La médiathèque de Gradignan propose depuis le 1er novembre 2009 l’écoute et le téléchargement d’artistes défendus par des labels indépendants via un marché public qu’elle a conclu avec la plateforme CD1D. Cette expérimentation ayant l’air de susciter de nombreux débats nous avons souhaité vous exposer et vous expliquer notre démarche.
Nous avons depuis novembre 2007 la borne Automazic. Nous avons été la première médiathèque en France à acquérir cette borne et à mettre en avant la musique libre.
A l’époque notre démarche était déjà la suivante : «Soutenir la création indépendante c’est préserver la diversité musicale». Nous avons toujours défendu la musique libre et souhaité la faire découvrir à nos usagers car elle représente un pan de la création musicale peu visible dans les mass-médias et quasiment absente des médiathèques (à l’exception de quelques rares médiathèques en France qui mettent par exemple en avant le site de Dogmazic dans des sélections de sites dédiés à la musique)
Notre intérêt pour la musique libre découlait aussi du travail mené par la médiathèque depuis son ouverture. A Gradignan nous avons en effet mené un travail autour du libre sous toutes ses formes (la littérature, la photographie, la musique…)
En tant établissement culturel public nous souhaitons être les représentants de tous les courants musicaux passés sous silence, absents des radios, mal distribués chez les disquaires… Il relève en effet de notre rôle de discothécaire de représenter tous les courants musicaux et d’en permettre l’accès au plus grand nombre.
C’est pourquoi nous avons souhaité témoigner de l’activité musicale de multiples artistes sous licence libre et donc rendre visible l’autoproduction et l’autodistribution générée par internet. Nous nous ouvrions ainsi à d’autres artistes que ceux strictement liés au secteur marchand.
L’acquisition de la borne et la mise à disposition d’un catalogue de musique libre s’est accompagnée à Gradignan par une information et des formations liées à la musique libre.
La médiathèque de Gradignan bénéficie du label «cyber-base» et nous disposons d’animateurs multimédias. L’achat de la borne «Automazic» a donc été accompagné d’actes de diffusion d’une information claire et complète concernant les conditions d’utilisation des licences de libre diffusion, informations assurées par deux services associés au projet : le service musique et le service multimédia. (plaquette d’information à destination du public pour présenter le projet, play-lists thématiques, conférence, table ronde, concert, journées de formation, discussions avec nos lecteurs mais également cette année une fête de la musique municipale avec en tête d’affiche un groupe de musique libre….)
Ce mois de décembre 2009 nous avons refait une sélection de musique issue de la borne et intitulée «La compil Automazic» avec de la musique libre. Nous avons fait découvrir cette sélection en sonorisant notre espace mais également en offrant une copie à nos lecteurs les plus assidus dans notre espace musique.
Nous avons également accompagné notre démarche envers la musique libre en faisant l’acquisition via Pragmazic de supports physiques. Sur chaque CD acheté un logo indiquant que l’artiste a fait le choix d’être sous licence libre est apposé. Chaque CD a donc un «sticker» mais les CD concernés sont classés avec leurs styles musicaux respectifs.
Le choix d’être en licences ouvertes est pour nous un moyen utilisé par certains artistes mais n’est pas une fin en soi. Nous représentons tous les courants musicaux.
Nous sommes là pour défendre et valoriser la musique sous toutes ses formes et dans toute sa diversité. Nous continuons à faire découvrir la musique libre mais notre démarche est de défendre toute les diversités musicales.
Le partenariat avec CD1D :
Nous avons souhaité poursuivre notre action de valorisation et de défense de la diversité musicale avec un partenariat avec CD1D.
Ce partenariat et cette expérimentation ne sont menées qu’à Gradignan. Nous avons souhaité faire découvrir la création alternative quelle soit sous licence libre ou sous SACEM. Chaque fichier musical est taggé et donc accompagné d’informations liés à l’artiste, à son style musical et à l’option choisi par l’artiste pour protéger ses droits d’auteur (licence libre ou Sacem)
Pourquoi sur la borne «Automazic » ?
Tout simplement car nous sommes convaincus que la borne très utilisée chez nous pourrait être un excellent médiateur pour faire découvrir des artistes et le travail formidable de beaucoup de petits labels.
Pourquoi pas sur une deuxième borne spécifique ?
Notre partenariat avec CD1D est en cours d’expérimentation. Nous souhaitons faire l’expérience de ce double catalogue proposé sur la borne (une vingtaine d’albums pour le moment une goutte d’eau par rapport à la musique libre!) Nous souhaitons en premier lieu voir comment cette nouvelle offre est accueillie par notre public.
Lorsque nous avons travaillé sur la borne «Automazic» nous avons accompagné notre démarche de nombreuses formations aux droits d’auteur, aux téléchargement, à la création de playlists….
Dans le cadre de la défense des labels indépendants nous souhaitons adopter la même démarche d’éducation des lecteurs. Expliquer nos choix, pourquoi nous tenons à défendre les labels indépendants, à proposer de la musique peu présente sur les mass-médias…
Nous allons mener cette expérience pendant un an et en tirer un bilan. Un questionnaire et une enquête auprès de nos usagers nous permettra cette analyse.
Pour le moment nous n’avons pas les moyens d’acquérir une seconde borne d’autant qu’un petit nombre de labels nous suit dans cette démarche militante de défense de la création indépendante sous SACEM. Le catalogue que nous proposons ne serait pas assez étoffé pour une seule borne dédiée. Ensuite nous verrons….. Mais il serait illusoire de croire que les médiathèques ont des budgets si importants qu’elles peuvent acquérir facilement 1 borne sans avoir surmonté de multiples obstacles administratifs et politiques. Encore plus illusoire de penser qu’elles pourraient sans que leurs administrations ne sourcillent en acquérir 2. D’autant plus que la méconnaissance assez fréquente de la musique sous licences ouvertes fait que celle-ci est souvent assimilée à de la musique d’amateur. Si une bibliothèque a le choix entre une borne proposant de la musique sous Sacem ou de la musique sous licences ouvertes, et qu’elle fait face à des choix budgétaires elle ne fera pas (ou exceptionnellement) le choix du libre. Les musiques sous licence ouvertes commencent à être connues mais le travail de communication et d’information à leur sujets est loin d’être terminé.
Pourquoi maintenant ?
Nos métiers changent énormément. Le marché de la musique, sa diffusion… sont en pleine mutation et nos pratiques de bibliothécaires musicaux également. Une des missions de la médiathèque change. On n’est plus uniquement une bibliothèque de prêt mais un lieu d’appropriation de la culture. (mouvement déjà enclenché avec le libre mais que nous élargissons avec cette nouvelle offre de documents sous SACEM).
L’offre de musique numérique à destination des médiathèques est balbutiante et insatisfaisante pour le moment (à l’instar de l’offre commerciale pour le grand public).
Nous avons souhaité aller vite pour être une force de proposition différente en médiathèque et faire entendre une autre voix possible. Pour le moment les majors réfléchissent à leurs offres envers les médiathèques. «Bibliomédias» par exemple propose un catalogue musical aux médiathèques. Il s’agit de documents pouvant être prêtés aux usagers sous forme de fichiers numériques chronodégradables. Le catalogue comprend entre autres l’offre de TF1vidéo et également le catalogue Universal.
Différentes médiathèques numérisent ou ont numérisé leurs catalogues… Mais les catalogues proposés sont toujours les mêmes où le lecteur ira découvrir Johnny Hallyday plutôt que Corde Brève ou Egon.
La demande majoritaire des discothécaires lors de nos dernières réunions annuelles était de mettre Deezer en médiathèque. Les négociations avec Deezer n’ayant pas (aux dernières nouvelles) abouties le partenariat se fera avec « Musicme ». On est loin, voire très loin de la défense des labels indépendants. C’est pourquoi nous avons souhaité faire entendre notre voix.
Nous comprenons que cela puisse heurter certains d’entre vous mais notre unique démarche est de promouvoir la création indépendante et nous pensons que mettre sur une même borne la musique libre et la création indépendante sous Sacem est une bonne chose pour la musique libre. Celle-ci n’est pas mise de côté et différenciée mais mise au même niveau que la musique sous Sacem. Il n’y a pas d’échelle de valeur juste une différence concernant les droits d’auteur et nous communiquons régulièrement sur ces sujets.
Par ailleurs nous avons conclu un marché public et effectivement ainsi que la loi nous y oblige nous payons des droits à la Sacem pour le téléchargement des morceaux liés à CD1D. L’expérience étant menée à l’échelle d’une ville comme Gradignan (22000 hab) il ne s’agit pas là de sommes astronomiques. Nous faisons par contre une déclaration titre par titre pour que cet argent ne soit pas versé dans le pot commun mais distribué aux artistes au prorata des téléchargements.
Concernant la musique libre nous ne versons pas d’argent directement aux artistes car ils ont fait le choix des licences ouvertes mais nous versons chaque année de l’argent au fonds de soutien à la musique libre. Rappelons par ailleurs que nous achetons via Pragmazic des supports physiques même si nous déplorons le peu d’offre de cette plateforme. Nous sommes d’ailleurs désolés du manque d’audience de Pragmazic car si cette plateforme avait plus d’écho auprès des labels de musique sous licence ouverte elle serait au même niveau que CD1D.
L’équipe de la médiathèque de Gradignan
This formal article assited me a lot! Bookmarked your site, extremely excellent topics just about everywhere that I see here! I really like the information, thanks.
Merci Mr MODAGOOSE !!! quelle belle et bonne claque votre commentaire ! . sa fait plaisir de lire l’intélligence de la résistance . Salutations (douzi28.05.70 –
Merci Mr MODAGOOSE !!! quelle belle et bonne claque votre commentaire ! . sa fait plaisir de lire l’intélligence de la résistance . Salutations (douzi28.05.70 –
Je viens de lire avec les membres artistes de l’asso cette proposition de borne…
Nous ne nous voulons pas négatifs sur diverses idées pour faire découvrir du « son », mais à l’aube où notre région fait fermer successivement, les cafés concerts où il devient de plus en plus difficile plus les groupes indépendants de se produire…. bientôt il ne restera que des bornes. ça fait plus de vingt ans que je traîne mes pénates aux vues de découvrir des groupes émmergeants, bientôt le pourrons nous encore?
bref, moi les bornes je pense que ça ne nourrit pas l’éducation de nos jeunes à découvrir en live…et puis la Sacem beaucoup de très bons groupes refusent !
Merci d’avoir pris le temps de rédiger cet article, depuis le début je trouve votre démarche interessante avec à chaque fois une analyse objective et réaliste de ce que vous faites. On retrouve cette démarche dans toute la médiation que vous avez développé auprès de vos usagers et qui à mon avis est exemplaire et contribue grandement au succès de cette borne. Automazic peut vous en être reconnaissant.
On peut trouver à redire et le débat serait intéressant, mais vous avez le mérite d’essayer, de tenter de faire avancer les choses et c’est déjà beaucoup !
Bonjour,
je comprends bien ce qui anime votre démarche.
Mais reconnaissez que si vous avez raison de vouloir mettre en avant la musique indé sous toutes ses formes sans tenir compte du système de gestion, collectif ou individuel, les deux ne veulent pas dire la même chose. Sinon, les groupe présents sur CD1D seraient eux aussi sous licences ouvertes.
Hors, la borne Automazic, si j’ai bien suivi depuis le départ, a bien été créée pour diffuser de manière attractive dans des lieux spécifiques des artistes sous licences ouvertes. C’est bien comme ça que le produit Automazic a été identifié et vendu à la communauté de Dogmazic.
Donc, mettre des artistes sous le régime de la gestion collective dans un pays où cette gestion est monopolisée par une seule entité qui empêche de par ses statuts de faire la jonction avec les licences ouvertes est une erreur, sur la même borne que les artiste ayant fait le choix de la gestion individuelle est au mieux un manque de délicatesse, au pire, un manque de connaissance de ce qu’est le mouvement du libre.
Non seulement, Automazic n’a plus la finalité qui était la sienne au départ, mais en plus, vous faîtes l’équivalent du freeware en logiciel avec cette initiative. D’un côté une musique sous licences ouvertes, de l’autre une musique protégée par un droit d’auteur fermé. Les deux gratuits, et c’est bien là le problème. D’un côté de la musique librement téléchargeable, copiable et diffusable, de l’autre un téléchargement gratuit qui ne peut pas être partagé. Au milieu un public qui si il n’est pas au fait des lois de ce pays se retrouve avec deux type de musique qu’il met au même niveau, sur le plan philosophique s’entend.
Ce qui aurait été logique c’est que CD1D mette sa musique à disposition sur une borne qui lui soit propre et à ses couleurs. Une minimazic CD1D par exemple, ou alors un poste informatique pointant vers leur site. N’importe quel PC recyclé avec un bon disque dur aurait fait l’affaire. Mais la borne de Gradignan a la forme de la mascotte de Dogmazic, et ce mélange des genres est préjudiciable, à mon avis.
Si je comprends bien, Automazic se destine à la fabrication de bornes de distribution de contenus dématérialisé ?
Pourquoi pas, ça ne me pose aucun problème, je pense même qu’Automazic ne sera pas viable si elle ne diffuse que l’Archive de Dogmazic. Peut-être que cet essai avec du contenu protégé par un droit d’auteur fermé a pour objet de vérifier la possibilité d’étendre le marché des bornes à d’autres contenus. Ce qui est dommage c’est que cela se fasse dans la confusion…
Vous écrivez :
« L’offre de musique numérique à destination des médiathèques est balbutiante et insatisfaisante pour le moment (à l’instar de l’offre commerciale pour le grand public). »
Dans ce cas, pourquoi ne pas ouvrir la borne Automazic à d’autres sources fournissant des contenus sous licences ouvertes présentes sur le net ?
Ce n’est pas ce qui manque.
J’irais même plus loin, pourquoi dépendre d’Automazic pour cela ?
Il y a ça ensuite :
« Nous comprenons que cela puisse heurter certains d’entre vous mais notre unique démarche est de promouvoir la création indépendante et nous pensons que mettre sur une même borne la musique libre et la création indépendante sous Sacem est une bonne chose pour la musique libre. Celle-ci n’est pas mise de côté et différenciée mais mise au même niveau que la musique sous Sacem. Il n’y a pas d’échelle de valeur juste une différence concernant les droits d’auteur et nous communiquons régulièrement sur ces sujets. »
Vous le comprenez mais n’en tenez absolument pas compte, c’est dommage. En gros ça se fera quoi qu’en disent les intéressés. Il faut que vous compreniez que l’artiste sous licences ouvertes n’a absolument pas besoin de votre concours pour être diffusé et amené auprès de son public. Nous n’avons plus besoin d’un mode de distribution physique fut-il sous la forme d’une borne de téléchargement rigolote. D’ailleurs, dans l’absolu, nous n’avons même pas besoin de cette borne. Un simple smart phone et une appli suffisent.
La musique libre n’a pas besoin d’être comparée à la production sous droit d’auteur fermé. A vous lire, on a l’impression que le mètre étalon de la musique serait celle estampillée Sacem…
Et contrairement à ce que vous écrivez, vous sous-entendez qu’il y a une différence de valeur. En tant qu’artiste, je considère qu’il y a une différence entre ce que je produis et ce que produisent les artistes de CD1Dmais pas d’un point de vue qualitatif. Etant hors système marchand, ma musique n’a pas de forme adaptée à un marché, d’ailleurs elle ne vise aucun marché car je ne cherche pas à la vendre. CD1D cherche des clients et la gratuité est pour eux un moyen d’attirer ce client. Ensuite, le mouvement de la culture libre dépasse la simple utilisation d’une licence ouverte. C’est un choix et contrairement à ce que vous croyez, pour un grand nombre d’entre nous, une finalité.
Globalement, l’erreur n’est pas que Gradignan veuille mettre à disposition de son public le catalogue de CD1D, le problème c’est qu’elle le fasse, avec Automazic, en déformant l’objet initial d’un outil et en créant la confusion là où il faut de la clarté. Vous contribuez ainsi à rendre les choses plus dificiles pour les artistes sous licences ouvertes tout en rendant les choses plus faciles pour CD1D.
Avec des amis comme vous, l’art libre n’a pas besoin d’ennemis.
Cordialement,
Patrick
PS : Je regrette que les gens d’Automazic qui sont aussi partie prenante dans le mouvement de l’art libre en France essaient de nous convaincre que ce qu’ils font est bon pour nous artistes libres…