Libres Sessions au galop!

Dans « Nous sommes Tous Tourneurs » (in Godon, c’est l’histoire d’un groupe…), nous mettions en parallèle un certain nombre de pratiques d’usages dans les circuits « professionnels » du spectacle vivant, avec ce que pourraient, ou devraient être, ces mêmes pratiques, nécessaires, dans le cadre du spectacle vivant libéré, autrement dit, « libéré de ses vieux carcans et démons, issus pour la plupart de la très ancienne notion de « privilège ».

Le cadre était, dans cet exposé, probablement trop synthétique, sur le vif, pour que l’on saisisse bien la portée véritable de ces petites choses sur la réussite d’un événement, à tous les points de vue. Cette promenade du groupe Godon à Marseille et Bordeaux donne une occasion rêvée d’aborder ces aspects pratiques sous l’angle … pratique!

La Marche Des Réseaux

La Libre Diffusion, ce sont d’abord des réseaux. Les réseaux, ce sont des gens qui se parlent, d’une manière ou d’une autre. Et qui s’écoutent, dans la mesure du possible. Le fait d’aller sur le terrain permet de prendre la température des réseaux. Celle-ci n’est pas optimale.

Elle se rapproche, en termes de degré d’ouverture, nécessaire voire indispensable, de celle de la scène « traditionnelle ».

Voici un exemple:

Lors de l’organisation d’une mini tournée d’une dizaine de dates en France, opération bénéficiant de moultes financements divers et variés (Europe, Région, Département, Ville, etc), le responsable de la salle à l’origine du projet comptait sur un réseau bien implanté en France, la Fédurock, qu’il pensait connaître; il pensait sincèrement que son enthousiasme, les groupes sélectionnés et sa volonté personnelle d’ouverture suffiraient. mais cela ne se passe pas comme cela lorsqu’on a affaire à des réseaux fermés. ce sont des Intranets Humains, sans machine. le mot de passe, c’est connaître une personne bien vue, fréquenter un lieu de diffusion jusqu’à la nausée pour espérer y jouer un jour, le mot de passe c’est aussi, et malheureusement, faire une musique qui plaît à l’organisateur en chef, ou le responsable du moment. Bref. Les tourneurs se parlent entre eux, les salles demandent les catalogues des tourneurs, et tout se passe le plus simplement du monde, sur le modèle achat/vente de spectacles clés en main. Il n’y a pas de direction artistique, il y a des produits, et des lieux pour les exploiter, point.

Voyez par exemple le degré d’ouverture du réseau des centrales d’achat de la grande distribution. C’est un modèle de fermeture. Les réseaux de la diffusion en sont un autre.

Maintenant, la question se pose: la libre diffusion doit-elle uniquement essayer de reproduire le modèle existant, ou bien y-a-t-il autre chose à faire? Cette question est naïve à dessein, car de la simplicité peut jaillir l’étincelle, la réponse évidente: il y a bien autre chose à faire.

    À l’image de ce qui a lieu sur internet, les réseaux existants doivent, dans la plus grande transparence, se connecter entre eux, sans limites de styles, d’emplacements géographiques, de démarche (association, structure commerciale, particulier, etc.) et encore moins d’idéologies. De l’opacité à la transparence, du clan à la communauté, voilà l’étendue du travail. Travail de compilation, de signalisation et de « marquage », hors des sentiers battus et rebattus de l’Officiel de la Musique, et autres pseudo-bibles.

Par « Réseaux Existants », il faut entendre « Réseaux de la Libre Diffusion actuellement en activité ». Une des nombreuses tentatives visant à étendre l’interconnexion et donc l’ouverture des réseaux est UnisSon. UnisSon est un wiki, ayant pour vocation de faciliter l’organisation d’évènements libérés, et de compiler et de connecter les réseaux existants. C’est un outil, et d’autres se développent tout aussi efficacement. Mais cela ne suffit pas, parce que les espaces de travail collaboratif, là où nous en sommes, impliquent presque toujours une composante technique, qu’il s’agisse d’une interface, d’un processus de GED, de Workflow, de publication, etc. Et de nombreuses personnes, travaillant sur des réseaux très actifs, ont besoin de s’exprimer autrement, et de préférence de vive voix. Mais du fait du mode de communication totalement décentralisé qu’est internet, des distances géographiques non négligeables doivent être franchies, pour parler!!

Proposition

Création de la « Conférence Permanente de la Libre Diffusion »

Je propose la création d’un arbre à palabres permanent, autour duquel tout un chacun, à tout moment, peut prendre la parole. des Conférences permanentes Régulières devraient être organisées, de manière à ce que les noyaux des réseaux les plus actifs se parlent au moins une fois par semaine, de vive voix. C’est informel, imprécis, c’est nulle part. Et c’est partout. Concrètement, de nombreux outils existent, permettant de mettre en place des conférences en ligne. C’est un rendez-vous, lors duquel chacun chacune s’exprime par la voix. Et chacun écoute, puis s’exprime. Il doit y avoir une bonne régularité, c’est la seule condition. Et de la discipline, pour parler à tour de rôle, dans la dignité et la transparence.

On Ze Route Aguaine

Sur le forum de Godon.org, des discussions ont commencé autour de l’optimisation des transports.

Voici un exemple, incluant les coûts réels de déplacement:
Le groupe Godon doit se rendre à Marseille pour deux concerts, puis à Bordeaux, sur trois jours consécutifs. Jusqu’au dernier moment, l’équipe a réfléchi à de nombreuses solutions de transport, dont aucune n’est finalement satisfaisante, ou simplement réalisable. Voici comment les choses se sont passées concrètement:

  • deux personnes brive / Bordeaux en Car puis TER: 50,00 euros
  • trois couchettes Bordeaux / Marseille TEOZ LUNEA: 45,00 euros
  • Une personne retour en train Marseille / Bordeaux, 57,00 euros
  • quatre personnes en voiture, un plein de gasoil 50,00 euros
  • retour à Brive TER + Car 70,00 euros

C’est une solution hybride, qui est revenue en tout à 272 euros aller retour pour cinq personnes. Au final, le groupe a vendu 2 DVD, et reçu en partage d’entrées du dernier lieu 110 euros, ce qui fait 130 euros au total. le groupe est finalement dedans de 142 euros. ce qui, au vu de déplacements précédents, n’est pas le plus mauvais résultat connu à ce jour! Nous faisons un effort de focalisation volontaire sur des aspects de coûts et de solutions de transports, pour les besoins de l’exposé. Il est heureusement impossible de chiffrer l’immense joie qu’il y a à retrouver des amis devenus pour certains des proches!

Cependant, dans le cadre d’une étude plus large, et plus pertinente probablement, sur les pratiques de la scène des musiques actuelles en général, ceci permettrait de dégager des indicateurs pertinents, notamment sur la façon dont les musiciens n’ont pas d’autres choix que de faire correspondre les déplacements personnels avec les déplacements professionnels.

La solution de transport la moins chère, si l’on écarte les coûts d’achat initiaux, reste la camionnette aménagée, permettant de trimballer le personnel et le matériel sur de grandes distances. Ce n’est pas une solution satisfaisante, car c’est une solution « diesel » extrêmement peu respectueuse de l’air, qui ne s’inscrit pas dans une écologie de moyens devenues cruciales.

Le groupe Godon mène une veille constante sur les avancées technologiques en matière de moyens de transports propres. une des solutions à l’étude est un modèle de camionnette à air comprimé, fabriquée par MDI, dont le président, Guy Nègre, vient de signer un gros contrat de licence industrielle avec TATA MOTORS, premier fabriquant d’automobiles aux Indes. cette technologie, très propre, et très avantageuse, reviendra en France bientôt, sous la pression écologique mondiale contemporaine. Nous resterons à l’affût, et pensons que l’adoption d’un tel moyen de transport par un groupe libre en tournée constitue un support de communication de choix pour l’ensemble des réseaux.

Festoyons!

Proposition

Renseigner, qu’il s’agisse d’UnisSon ou d’un autre espace de travail collaboratif, précisément, et à l’avance, les lieux et horaires de rendez-vous, ainsi que les lieux de festoiement.

Ceci peut paraître trivial, mais c’est pourtant d’une importance primordiale. Tourner, objectivement, quelles que soient les conditions, est fatigant. Il ne s’agit pas de se plaindre, mais de pointer le fait que certaines contraintes sont incontournables, et qu’un minimum de prise en charge à l’avance de ces questions, facilite grandement le bon déroulement de l’évènement. En effet, ces détails une fois réglés, il est possible de répondre de manière optimale aux soucis de dernière minute, qui ne manquent jamais d’arriver! De plus, l’effort à fournir pour fixer à l’avance ces aspects n’est pas parmi les plus importants.

Ceci dit, je signale à titre personnel, qu’à tous les points de vue, tous les accueils Libres sont largement au-dessus de tout ce que nous avons pu connaître dans les « sphères pro ».

Et Jouons!

Le coeur de l’évènement, lorsqu’on parle de diffusion et de spectacle vivant, c’est le lieu de diffusion proprement dit. rappelons qu’ils sont un des maillons essentiels des réseaux fermés dont nous parlions plus haut.

Lorsqu’il s’agit de salles de concert bien implantées, historiques ou non, SMAC ou pas, la pression de la rentabilité conditionne la survie du lieu. Les aspects politiques, eux aussi intimement liés, ne sont pas abordées ici, cela déborderait du cadre fixé, qui concerne les aspects pratiques.

Il faut signaler le remarquable travail effectué à Marseille par Christophe et RsR, et à Bordeaux par l’équipe Dogmazik. Le comportement du Balthazar, pour ne pas le nommer, après coup, ne devrait pas, raisonnablement, être de nature à déstabiliser, voire à annuler tant de mois d’efforts et de persévérance. Il est un fait qu’en entrant dans ces lieux, la libre diffusion se heurte à des pratiques, des comportements, des ambiances fermement implantées, qu’il ne serait pas raisonnable, pour le coup, de vouloir remettre en cause, pour la bonne et simple raison que la gestion proprement dite de ces lieux ne nous concerne pas.

Voici deux propositions complètes concernant la diffusion proprement dite de la musique vivante libérée:

Propositions

  1. Les Lieux En Place
    1. Continuer de travailler sur les lieux de diffusion en place, en faisant abstraction des divers modes de gestion correspondants.
    2. Créer des évènements suffisamment amples et « envahissants » pour que la présence du public encourage les programmateurs à renouveler les opérations.
    3. Préférer, à chaque fois que cela est possible, la coproduction avec le lieu.
  2. Décentraliser

Il est frappant de constater à quel point les évènements organisées dans la ruralité peuvent drainer de nombreux spectateurs enthousiastes! Cela encourage à essayer de sortir des villes. De nombreux réseaux, ouverts par définition, attendent en quelque sorte, que de tels évènements engagés et plein de sens soient organisés avec leurs concours. Citons par exemple le réseau des municipalités rejetant les OGM sur leurs territoires, ou encore des collaborations ne pourraient-elles pas (ou ne devraient-elles pas) être entreprises entre les manifestations autour des logiciels libres et la libre diffusion, à une échelle de réalisation un peu moins confidentielle que ce que nous avons pu voir jusqu’à présent?

L’imagination de chacun est la seule limite. Parlons, échangeons, et réalisons!

Ces propositions contiennent à notre humble avis la solution d’un problème récurrent: comment faire savoir au public que s’il ne vient pas, il rate quelque chose. Comment s’assurer de la présence du public?

En parlant régulièrement, l’organisation devient irréprochable. Lorsque l’organisation est irréprochable, les lieux accueillant les évènements ne peuvent pas faire autrement que de se frotter les mains. Mais ce n’est pas une raison suffisante de ne pas aller vers ceux et celles, très nombreux, qui n’habitent plus les villes depuis longtemps.

Mes Deux Centimes, comme d’habitude…

Dogood, le 25 février 2007, à Mailher

Note: ce document constitue la suite de Godon, c’est l’histoire d’un groupe…, transmis au CSPLA fin 2006, dans le cadre d’un audit mené par la Commission chargée de rendre un rapport sur les contrats de mise à disposition, les nouveaux usages en matière de diffusion ouverte, internet, etc.

Rappel: Ces documents n’ont pas d’autre ambition que de contribuer au patrimoine commun des retours d’expériences qui peuvent servir à d’autres, et ainsi de suite. Il n’y a pas ici de volonté de créer un quelconque « standard » ou « méthode ». Encore moins de remettre en cause les compétences et expériences des uns et des autres. Juste Que Vive Le Grand Bazar! Néanmoins, quelques propositions concrètes, pouvant appeler débats et réalisations, sont proposées ci-dessus.

PS: À vous qui passez par là, et qui lisez ceci, vos palabres (commentaires) sont les concerts de demain.

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