélodies, des harmonies en tête, ce n’est pas un tort, c’est une raison valable.

Les licences libres sont des outils, les juristes ont bien le droit de tenter d’aider des artistes à diffuser leurs œuvres conformément à leurs opinions philosophiques ou politiques. Ce sont des outils d’autonomie, tout à fait à leur place dans un système culturel (en France tout au moins) basé sur la tutelle, car partant du principe que les artistes sont incapables de se prendre en main. C’est sous ces angles notamment, que les licences libres m’ont séduit, et sans doute aussi parce que je cumule une formation philosophique et une carrière musicale…

Dire que les juristes marqueraient le pas sur les artistes dans leurs choix de diffusion numérique me paraît quelque peu exagéré. Le sentiment que j’ai cependant, c’est que beaucoup trop de ceux qui s’arrogent le droit de parler de « création », d’« art », de « culture », n’ont aucune compétence dans ce domaine, de même que l’écrasante majorité des artistes n’a aucune compétence en droit d’auteur. Mais au moins, les artistes, il est rare qu’ils se lancent dans des diatribes sur ces sujets !

Les enjeux des licences libres sont cruciaux pour la circulation et la conservation durable de notre patrimoine. Le droit d’auteur classique est de plus en plus un droit privateur de libertés fondamentales. Il est primordial de sensibiliser ceux qui ont une pratique artistique à ces enjeux, ne serait-ce que pour les reconnecter avec le public, mais il faudrait vraiment arrêter de décider à leur place!

Jérémie Nestel : Comment abordes-tu le revenu des auteurs dans la musique libre ? Es-tu en adéquation avec ceux qui pensent (thinktank altaïr pro hadopi) que : « un artiste a autour de lui un manager ou agent, un producteur de spectacle (ou « tourneur »), un producteur discographique et un éditeur musical, chacun gérant avec lui une part de son projet artistique, en compagnie de nombreux professionnels spécialisés » ?

Rico Da Halvarez : RÉMUNÉRER, le « Mettre-mot » (sic)…

S’il y a quelque chose qui m’insupporte bigrement c’est ce terme, servi à toutes les sauces, jusqu’à l’overdose…

Parler de rémunération, c’est à mon avis mettre la charrue avant les bœufs.

Avant de songer à rémunérer les musiciens, je pense qu’il faudrait juste améliorer leurs conditions de travail. Et il y a du boulot !

Dans les musiques amplifiées notamment, ce sont toujours les mêmes galères pour trouver des locaux de répétitions, et surtout se produire dans de bonnes conditions.

Jouer dans des bars, sans aucune garantie, et ne rien recevoir en échange est le lot commun. La musique comme tous les arts, cela ne demande rien d’autre que de la reconnaissance, de la gratification. La rémunération, c’est une étape que la plupart ne connaissent jamais.

Ajoutons à cela la quasi impossibilité pour le plus grand nombre de ceux qui produisent des titres, des albums, d’accéder aux canaux de diffusion traditionnels (radio et télévision notamment), et donc au grand public. C’est un frein supplémentaire à toute espérance de rémunération. Qui ira acheter le disque ou les fichiers de cet inconnu ?

Commençons-donc par régler ces problèmes avant de songer à comment rémunérer (équitablement tant qu’à faire). Et puis rémunérer qui ? Sur quels critères ? On tourne en rond depuis trop longtemps, et on remet sur le tapis l’éternel et insoluble débat professionnels versus amateurs. Un bon professionnel c’est un amateur qui a eu les moyens de s’exprimer.

RÉ-MU-NÉ-RER, ce n’est pas ce qui permet de se réaliser, ce n’est pas un but artistique en soi, ce n’est pas vital pour un artiste, c’est juste l’infiniment rare conséquence d’une carrière artistique.

Quant à l’entourage de ces frêles baladins sous tutelle depuis si longtemps, qu’ils attendent patiemment dans leur caverne… autant qu’ils ne soient pas véreux, c’est possible mais rare 😉

Ce qui leur faut c’est avant tout des facilitateurs de répétitions, d’enregistrements studio, des salles de concerts accueillantes et adaptées, et bien sûr l’indispensable public qui va avec. Un tourneur ? Un label ? Pourquoi pas, il y en a de très bons, notamment dans le milieu associatif. Et pour ceux qui veulent écraser tous les autres, il reste toujours l’option de la maison de disques. Juste une question de philosophie…

Je me méfie des professionnels du « marché ». Transposée à la musique, la spéculation, c’est aussi joli que dans l’industrie pharmaceutique (en moins lucratif).

Autant en avoir le moins possible d’intermédiaires dans son entourage, cela devrait être une règle d’or. À chaque groupe de trouver les « bons », ou de s’en passer carrément. C’est ça la liberté, non ?

De nombreuses associations se battent pour faire ce travail, mais notre bel État a généralement l’habitude de considérer que cela n’est pas dans le droit chemin de l’art comme marchandise exportable à l’étranger sous la forme du « luxe français ».

En soutenant activement les associations qui permettent aux musiciens de travailler et de survivre (salles de répétition, studios, petites salles de spectacles), en ouvrant les portes des innombrables salles municipales à des organisations de concerts, l’exécutif ferait juste son travail de promoteur de la diversité culturelle.

Jusqu’ici, on le sait, c’est comme avec les banques, on aide les « gros » en (se) persuadant qu’il y aura de bonnes retombées pour les « petits ». C’est tout le contraire qu’il faut faire !

Jérémie Nestel : Trois idées pour faire avancer la Musique Libre, et peux-tu conseiller des groupes de Musique Libre que tu souhaiterais faire découvrir

Rico Da Halvarez : Pour une fois, je vais faire concis, quoique… 🙂

Idée n°1 : répertorier tous les artistes qui diffusent de cette façon, ainsi répertorier toutes les œuvres de musique libre existantes. Il me semble qu’un service public comme le Ministère de la Culture pourrait s’en charger, ou bien missionner une ou des structures de la société civile pour accomplir ce travail.

Idée n° 2 : C’est une idée que j’ai déjà exprimée dans « la bataille HADOPI ». Je plaide pour une loi sur la diversité culturelle. Dans son fonctionnement, il s’agirait d’une liste tenue à jour de toutes les productions phonographiques (matérialisées ou non) produites sur le territoire français, hors majors du disque (inutile de lister ce qui inonde déjà les radios et télés).
Cette liste serait adressée (mensuellement ? Trimestriellement ? Annuellement ? cela reste à décider) à tous les diffuseurs (radios, télés, supermarchés…) travaillant sur le territoire. Les diffuseurs devraient obligatoirement choisir dans cette liste un volume de titres à programmer représentant un quota (à définir) d’œuvres produites hors circuit industriel.

Idée n°3 : C’est la même que la précédente, mais appliquée aux salles de spectacles, notamment les SMAC (scènes de musiques actuelles). Je rappelle au passage que lorsque j’étais actif dans l’asso « Musique Libre ! », nous avions mis au point un programme des œuvres sous licences ouvertes, destiné à permettre un versement direct des droits, sans passer par la SACEM, qui n’a pas à percevoir dans ces cas-là. Il faut absolument diffuser largement ce programme.

Il y aurait bien d’autres choses à faire, mais il faut bien qu’on en finisse avec ce long entretien. Merci aux lecteurs qui lisent cette ligne d’avoir eu la patience de lire celles qui précèdent, et merci à Jérémie pour son art maïeutique avancé.

Des groupes de musique libre, il y en a tant que j’inviterai le public à les découvrir partout sur le web et sur les réseaux pair à pair. Allez jeter par exemple un coup d’oreille à un site comme freemusicarchive.org/, pour vous faire une idée de la qualité et de la diversité. Une liste des netlabels est disponible sur archive.org/details/netlabels