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Pour une diffusion légale et variée de la musique en ligne

«Les artistes doivent être les propriétaires de leurs propres droits, notamment sur Internet.» Peter Gabriel

L’artiste, qui s’est impliqué dans les nouvelles technologies, estime que la diffusion en ligne marquera le retour aux années 60, lorsque les musiciens étaient en position de force face aux majors. « En effet, nombre d’artistes souhaiteraient travailler directement avec leur public, a expliqué Peter Gabriel.»

Herbie Hancock, s’est également déclaré favorable à un effacement des maisons de disques dans la gestion des droits d’auteur. « Chaque interprète doit pouvoir créer son propre modèle, y compris sur une base gratuite. »

Aujourd’hui la Sacem et les Majors sont responsables d’un blocage culturel inacceptable. Les statuts de la Sacem interdisent toujours à ses adhérents interprètes de diffuser une seule de leur composition de façon gratuite auprès du publique sur le Web. Comment jouer son rôle culturel et se faire connaître quand on est réduit au silence ? Pour s’auto diffuser légalement l’artiste doit théoriquement payer à sa propre société une taxe sur chaque mp3 téléchargé (les morceaux en écoute streaming sont également taxés) ! Une aberration qui explique en partie les frais de gestion incohérents de la SACEM ! À sa naissance la Sacem devait aider les artistes à ne plus se faire arnaquer par les patrons du spectacle .… aujourd’hui elle prélève de l’argent à ses propres adhérents qu’en ceux-ci s’auto diffusent !

L’objectif est d’être incontournable sur la diffusion en ligne en imposant à ses adhérents des choix discutables de promotion et distribution. Mais dans quelles conditions pour les artistes ? Extrait de questions à Bernard Miyet , président 2003 du directoire de la Sacem le 19/06/2003 sur Canal chat .com (…)

« Sur 100 téléchargements, combien touche la SACEM, les compositeurs, les distributeurs, des chiffres SVP ?

– B. Miyet (2003) : Le montant des droits d’auteur s’élève à 8 % actuellement du prix payé par le consommateur. Hélas, aucun service de musique en ligne n’a pu être viable jusqu’à présent, ce qui fait qu’aucun auteur-compositeur n’a pu toucher quoi que ce soit. »

Alors qu’ internet est en plein développement la Sacem piétine et fait preuve d’ incohérence. D’un coté la Sacem met à genoux les structures associatives et ses sociétaires les moins connus qui s’auto diffusent ; et de l’autre elle accorde des faveurs financières représentant plusieurs milliers d’euros aux Majors plaidant en 2003 que «le marché de la musique en ligne est encore expérimental» !

Plus grave la Sacem admet ne pas être capable de répartir à ses adhérents l’argent pour leur diffusion web. Mais alors ou va le pognon dû aux artistes et surtout pourquoi taxer si elle ne sait pas redistribuer ? La politique ” tout le monde paye et on verra plus tard pour répartir les droits” est irresponsable ! Les majors eux sont satisfait et profitent de l’occasion : ils ont obtenus de la Sacem de payer les artistes qu’elle représente au même pourcentage que sur le disque 8%. On est loin des 50% minimum que les auteurs compositeurs interprètes seraient en droits de réclamer sur la commercialisation de leur œuvres sur le web.

Pourquoi un tel écart ? Bernard Miyet , président du directoire 2003 de la Sacem nous explique : « La Sacem ne rémunère pas les artistes, contrairement à l’idée reçue, elle ne rémunère que les auteurs et compositeurs des œuvres chantées ou jouées par les artistes. »

Les adhérents Sacem interprètes de leurs propres compositions sont donc aujourd’hui les moins indemnisés des artistes diffusés sur le web ! Nous ne parlerons même pas ici de la politique répressive menée en 2004-2005, qui a ruiné le respect des auteurs dans l’opinion publique. Au regard de leur incompétence, il est inutile voir carrément stupide d’adhérer à la SACEM ! Si vous êtes un musicien chanteur et compositeur il vaut mieux assurer vous même la gestion de vos droits. De nombreux groupes et associations sont prêts à vous apporter leur soutien sans vous déposséder de vos droits. (voir l’article : Protection droit d’auteur et musiciens indépendants) Alors que beaucoup d’entre nous pensions qu’internet serait le moyen de rééquilibrer les bénéfices en faveur des artistes ; la SACEM n’a pas tenu son rôle historique. Dans ces conditions les amateurs et diffuseurs de musique sur le web sont dans le doute. Les systèmes d’écoutes payants profitent-ils aux artistes ou bien à la Sacem et à ses copains Majors ?

Tant que les artistes ne seront pas les principaux propriétaires et bénéficiaires de leur droits à 50% minimum le piratage en musique est inévitable, voir recommandé ! Les «taxes flottantes» misent en place par la Sacem desservent la diversité culturelle et freinent littéralement l’auto diffusion de ses sociétaires par eux-même ou par des associations. Dans l’intérêt des artistes et de la culture nous demandons aux sociétaires SACEM d’intervenir pour éxiger un assouplissement des statuts, leur permettant de diffuser sans taxes leur répertoire depuis les sites de leur choix. Le manque de diversité culturelle des catalogues payants est clairement dû à la rentabilité obligatoire mis en place par la SACEM, les Majors et le ministère de la culture français.

D’ici à des lendemains meilleurs et pour rétablir un accès culturel impartial, nous continuerons d’informer les artistes afin qu’ils n ’abandonnent plus la gestion de leurs droits à des sociétés d’auteurs et à des Majors qui s’engraissent et les prennent pour des cons depuis 2001. Il s’agit d’un minimum culturel et de bon sens ! Le jazzman Steve Colman illustre parfaitement cette nécessaire évolution. Son site est dans les liens du Réseau des musiciens indépendants .

Randolph NORRIS

Source : REMI

Pourquoi je ne suis pas à la Sacem

Par Mickaël Mottet (Angil), le 8 février 2009.

Je ne suis pas obligé ! Beaucoup d’amis s’étonnent quand je leur dis que je ne suis pas à la Sacem : “mais alors, tu es dans l’illégalité ?”… Merci à Froggy’s Delight de me donner l’occasion de dire ici que la réponse est non. Ce témoignage n’est pas une attaque en règle contre la Sacem, ni une démonstration en faveur de la musique libre. Je veux juste partager mon expérience, en toute subjectivité !

L’inscription à la Sacem n’est pas obligatoire. La Sacem est un syndicat privé. Certes chargé d’une mission de service public, mais légalement, rien n’oblige un auteur à s’y inscrire. On peut sortir un disque, jouer ses morceaux en concert ou se défendre légalement sans être sociétaire à la Sacem.

De fait, la Sacem a un monopole sur la musique en France. Mais il existe des alternatives. L’idée (fausse) du caractère obligatoire de l’inscription est pourtant assez répandue, et la Sacem ne communique pas très activement pour la réfuter… Au contraire : un petit tour sur son site officiel a de quoi tromper son monde. “Vous voulez réaliser un CD, un vinyle, une cassette ? Pour obtenir l’autorisation de reproduction de la SDRM et remplir en ligne la demande d’autorisation, vous devez vous inscrire.”

La SDRM, organisme incontournable ? Non, société créée à l’initiative de la Sacem. Si vous ne souhaitez pas sortir ou jouer vos œuvres sous copyright, vous pouvez (sans être dans l’illégalité) faire presser, diffuser, reproduire “un CD, un vinyle, une cassette” tant que vous voulez, en restant en dehors du circuit Sacem/SDRM.

Il faut lire entre les lignes sur le site de la SDRM pour le comprendre. “La plupart des auteurs d’œuvres de l’esprit ont confié à une société de gestion collective le soin de délivrer en leur nom les autorisations pour la représentation et la reproduction de leurs œuvres.” Et les autres, ceux qui ne confient ce soin à aucun organisme affilié à la Sacem ? Ils sont dans un no man’s land juridique. Par exemple, l’option que j’ai choisie pour protéger mon travail, la licence Creative Commons, profite en France d’une sorte de flou légal pour exister. C’est un peu dingue, quand on sait que la Sacem n’est pas censée être le seul choix possible. Pas habilitée à l’être.

Le fondement de la Sacem

L’histoire, racontée brièvement sur son site, est la suivante : “La SACEM est née à la suite d’un incident survenu au café-concert Les Ambassadeurs en mars 1847. Trois compositeurs et auteurs connus refusèrent de payer leurs consommations, estimant qu’ils ne devaient rien puisque le propriétaire de l’établissement utilisait leurs œuvres sans les rétribuer en retour. Les trois musiciens gagnèrent un procès, qui provoqua, en 1850, la naissance d’un syndicat des auteurs.” (Wikipédia)

Voici donc le nœud du problème. Si vous choisissez d’être sociétaire, c’est parce que vous êtes d’accord avec l’idée que toute diffusion de votre musique est payante. Mon choix de ne pas l’être découle de mon désaccord avec cette affirmation : si un lieu de diffusion (bar, salle de concerts) ou un média décide de diffuser mes chansons, je ne vois pas en quoi ce lieu, ce média me devrait de l’argent.

Ma position est loin d’être la plus répandue. Je ne cherche pas à vivre de ma musique ; ça facilite ma radicalité sur ce point. Parmi mes amis musiciens, certains sont professionnalisants. On a de longs débats sur la Sacem ; leurs arguments sont souvent : “mais pourtant tu acceptes d’être payé pour un concert !” ; “le jour où la Sacem me propose 1000 €, je ne vais pas les refuser !” et “les médias ont forcément un intérêt commercial à diffuser ta musique, c’est légitime de demander ta part !”…

“Tu acceptes bien d’être payé pour un concert !” Être payé pour une performance ponctuelle, je trouve ça normal. Faire un concert prend du temps, de l’énergie, et bien souvent autant d’argent que ça en rapporte. Alors que la diffusion de ma musique ne me coûte rien. Le temps, l’énergie et l’argent investis dans la ‘fabrication’ d’une chanson sont rétribués par l’achat de l’album par les gens qui continuent à le faire, car ils savent qu’avec un petit label, c’est un acte militant. C’est un peu dérisoire d’écrire ça en période de crise du disque mais je parle de la situation idéale.

“La Sacem me tend de l’argent, je ne crache pas dessus !” Logique (si accepte la notion de diffusion payante). La rétribution des artistes est son but ; et avec 600 millions d’euros annuels de redevance, elle peut les rétribuer ! Attention, si vous êtes un petit artiste indé, mieux vaut être attentif à la moindre diffusion et la déclarer à la Sacem : un oubli est facilement arrivé (bien qu’elle compte 1400 employés – dont les salaires représentent 2 tiers des charges, soit dit en passant).

Malheureusement, les choses ne sont pas si simples : avant de recevoir de l’argent, il faut payer… Je ne parle pas de l’inscription, assez peu onéreuse. Mais sortir un disque sous copyright, par exemple, implique des paiements exorbitants à la SDRM. Une partie est censée être remboursée ultérieurement ; mais en ce qui me concerne, je ne pourrais pas avancer des sommes pareilles ! En somme, je n’ai pas les moyens d’être à la Sacem !

Dans le même ordre d’idée : si un magazine national vous fait l’honneur d’une sélection sur une de ses compilations, il vous réclame les droits Sacem. C’est très cher. Quand ça m’est arrivé (en l’occurrence pour des compils des Inrockuptibles), je n’ai rien eu à payer, n’étant pas sociétaire Sacem… sinon, je n’aurais pas pu accepter, tout simplement.

“La diffusion peut cacher un intérêt commercial, prends ta part !” Étant du milieu indépendant, je ne crois pas à cet argument. Ce sont certes des popsongs, que j’espère faire entendre à, disons, beaucoup de gens (le ‘plus grand nombre’ ne m’intéressant pas forcément). Mais je ne les compose, les imagine, ni ne les ‘calibre’ en fonction de leur éventuelle diffusion.

Si telle radio, tel blog ou tel autre média choisit de les mettre en avant, quitte à ce qu’il ait en tête des intérêts commerciaux (et avec mes chansons, je lui souhaite bonne chance !), son but ne me regarde pas. Je le remercie de les diffuser, et je continue ma démarche de mon côté.

Les failles du système Sacem Invité il y a quelques mois sur France Culture, j’ai joué quelques morceaux. À la fin de l’émission, un assistant m’a tendu la feuille rose de la Sacem à remplir. “Je ne suis pas sociétaire, lui ai-je dit, vous n’avez rien à payer et je n’ai rien à déclarer.” Décontenancé, l’assistant m’a répondu : “qu’est-ce que je dis à la Sacem, moi ? Qu’on a passé un quart d’heure de silence ?”

Même configuration lorsqu’une émission de M6 a utilisé une de mes chansons en fond musical pour un sujet. Le producteur de l’émission, que j’ai contacté pour lui signaler qu’il n’avait rien à régler à la Sacem, est tombé des nues.

Aux yeux de la Sacem, ce qui n’est pas consigné chez elle n’existe pas. C’est du silence.

Ce n’est pas tout : que je le veuille ou non, une somme d’argent a bel et bien été envoyée par France Culture et M6 à la Sacem. Culture et M6, comme toutes les radios, télévisions et nombre de lieux de diffusions, se sont “arrangés” avec la Sacem pour lui envoyer un forfait mensuel. Je suis donc compris dans ce forfait, pas le choix. Quand celui-ci arrive à la Sacem, et que sa base de données constate qu’il n’existe aucune entrée correspondante à Mickaël Mottet , une partie de l’argent est mise de côté, en attendant d’être réclamée.

Je ne sais pas ce que ces sommes deviennent. J’avais entendu dire qu’elles étaient, au bout d’un certain temps, réparties aux artistes (après un calcul vraisemblablement basé sur le nombre de ventes). Cela signifierait (c’est à vérifier) qu’en restant en dehors du système, je beurre les épinards de Jean-Jacques Goldman.

La Sacem a également une mainmise sur bon nombre de dispositifs censés aider tout artiste qui en fait la demande. Le Fair (qui oublie de le préciser sur son site), l’Adami, certaines sélections régionales pour des festivals, j’en passe : tous ces organismes apparemment indépendants ferment automatiquement leurs portes aux artistes non-inscrits à la Sacem. J’en parle parce que ça m’est arrivé.

En quelque sorte, le contenu de mon ‘travail’ n’a pas d’importance ; je suis puni parce que je ne joue pas le jeu de la professionnalisation.

Pour en savoir plus, rendez vous le 12 février 2009 aux Assises “Liberté, création et Internet”, organisées par Libre Accès le 12 février.

Mickaël Mottet

Source : Froggy’s Delight

Comment j’ai libéré ma musique : l’histoire d’une conversion

Le 8 février 2006 par caphar

Ça y est, c’est fait. Ça vient de se passer, et ça fait du bien. Il y a eu une bascule, subite, inattendue, dans ma façon de concevoir ma musique. Tout était en place, depuis longtemps, mais c’est seulement aujourd’hui que j’ai franchi le pas. Ma musique est devenue libre…

Ça y est, c’est fait. Ça vient de se passer, et ça fait du bien. Il y a eu une bascule, subite, inattendue, dans ma façon de concevoir ma musique. Tout était en place, depuis longtemps, mais c’est seulement aujourd’hui que j’ai franchi le pas. Ma musique est devenue libre…

Si je conte cette affaire, c’est parce qu’elle illustre un phénomène majeur en cours. Je ne prétends pas être exemplaire, mais mon cas me paraît symptomatique d’un changement à plus vaste échelle. Un changement d’état d’esprit. Il y a potentiellement un raz-de-marée de libération de la musique.

I wanna be a star

L’histoire commence comme beaucoup d’autres, il y a deux demi-douzaines d’années, quand le Caphar, alors turgescent pré-adolescent nourri de mélopées Jarresques et de kling-klangs teutons, se croit capable de produire sa propre musique pour rejoindre ses idoles au Panthéon électronique. C’est le parcours classique du home studiste un peu renfermé. Il s’achète un beau synthé, compose d’atroces imitations sans saveur, trouve quelques camarades avant de les quitter devant l’inanité de leur collaboration (en plus un groupe avec quatre claviers, c’est ridicule).

Assez vite, il a l’intuition d’un succès considérable. Tel le Henry qui voudrait bien réussir sa vie, il peuple ses nuits de concerts fantasmés, de monnaie ronflante, de disques d’or enchaînés et de groupies déchaînées. Pendant ce temps il compose, il s’améliore. Passant au fil des influences de la jungle, de la techno, de Björk ou du rock gothique, sa musique se colore, se diversifie, s’enrichit de nouvelles saveurs. Ses copains l’encouragent, l’orientent, critiquent. Sa musique est bizarre, mutante, monstrueuse. Mélange de styles sans doute maladroit, mais c’est ce qui plaît à ses quelques auditeurs.

Inévitablement, tant d’émulation lui fait pousser des ailes. N’ayant pas oublié ses rêves de gloire, il tente de se plier au format standardisé pour espérer percer dans le monde de la musique : douze chansons, collées dans 55 minutes de CD, ça s’appelle un album. Trop ravi d’avoir compilé ses oeuvres, il sonne à la porte des labels techno. Le couperet tombe : votre musique n’entre pas dans le cadre de nos productions. Alors il sonne à la porte des labels gothiques. Idem. Ça ne rentre pas. Pareil chez les allemands, chez les anglais. It does not fit. Il a beau tailler, arrondir, c’est irrecevable : s’il accepte de fournir le « produit » qu’on lui réclame, il abdique du même coup tout ce qui lui plaît dans la musique. S’il ôte tout ce qui « accroche », ce qui détone dans sa musique, il la vide de toute son âme.

Qu’à cela ne tienne, il se rue sur Internet et les nouvelles promesses de rentabilité d’un petit site qui s’appelle MP3.com. A l’époque, ce site communautaire révolutionnaire permettait aux artistes de vendre leurs albums au prix de quelques morceaux offerts en téléchargement gratuit. L’affaire fera long feu, sans jamais assurer une rétribution à la hauteur des efforts investis : après un an de publicité éhontée et de référencement à tout va, tout juste une quinzaine d’albums vendus.

Tant d’illusions sans jamais de concrétisation devaient mener le home studiste à un enfermement artistique de plusieurs années. Puisque personne ne voulait l’acheter, il ne diffuserait plus. D’ailleurs il avait trouvé un boulot passionnant, une femme pas loin de la perfection, et autres activités chronophages. Mais puisqu’il ressentait le besoin pathologique de produire de la musique, il n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Ainsi donc commença une accumulation de morceaux des heures perdues. Morceaux du soir, morceaux du week-end, les yeux rougis par l’écran. Morceaux finement ciselés, inspirés par la démence et travaillés avec amour, mais finalement dépourvus de tout public en dehors des proches, toujours bienveillants (« ton dernier morceau est vraiment digne de passer sur Nova »).

Et puis il y a eu ces trucs dont il a vaguement entendu parler sans dresser l’oreille : la musique libre, les audioblogs, le Web communautaire, les Creative Commons. Le premier événement a eu lieu fin janvier : « je vais faire un blog », s’était-il exclamé en se rasant le matin (d’où une anodine petite coupure). Parce que :

Je suis super has been si j’ai pas de blog, même les auditeurs de Skyrock et les hommes politiques s’y sont mis depuis longtemps
je pourrai mettre en ligne mes morceaux, ça coûte rien. J’en mettrai un ou deux, juste assez pour me faire connaître, et je garderai le mieux pour le futur label qui acceptera de me rendre riche .

La deuxième étape fut franchie il y a trois jours, à mesure que l’intérêt éveillé par ses quelques compositions lui faisait ressentir au fond du ventre une chatouille qu’il n’avait pas ressentie depuis longtemps. Ces commentaires élogieux, ces critiques pertinentes, cette impression que quelqu’un avait absorbé sa musique, s’en était imprégné et avait été marqué, voilà ce qu’il avait perdu… L’excitation existentielle de la confrontation à l’autre ; l’échange, le partage, c’était diaboliquement gratifiant.

Alors j’ai ouvert les yeux

J’ai ouvert les yeux sur une évidence que je m’étais refusé à admettre : je ne serai jamais une star de la musique. Jamais un musicien rentable, de ceux qui « tournent », vivent de leurs ventes. En plus, je ne joue pas ma musique. Incapable d’assurer une scène, je ne créerai jamais assez de « buzz » pour m’assurer la célébrité qui nourrit. Alors quoi ? Faudrait-il tout arrêter ? Enfermer ma musique dans un coffre fort, à l’abri des jaloux, des cupides, de ceux qui voudraient écouter sans payer la dîme ? Non, au contraire. Puisqu’elle ne se vend pas, offrons-la.Il y a deux jours, avec des restes de protectionnisme, j’ai approché cette chose, la musique libre. Un peu inquiet, j’ai demandé aux petits gars du collectif Revolution Sound Records s’il y avait une licence pour « protéger » ma musique, en parlant de dépot à la Sacem, de recherche d’antériorité, de dépôt chez le notaire… Ce Jérôme (Dieu le bénisse), m’a asséné avec l’air de celui qui a vu la lumière en dehors de la caverne : « opte pour les CC, et fait de la zique. La musique c’est fait pour l’échange et le partage à mon avis, pas pour devenir avocat ou banquier ». Bon sang mais c’est bien sûr ! Ce que je cherche, c’est à diffuser, pas à protéger.
Ce matin, j’ai adopté pour de bon la licence Creative Commons et j’ai un sentiment de liberté incommensurable. Enfin j’ai abandonné cette vieille résistance qui m’interdisait de partager ma musique, ou alors avec des arrière-pensées. Je vais enfin pouvoir communiquer, donner, frustrer, recevoir, donner une vie à mes créations. Il a pris fin ce rêve de gloire entretenu par l’industrie du disque, qui formate non seulement les disques mais les artistes et les esprits. Etre dans les meilleures ventes, est-ce un but sérieux quand on apprécie la créativité et l’inventivité de l’underground ? Il y a plus que ça dans la musique…

Si j’en crois musique-libre.org et consorts, je ne suis qu’une des innombrables gouttes de ce torrent qui veut se déverser. On se doute bien que ça ne va pas abolir les intermédiaires capables de recommander les meilleurs artistes, mais ce qui est frappant c’est que tout ça se déroule dans le dos d’une industrie musicale minée par ses choix et qui se débat avec les arguments légaux pour éviter de se remettre en cause (cf. ce post de Jullian Angel, artiste « libre », qui m’a convaincu).

J’espère à mon tour convaincre d’autres créateurs de « relâcher » leurs productions. N’attendez pas que le marché vous remarque pour vous faire entendre ! Libérez votre musique ! Maintenant !

Source : http://www.lepotlatch.org/2006/02/25-comment-j-ai-libere-ma-musique/

Témoignages d’artistes

Pourquoi ces témoignages ?

La musique libre – ou plus généralement la libre diffusion des œuvres – est un phénomène qui intrigue, et qui suscite souvent l’incompréhension. Comment peut-on accepter de brader sa musique sans contrepartie ? Les auteurs n’ont-ils aucun respect pour leurs œuvres et pour eux-même ? Dans un monde résolument capitaliste, la musique libre n’est-elle pas une « aberration » ?

Un des meilleurs moyens de dépasser ces incompréhensions, c’est de laisser la parole à ceux qui ont fait le choix de la libre diffusion de leurs œuvres. On se rend alors compte que leur point de vue est parfois bien plus pragmatique et réaliste que l’on ne le supposait… Ce qui, bien entendu, n’exclue pas nécessairement un positionnement idéologique ou philosophique.

Petite liste non exhaustive

Prélude.ch : Musique Libre en prison, 2010-2011

Angil : Pourquoi je ne suis pas à la Sacem ? Février 2008

Julian Angel : Et bien parlons-en… (2006 – en réaction au dossier de la Fnac dans le magazine Epok sur La musique gratuite tue)

Le Caphar : Comment j’ai libéré ma musique : l’histoire d’une conversion (2006)

Lame Spirale : Les invités ou un des rôles de la communauté de la musique en libre diffusion (2003)

REMI (Réseau des Musiciens Indépendants) : Faut-il adhérer à la Sacem ? Novembre 2003 (actualisé en Novembre 2005)

Phillipe Destrem : Un artiste de variété peut-il être vraiment indépendant ? Décembre 1999

 

Comment faire son cd de musique libre ?

Comment faire son cd de musique libre ?

Enregistrer sa musique

Il existe dans le monde du libre des solutions alternative, souvent peu onéreuse, évidemment le matériel a toujours un coût mais on peut aussi recycler un pc en studio d’enregistrement :
voir les distributions Linux dérivées, spécialisées dans la musique ou le multimédia comme Librazik, Ubuntu Studio, Apodio, 64 studio …

Quelques références indispensables :
Réaliser un CD audio avec Audacity
Studio libre (lien archivé)
Musique Assistée par Ordinateur sous Linux

et n’oubliez pas :
Jusqu'en 2003, Billyboy a enregistré ses démos avec une console Behringer et une carte son ISIS sur un Pentium 166 avec 48 Mo de RAM. Démos qui lui ont quand même permis de faire une cinquantaine de concerts par an. Inutile donc de vous jeter dans un investissement énorme si votre but est de faire des démos et que votre budget est serré. N'écoutez pas les fondus du matos qui vous disent “pas ça, c'est de la merde”. Il n'ont pas forcément tord à leur niveau ou de leur point de vue, mais avez-vous besoin de plus pour démarrer ? Ne perdez jamais de vue vos propres objectifs.

Faire presser son CD
  • La pochette

Prenez contact avec une entreprise spécialisée dans le pressage de CD, on en trouve plein dans le bottin ou sur internet.
S’ils sont sérieux, ils vous donneront les normes exactes à respecter pour votre pochette : formats des fichiers à fournir, gabarits, etc …
Je ne vous cacherai pas que faire une pochette c’est un métier ! si vous avez un graphiste sous la main passez lui un coup de fil !
Si vous le faites tout seul, bonne chance …
Gimp et Scribus seront vos amis.

Il faut entre autre :
– penser à utiliser une définition de 300 dpi (point par pouces ? je crois), ça veut dire une bonne définition d’image
– faire attention à l’ordre des pages du livret
– faire attention aux marges qu’on vous donnera, prenez toujours un peu plus (d’expériences … ratées)
– utiliser des formats de couleurs CMJN, c’est à dire en quadrichromie
– pour le rond CD, si vous utiliser 1 ou 2 couleurs faites attention au format de l’image, on peut vous demander d’utiliser une couleur particulière pour les tracés

  • Mentions obligatoires

ah ! les Mentions obligatoires, voila qui est très intéressant !
Sachez qu’en tant que militant du libre, vous n’êtes soumis qu’à 2 d’obligations : le logo Compact Disc, et le logo PAI (ou DP).

Attention à bien expliquer votre démarche et la licence que vous utilisez à la boite de pressage à qui vous vous adressez, s’ils n’ont pas l’habitude, ils vous demanderont d’appliquer toutes les mentions obligatoires pour les adhérents de la SACEM, ou appliqueront eux même les divers logos Sacemiques et autres “Tous droits réservés …”.

Le logo Compact Disc peut vous être fourni, sinon vous le trouverez sur le web.
Le logo PAI “Propriétaire Actuellement Inconnu” signifie que vous n’êtes pas connu de la SACEM. Ce logo n’existe pas vous pouvez créer le votre ou jeter un œil à ceux sur Dogmazic :

Bien sur il faut préciser le type de licence libre que vous avez choisi, mettre un joli logo CC ou autre ainsi qu’une référence au contrat choisi.
N’oubliez le nom du groupe et le titre du CD, ça se fait.
Dans le cas DP, Domaine Public, vous pouvez aussi créer votre logo il n’existe pas non plus.

  • Demande SDRM

C’est la société de Reproduction des Droits Mécanique chez qui vous devez déposer obligatoirement une demande de pressage, avec le nombre d’exemplaires, s’ils sont destinés à la vente, à la promotion, bref un tas de détails liés au CD lui-même. Cette démarche permet à la SACEM de calculer les droits que vous devez payer si vous utilisez des morceaux de membres. Par exemple si vous avez eu la bonne idée d’adhérer à la SACEM et que vous faites une demande de pressage pour votre CD avec vos chansons, vous vous retrouvez à payer des droits de reproduction sur votre propre CD … En musique libre, votre demande sera examinée sous quinzaine et si tout est correct, on vous demandera la modique somme de 0 euros pour avoir le droit de presser votre CD.
le site de la SDRM

 


Ébauche à compléter…
Sources :
le post de Dana sur Dogmazic
www.lachips.propagande.org (lien archivé)

Qu’est-ce que la musique libre ?

Qu’est-ce que la Musique Libre ?

On appelle Musique Libre l’ensemble de la musique sous licence de libre diffusion, c’est-à-dire l’ensemble des morceaux, compositions et enregistrements pour lesquels les auteurs et interprètes ont accordé au public un droit d’échange, de partage et de rediffusion.

(Extrait de Une histoire de mots : culture libre et libre diffusion)

Concrètement, il s’agit de musiciens, dans tous les genres et styles possibles, qui distribuent leurs œuvres selon les termes de « licences » (licences libres, licences de libre diffusion ou licences ouvertes). Ces licences sont des contrats de diffusion, passés entre le ou les auteurs et l’auditeur. Grâce à ces contrats, le ou les auteurs accordent à l’auditeur un certain nombre de libertés, dont la plus basique est la possibilité de rediffuser l’œuvre sans accord spécifique – entre autres pour en faire une copie pour des amis, ou même pour de parfaits inconnus, via des webradios par exemple – dans un cadre non commercial. Une seule restriction : la nouvelle diffusion doit se faire sous la même licence.

Quel intérêt pour le mélomane ?

  • Le mélomane accède à une base de données de titres légalement et librement disponibles.
  • Le mélomane a la certitude de n’enfreindre aucune loi sur le droit d’auteur.
  • Le mélomane découvre des artistes originaux qui n’auraient pas été lancés par une industrie de plus en plus frileuse.
  • Le mélomane sait qu’une majeure partie (ou la totalité) des recettes est destinée à l’artiste.
Attention : La musique libre n’est en aucun cas de la musique « libre de droits », car les auteurs de musique libre conservent certains droits (notamment moral) et en accordent d’autres au public, diffuseurs, etc., et cela qu’elle que soit leur licence ouverte.

Pour en savoir plus

Référez-vous à notre Guide de la Musique Libre.

Musiques Libres : échange avec Rico Da Halvarez

Posté par . Édité par Benoît Sibaud, baud123 et Florent Zara. Modéré par j.
Culture

Rico da Halvarez est le fondateur de Dogmazic Musique-Libre, il a participé ou participe au groupe Loubia Dobb System et Tsunami Wazahari. Biographie partielle.

Jérémie Nestel est membre du collectif Libre Accès, il a été rédacteur en chef du livre La bataille Hadopi, il a fondé différentes radios web sociales, il mène différentes collaborations avec Joseph Paris, Bituur Esztreym, Michele Magema, Hervé Breuil…

Jérémie Nestel : Comment en es-tu venu à faire de la musique libre ?

Rico Da Halvarez : C’est pas si simple…
En 1993, nous fondâmes avec quelques potes le collectif v.n.a.t.r.c.?. À cette époque, musicien (bassiste), plasticien, étudiant en philo révolté par la prolifération d’une certaine forme d’art conceptuel pour le moins inepte et hermétique, je sympathisai avec des étudiants aux beaux arts de Bordeaux, ma ville natale, motivés comme moi pour réagir, mais « narquoisement » à ce fléau muséal, et le bouter hors des froments (sic).

Ce que je retiens surtout de cette époque, c’est la pratique d’un art en liberté, manifestement collaboratif, soucieux de la pierraille (sic), décomplexé, très prolixe et un zeste ironique.

Pour en savoir plus sur les péripéties et facéties de v.n.a.t.r.c.?, je vous propose d’aller jeter un coup d’œil à la biographie (1993 – 2004) du collectif. On pourra aussi se référer à notre « bible-manifeste », le « de catenae legendae labyrinthorum artis i-machinantis », ainsi qu’à l’e.l.s.a., véritable fondement de notre interprétation du droit de l’auteur.

NdA : cet article est sous licence Art Libre.

Rico Da Halvarez - licence Art Libre

Ce sont les arts plastiques qui m’attirèrent vers le web, le web se chargea de me propulser vers le libre. Notre pratique de la co-création, notre refus de la sacralisation en art© sont facilement identifiables comme des prémisses de mon engagement pour un art libre. Utiliser une toile de Rembrandt comme planche à repasser (l’idée du ready-made inversé du Duchamp) ou utiliser un ready-made de Duchamp comme pissotière, c’est super poilant, ça permet de comprendre ce qui cloche avec l’art.

En 1998, j’installe une distribution yellowdog linux sur mon imac.
J’avais commencé à m’intéresser à linux via des articles et des sites web, mais cela ne suffisait pas, il fallait que je teste la bête !
Ce fut une véritable révélation! J’aimais beaucoup aller sur les forums pour tenter de comprendre et (éventuellement) résoudre les problèmes techniques, notamment de périphériques – fort nombreux à l’époque il faut le dire 😉

Je découvris une communauté dynamique et généreuse. Grâce à l’aide précieuse de quelques geeks patients, je progressai dans le cambouis de la machine et en découvris quelques méandres.

Grâce au logiciel libre, il était désormais possible de comprendre les mécanismes les plus subtils de l’informatique, jadis réservés à une petite élite de programmeurs. Même si je ne me destinais pas à cette carrière, ma curiosité l’emportait, ce qui me valut de nombreuses frayeurs !

Cette même année, l’administration plastique v.n.a.t.r.c.? fût quelque peu mise en sommeil suite à une grosse expo à Limoges, terriblement chronophage. Il y eut aussi le départ de deux de ses membres fondateurs, happés par d’autres projets artistiques.

Mon frère et moi décidâmes d’investir dans du matériel musical pro, avec comme dessein de créer des morceaux d’electro-dub. Ainsi naquit « Loubia Dobb System » (1998-2003). Pour des compos plus personnelles, j’officie toujours sous le nom d’« exorciste de style ». On peut écouter et télécharger cette production musicale Loubia Dobb System et Exorciste de style.

À cette époque, le parcours habituel du compositeur était inévitablement une inscription à la SACEM après quelques diffusions de la musique dans des lieux ou des radios. Nous n’échappâmes pas à la règle, nous inscrivîmes mon frère et moi à la SACEM en 1999.

Cette même année, j’entrepris de numériser tous les documents produits par v.n.a.t.r.c ? (textes, images, photos), afin de créer un site web rassemblant ces archives. Conservé dans son état initial comme dans de la naphtaline, il est visible ici. En 2000, rejoint par bituur esztreym (membre du collectif depuis 1997), nous nous lançâmes dans le net-art, dont vnatrc.net est le nœud central.

La pratique quotidienne de linux aidant, je fus amené à lire attentivement la GPL. Ce fut le tilt : pourquoi ne pas diffuser de la musique de cette manière ?

Le milieu de la musique, je le trouvais (je le trouve toujours) corrompu, pyramidal, basé sur la concurrence des artistes, standardisé, mercantile, en quelque sorte confiné aux antipodes de ce que je percevais dans la philosophie du logiciel libre, et de l’histoire de la Musique.

Je décidais donc de m’investir dans la musique libre, afin de porter la voix des exclus du système oligarchique de l’industrie de la musique – exclus, dont je faisais et fais toujours partie, à ma plus grande satisfaction.

Mais comment faire pour faire bouger les lignes, utiliser des armes légales ? Il fallait commencer à s’organiser pour faire face aux premières lois réprimant le partage, toutes ces lois censées protéger le droit d’auteur, pour au final avantager certains lobbys du secteur du divertissement. Les licences libres étaient la réponse pertinente, elles le demeurent : rendre légal le partage de la musique, avec le consentement de l’auteur, c’est juste du bon sens. Dix ans plus tard, bon-gré mal gré, les lignes n’ont toujours pas bougé. Beaucoup reste à entreprendre pour que le partage s’impose d’évidence comme la norme des normes dans les échanges culturels.

L’année suivante, en 2000, coup de bol, les premières RMLL eurent lieu à Bordeaux, dans les locaux de l’ENSEIRB. J’avais en tête l’idée d’une GPL pour la musique. Je pris mon courage à deux mains, et abordai RMS à la sortie de sa maintenant légendaire conférence en français. Je lui demandai alors ce qu’il pensais d’une GPL appliquée à la musique, ce à quoi il répondit – « ce n’est pas pareil » [musique et logiciel]. Puis il m’informa de l’existence d’un projet similaire soutenu par la FSF, en cours de réflexion aux États-Unis. Il me pria de lui indiquer mon adresse mail afin qu’il puisse me mettre en relation avec Ram Samudrala et James Ensor, les deux instigateurs du projet, accompagnés d’un juriste, Lawrence Lessig.

Le lendemain de notre brève discussion, je reçus un mail de rms, et je rejoignais le groupe de réflexion qui allait l’année suivante aboutir à la Free Music Public licence (draft actuel).

Notons au passage que la FMPL ne fut pas achevée, suite au départ de Lawrence Lessig, qui fit le choix de créer les Creative Commons plutôt que de parachever cette licence.

Afin de communiquer en français sur le projet FMPL, je créai en 2001 le site http://musique-libre.com. C’est ainsi que progressivement des rencontres se nouèrent entre les membres de la communauté naissante de l’Art Libre, notamment la foisonnante copyleft attitude.

En 2004, sentant la communauté de la musique libre s’élargir, nous créâmes l’association « Musique Libre ! » son site, ses archives musicales : l’actuel http://dogmazic.net/.

Les années suivantes furent riches en projets, je suis fier d’avoir contribué très activement à certains d’entre eux :

  • la plate-forme de vente Pragmazic, initiative de trois membres de l’association, fut lancée en 2006, (projet abandonné en 2009 faute de rentabilité),
  • la première borne automazic, entièrement conçue par des membres de l’association fut inaugurée en 2007 à la médiathèque de Gradignan. Ça continue sur http://www.pragmazic.net/ ,
  • L’association Libre Accès et le festival des arts libres furent créés en 2008.
  • 2008, ce fut aussi la première édition du festival Artischaud à Lyon http://artischaud.org.

En 2003, v.n.a.t.r.c.? est invité par PERAV’PROD dans le cadre de leur exposition au CAPC de Bordeaux. Belle occasion de créer des installations libres utilisant du logiciel libre. Il est rare que l’art libre pénètre les musées, nous en profitâmes donc pour marquer les esprits avec nos YA*T, logiciels aléatoires publiés en GPL http://www.vnatrc.net/YAST/YAPA2k5T/

Ces œuvres libres donnèrent naissance à un groupe musical diffusant sous LAL, le groupe ALÉATOIRE, qui sévit à Bordeaux et ailleurs entre 2003 et 2005, et dont je fus le bassiste.

Convaincu par la pratique du libre en matière d’art, il me fallut réparer une erreur de jeunesse. Il fallait que je démissionne de la SACEM, si je voulais diffuser toute ma musique sous une licence libre. Cette expérience, conjuguée à celle d’autres démissionnaires fit surgir sur la toile feu quitterlasacem.info dont les archives sont visibles.

Après 10 ans de bons et loyaux services pour l’association « Musique Libre ! », je me consacre désormais plus particulièrement à des projets musicaux. La musique libre m’a récemment permis de voyager au Mexique, en Allemagne, Autriche, Slovénie, Croatie à l’occasion de concerts avec Tsunami Wazahari, que j’ai rencontré par l’intermédiaire de dogmazic, il y a 7 ans.

Rico Da Halvarez - licence Art Libre

Grâce à la libre circulation des œuvres sur Internet, le contact s’est établi bien au-delà des frontières de la France, le public a souvent été au rendez-vous, et l’on peut dire qu’on s’est bien marré 😉

Voilà (entre autres) pourquoi je continuerai à publier mes œuvres sous une licence libre, voilà pourquoi je suis persuadé que la libre circulation, utilisation, modification de l’original, c’est du bon sens appliqué aux œuvres d’art. Je suis persuadé que partage sera la norme de la société qui arrive. Le droit d’auteur serait-il vraiment en voie d’extinction ? Tout se jouera dans les années qui viennent. Le libre aura un rôle crucial lorsqu’il s’agira de transmettre les productions de notre temps aux générations futures. À contrario, ce qui aura été cadenassé au XXIe siècle, est-il certain que l’on en retrouve la clé quelques siècles plus tard ? Je ne le pense pas.

Si l’on songe à donner une chance de pérennité aux œuvres produites par les créateurs de notre époque, et des époques qui suivront, le libre s’impose tout naturellement comme la panacée.

Jérémie Nestel : J’aimerais que tu reviennes sur l’histoire de la Free Music Public licence et de la création des licences creative commons, peux tu nous en dire plus ? Pourquoi le projet n’a pas abouti ? Penses-tu que cela aurait été plus adapté pour la musique que les licences Creatives Commons ?

Rico Da Halvarez : Initialement, le projet de la Free Music Public licence est né de la collaboration entre deux étudiants de l’université californienne de Berkeley, Ram Samudrala et James Ensor, tous deux musiciens. J’ai raconté dans la première partie de cet entretien comment nous nous sommes contactés.

Suite à des échanges par email, nous réfléchîmes à la forme que devait prendre cette licence, en tenant compte des différences entre le métier de musicien et celui de programmeur.

Ainsi, une première ébauche du texte de la licence vit le jour en 2001, rédigée en grande partie par James Ensor. À l’étape suivante, cette ébauche devait être validée juridiquement par Lawrence Lessig, mais celui-ci n’effectua pas ce travail, j’en ignore la raison. Peut-être faudrait-il lui poser directement la question ?

Toujours est-il que la même année, l’EFF lança sa propre licence OAL (Open Audio licence 1.0, remplacée par la suite par la CC by-sa), il y a eu aussi les OML, très proches du modèle Creative Commons, et l’année suivante, les premières Creative Commons (version 1.0) apparurent. Bref, une sorte de surenchère de licences

La caractéristique principale de la FMPL reste qu’elle est une licence créée par des musiciens, pour des musiciens. Est-ce pour autant qu’elle serait plus adaptée à la musique que les Creative Commons ? Je ne puis affirmer cela, notamment par rapport à sa faiblesse juridique.

Si on regarde les clauses de la licence, elle correspond grosso modo à une Creative Commons by-nc-sa (paternité-pas d’utilisation commerciale-partage des conditions initiales à l’identique).

Il est amusant de noter que cette licence, que l’on ne saurait qualifier de copyleft, est soutenue par la FSF : « ce n’est pas pareil » cela doit être ça 😉

Jérémie Nestel : Crois tu que l’on peut définir la musique libre par le choix d’une licence ? Au final avec Lessig on voit que les juristes marquent le pas sur les artistes dans les choix de numérisation de leurs œuvres ?

Avant tout de la musique, rien que de la musique 😉

Le choix d’une licence n’est en rien le cadet des soucis d’un auteur et/ou compositeur. Mais cela n’est pas une raison valable pour accepter de se laisser avoir par un système qui pense la musique en terme de moyen quantifiable, en exploitant ceux qui sont les plus doués pour créer des œuvres-marchandise, tout en mettant sur le pavé ceux, tous aussi doués qui ne partagent pas cette idéologie – car c’en est bien une – et construisent en dehors des schèmes stylistiques à la mode, dans l’indifférence logique de leurs contemporains, qui ne les connaissent pas puisqu’ils ne sont pas diffusés, à part dans les recoins du web.

Ce n’est pas parce que je suis un gauchiste, que je m’insurge contre ce système ! Tout système est forcément injuste : aucun ne convient à tout le monde, celui de la musique n’échappe pas à la règle.

Ceci posé, et c’est sans doute bien caricatural et partisan – j’en conviens – on en déduit aisément que le choix d’une licence n’a, selon moi, aucun rapport avec le fait de créer de la musique, de même qu’à mon sens, il est tout à fait ridicule de conditionner la création de quoique ce soit à une quelconque élévation matérielle, sociale. Créer est une nécessité, une idée fixe qui se situe au delà de tout besoin, même vital.

Tout au plus il convient à un adepte sincère de cet art abstrait qu’est la musique d’ouvrir parfois son cerveau et ses oreilles à des considérations juridiques, même absconses, s’il ne souhaite pas se faire embobiner par les sirènes cyniques de l’art comme marchandise, que je ne cesse de dénoncer depuis près de 20 ans.

Que ceux qui ont vocation à créer des litanies pour des fromages ou des rasoirs jetables, que ceux qui rêvent de devenir des stars, passent leur chemin, la suite ne sera pas meilleure pour eux que mon introduction !

Pratiquer cet art, tout comme les autres, c’est difficile, indélébile, addictif, nocif pour soi et son entourage. C’est exigeant, éprouvant, mais contingent. Il est impossible de pratiquer sincèrement si l’on attend un quelconque intérêt matériel en échange des efforts que l’on fait.

Rico Da Halvarez - licence Art Libre

Cette praxis n’a non plus aucun rapport avec le droit, la loi, puisque l’art incite rarement celui qui pratique à un rapport équilibré, stable, avec la société. Bien au contraire, c’est le meilleur moyen de se retrouver seul, alcoolique, drogué, ou en prison pour avoir trop bousculé l’ordre établi, heurté ces « braves gens » qui « n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux », et Brassens en savait quelque chose !

Sade a passé 40 ans en prison, Oscar Wilde, Victor Hugo, Courbet… la liste est longue de ces grands Produits de Luxe ayant fréquenté les cellules, ayant été contraints à l’exil, ou ruinés par les conséquences de leur engagement politique.

Peu importe l’interprétation, c’est surtout dans la longévité que l’on se rend compte qu’on a faim de musique ou de tout autre art comme dans la vraie vie on a faim de nourriture. Et lorsque cet état de fait devient irréversible, peu de choix sont à disposition : continuer coûte que coûte, ou arrêter définitivement.

De tous temps, les mêmes obstacles se sont dressés devant quiconque a manifesté le symptôme irréversible du besoin de créer. Cela se produit depuis que la musique existe, nonobstant quelques notoires exceptions, mais aucun obstacle n’a empêché l’art de s’exprimer. Nietzsche disait que l’artiste au fond ne demandait rien de plus que « du pain et son art ». Alors que dire de tous ces capricieuses vedettes, qui occupent la place médiatique ? Sont-ce des artistes, ou bien des ersatz ?

Les considérations juridiques, on s’en moque généralement quand on a des mélodies, des harmonies en tête, ce n’est pas un tort, c’est une raison valable.

Les licences libres sont des outils, les juristes ont bien le droit de tenter d’aider des artistes à diffuser leurs œuvres conformément à leurs opinions philosophiques ou politiques. Ce sont des outils d’autonomie, tout à fait à leur place dans un système culturel (en France tout au moins) basé sur la tutelle, car partant du principe que les artistes sont incapables de se prendre en main. C’est sous ces angles notamment, que les licences libres m’ont séduit, et sans doute aussi parce que je cumule une formation philosophique et une carrière musicale…

Dire que les juristes marqueraient le pas sur les artistes dans leurs choix de diffusion numérique me paraît quelque peu exagéré. Le sentiment que j’ai cependant, c’est que beaucoup trop de ceux qui s’arrogent le droit de parler de « création », d’« art », de « culture », n’ont aucune compétence dans ce domaine, de même que l’écrasante majorité des artistes n’a aucune compétence en droit d’auteur. Mais au moins, les artistes, il est rare qu’ils se lancent dans des diatribes sur ces sujets !

Les enjeux des licences libres sont cruciaux pour la circulation et la conservation durable de notre patrimoine. Le droit d’auteur classique est de plus en plus un droit privateur de libertés fondamentales. Il est primordial de sensibiliser ceux qui ont une pratique artistique à ces enjeux, ne serait-ce que pour les reconnecter avec le public, mais il faudrait vraiment arrêter de décider à leur place!

Jérémie Nestel : Comment abordes-tu le revenu des auteurs dans la musique libre ? Es-tu en adéquation avec ceux qui pensent (thinktank altaïr pro hadopi) que : « un artiste a autour de lui un manager ou agent, un producteur de spectacle (ou « tourneur »), un producteur discographique et un éditeur musical, chacun gérant avec lui une part de son projet artistique, en compagnie de nombreux professionnels spécialisés » ?

Rico Da Halvarez : RÉMUNÉRER, le « Mettre-mot » (sic)…

S’il y a quelque chose qui m’insupporte bigrement c’est ce terme, servi à toutes les sauces, jusqu’à l’overdose…

Parler de rémunération, c’est à mon avis mettre la charrue avant les bœufs.

Avant de songer à rémunérer les musiciens, je pense qu’il faudrait juste améliorer leurs conditions de travail. Et il y a du boulot !

Dans les musiques amplifiées notamment, ce sont toujours les mêmes galères pour trouver des locaux de répétitions, et surtout se produire dans de bonnes conditions.

Jouer dans des bars, sans aucune garantie, et ne rien recevoir en échange est le lot commun. La musique comme tous les arts, cela ne demande rien d’autre que de la reconnaissance, de la gratification. La rémunération, c’est une étape que la plupart ne connaissent jamais.

Ajoutons à cela la quasi impossibilité pour le plus grand nombre de ceux qui produisent des titres, des albums, d’accéder aux canaux de diffusion traditionnels (radio et télévision notamment), et donc au grand public. C’est un frein supplémentaire à toute espérance de rémunération. Qui ira acheter le disque ou les fichiers de cet inconnu ?

Commençons-donc par régler ces problèmes avant de songer à comment rémunérer (équitablement tant qu’à faire). Et puis rémunérer qui ? Sur quels critères ? On tourne en rond depuis trop longtemps, et on remet sur le tapis l’éternel et insoluble débat professionnels versus amateurs. Un bon professionnel c’est un amateur qui a eu les moyens de s’exprimer.

RÉ-MU-NÉ-RER, ce n’est pas ce qui permet de se réaliser, ce n’est pas un but artistique en soi, ce n’est pas vital pour un artiste, c’est juste l’infiniment rare conséquence d’une carrière artistique.

Quant à l’entourage de ces frêles baladins sous tutelle depuis si longtemps, qu’ils attendent patiemment dans leur caverne… autant qu’ils ne soient pas véreux, c’est possible mais rare 😉

Ce qui leur faut c’est avant tout des facilitateurs de répétitions, d’enregistrements studio, des salles de concerts accueillantes et adaptées, et bien sûr l’indispensable public qui va avec. Un tourneur ? Un label ? Pourquoi pas, il y en a de très bons, notamment dans le milieu associatif. Et pour ceux qui veulent écraser tous les autres, il reste toujours l’option de la maison de disques. Juste une question de philosophie…

Je me méfie des professionnels du « marché ». Transposée à la musique, la spéculation, c’est aussi joli que dans l’industrie pharmaceutique (en moins lucratif).

Autant en avoir le moins possible d’intermédiaires dans son entourage, cela devrait être une règle d’or. À chaque groupe de trouver les « bons », ou de s’en passer carrément. C’est ça la liberté, non ?

De nombreuses associations se battent pour faire ce travail, mais notre bel État a généralement l’habitude de considérer que cela n’est pas dans le droit chemin de l’art comme marchandise exportable à l’étranger sous la forme du « luxe français ».

En soutenant activement les associations qui permettent aux musiciens de travailler et de survivre (salles de répétition, studios, petites salles de spectacles), en ouvrant les portes des innombrables salles municipales à des organisations de concerts, l’exécutif ferait juste son travail de promoteur de la diversité culturelle.

Jusqu’ici, on le sait, c’est comme avec les banques, on aide les « gros » en (se) persuadant qu’il y aura de bonnes retombées pour les « petits ». C’est tout le contraire qu’il faut faire !

Jérémie Nestel : Trois idées pour faire avancer la Musique Libre, et peux-tu conseiller des groupes de Musique Libre que tu souhaiterais faire découvrir

Rico Da Halvarez : Pour une fois, je vais faire concis, quoique… 🙂

Idée n°1 : répertorier tous les artistes qui diffusent de cette façon, ainsi répertorier toutes les œuvres de musique libre existantes. Il me semble qu’un service public comme le Ministère de la Culture pourrait s’en charger, ou bien missionner une ou des structures de la société civile pour accomplir ce travail.

Idée n° 2 : C’est une idée que j’ai déjà exprimée dans « la bataille HADOPI ». Je plaide pour une loi sur la diversité culturelle. Dans son fonctionnement, il s’agirait d’une liste tenue à jour de toutes les productions phonographiques (matérialisées ou non) produites sur le territoire français, hors majors du disque (inutile de lister ce qui inonde déjà les radios et télés).
Cette liste serait adressée (mensuellement ? Trimestriellement ? Annuellement ? cela reste à décider) à tous les diffuseurs (radios, télés, supermarchés…) travaillant sur le territoire. Les diffuseurs devraient obligatoirement choisir dans cette liste un volume de titres à programmer représentant un quota (à définir) d’œuvres produites hors circuit industriel.

Idée n°3 : C’est la même que la précédente, mais appliquée aux salles de spectacles, notamment les SMAC (scènes de musiques actuelles). Je rappelle au passage que lorsque j’étais actif dans l’asso « Musique Libre ! », nous avions mis au point un programme des œuvres sous licences ouvertes, destiné à permettre un versement direct des droits, sans passer par la SACEM, qui n’a pas à percevoir dans ces cas-là. Il faut absolument diffuser largement ce programme.

Il y aurait bien d’autres choses à faire, mais il faut bien qu’on en finisse avec ce long entretien. Merci aux lecteurs qui lisent cette ligne d’avoir eu la patience de lire celles qui précèdent, et merci à Jérémie pour son art maïeutique avancé.

Des groupes de musique libre, il y en a tant que j’inviterai le public à les découvrir partout sur le web et sur les réseaux pair à pair. Allez jeter par exemple un coup d’oreille à un site comme freemusicarchive.org/, pour vous faire une idée de la qualité et de la diversité. Une liste des netlabels est disponible sur archive.org/details/netlabels