*Ce texte a été écrit hier, légèrement modifié avant sa publication, suite à une bonne nouvelle survenue ce midi.
Toutefois, j’ai souhaité maintenir sa publication parce qu’il tente d’effectuer une humble mise en perspective, dont la loi Hadopi n’est qu’un des paramètres, et je reste persuadé que cette joyeuse péripétie n’est malheureusement que temporaire, à moins que… On peut toujours espérer.
Dans un contexte post Hadopien récent, et son dénouement heureux*, la mise en concurrence des sociétés d’auteurs au niveau européen, l’expérience Buma / Stemra, l’évolution prévisible du consortium CC, il me semblait important de présenter un point de vue légèrement décalé au regard des différent textes, interventions, prises de positions que l’on lit/entend autour des cultures libres ces derniers mois.
En effet, une sorte d’état des lieux de la musique libre en raison des divergences qui semblent poindre entre certains acteurs me trotte dans l’esprit depuis quelques semaines,
notamment à la suite de la publication sur Numerama de la tribune « Ni SACEM ni Jamendo » par Libre Accès, les discussions qui s’en sont suivies, ainsi qu’à la suite des débats déplorables et criants d’incompétence (une fois de plus, pour ceux qui ont suivi en son temps Dadvsi) qui se sont tenus au sein de l’hémicycle, lors des discussions autour de l’HADOPI, et qui se sont bien terminés fort heureusement, puisque cela laissera peut-être le temps de la réflexion avant la prochaine « urgence » sur le sujet.
Du fantasme à la cruelle réalité (ou, comment confondre espérance de rémunération et outil juridique) :
Pour commencer, une petite réflexion concernant les tentatives d’assimilation/intégration des licences Creative Commons avec clause NC (non commercial) dans le système de collecte et de répartition des SPRD.
Premier constat:
– Les licences ouvertes (ou libres) relèvent de la gestion individuelle des droits d’auteurs au regard du CPI.
– Les sociétés de collecte et de répartition des droits d’auteurs, relèvent de la gestion collective au regard du CPI.
Certains artistes/groupes, labels, acteurs du libre, verraient d’un bon œil que les SPRD prennent en compte et acceptent de s’occuper de la collecte et la répartition des droits sur la diffusion des œuvres sous licence CC nc, afin, par exemple de rémunérer les passages en radio de ces œuvres, passages télé et autres.
Cela sous-entendrait que les SPRD ouvrent leur catalogue à des œuvres sous licence ouverte et proposeraient alors un mode de gestion « au titre »,
ce qui n’est par ailleurs pas la position de la SACEM par exemple actuellement.
On a l’exemple illustrant cette tendance avec l’ouverture aux « NC » dans le cadre de l’expérimentation Burna/stemra en cours actuellement.
Maintenant, cette tendance me pose un problème :
En admettant que la SACEM accepte de prendre en charge la collecte et la répartition des droits de diffusion sur les titres NC des artistes qui le souhaiteraient.
Cela voudrait dire que toutes les diffusions par des radios dites commerciales devraient être rémunérées par versement de droits.
Mais aussi et cela me paraît juste, que toutes les diffusions sur des sites internet à caractère commercial (rémunération par la publicité par exemple) devraient logiquement être rémunérées par versements de droits.
Et nous arrivons-là vers la première contradiction de ce modèle.
– Une radio est un point de diffusion hertzien.
– Un site internet est un point de diffusion câblé.
Pourquoi ces artistes qui veulent rejoindre la gestion collective tout en restant en gestion individuelle (encore une contradiction) demanderaient des rémunérations sur les passages radio et pas sur les multiples sites internet commerciaux où leurs titres sont en téléchargement légal ?
On me rétorquera que sur un site comme Jamendo par exemple, certes, il y a de la pub, certes, ils ont un modèle de négoce avec des annonceurs mais ils font « signer » un « disclaimer » ou une dérogation à la clause NC.
Sur le papier, ça peut sembler tenir la route, mais cela induirait implicitement que la société de gestion collective en charge de la collecte et de la répartition devrait percevoir des droits sur une radio commerciale, et laisser diffuser sur un site commercial parce que l’auteur a signé au titre de la gestion individuelle une dérogation à la clause NC.
On ne parle donc plus de la difficulté de gérer « au titre » et « à la diffusion » mais de gérer aussi les exceptions contractuelles envers les tiers, inhérentes à la gestion individuelle.
Il me semble que ce modèle est injuste pour les diffuseurs, difficile à mettre en œuvre, contradictoire au regard de la séparation des modes de gestion des droits d’auteurs,
et au passage je souhaite bien du courage à ceux qui auront un jour à concilier tout cela…
La gestion individuelle doit rester dans le cadre de sa portée juridique et ne doit en aucun cas être en partie traitée comme exception périphérique de la gestion collective.
Même si cette porte ouverte permettrait à quelques-uns une « espérance de rémunération » (et on peut se demander sur quelles bases financières, quels calculs, quelles méthodes),
elle ne concernerait qu’une infime part des œuvres diffusées et le volume de droits traités serait extrêmement minime au regard de l’ensemble des droits perçus et redistribués par la gestion collective tout en demandant une mise en œuvre extrêmement coûteuse pour les sociétés de gestion.
Et en plus, que penser de cette exclusion « de fait » des artistes publiant sous licence libre qui n’auraient pas utilisé une clause NC ou dont les œuvres seraient sous LAL,
c’est une limite discriminatoire qui ferait porter à la NC, déjà bien controversée, une valeur d’exception alors qu’elle est une licence des plus utilisées (souvent sans en comprendre la portée réelle).
Les défenseurs et porteurs de cette idée ont souvent pour argument que l’on ne peut pas rester au RMI et faire de la musique, qu’il faut trouver des moyens de rémunération et que cette solution peut en procurer.
Pourquoi pas, mais je tiens tout de même à exprimer les points suivants :
– Le système de répartition de la SACEM ne permet pas à tous les auteurs de toucher de l’argent et de payer leur loyer, mais à une minorité au regard des quotas de répartition et du nombre total de sociétaires.
A quel titre serait-ce différent si les clauses NC sont incluses dans ce système ?
– Le fait que pour 400 000 artistes qui produisent des œuvres, seuls quelques uns trouveront un public et pourront, dans une certaine mesure, dégager une valeur économique autour de leurs œuvres et de leurs prestations, est la seule réalité.
– Par ailleurs, il se peut que des œuvres « ignorées » à un instant « T » trouvent un public sensible quelques années plus tard, et ce n’est pas une question d’exposition médiatique (même si cela joue indéniablement dans le système industriel) mais bien une question de résonance de ces œuvres envers une sensibilité commune.
Vient ensuite le problème lié aux sommes perçues par les sociétés de gestion collectives au titre des redevances (passages en radio, forfait salles concerts) qui, effectivement ne sont pas redistribués aux artistes dont les œuvres sont sous licences ouvertes,
puisque naturellement ils n’ont pas adhéré aux statuts de la SACEM et ne peuvent donc pas prétendre à percevoir des droits.
Cela est parfaitement injuste mais il n’existe pas en l’état actuel de solutions pour répartir ces forfaits.
Je retournerais la question :
Pourquoi les Radios et les Salles de concert payent quelque chose à la SACEM quand elle passent de la musique libre ou produisent un artiste/groupe libre en concert ?
Le coup du forfait devient une forfaiture, certainement efficace à l’époque où les licences ouvertes n’existaient pas, mais qui doit être remis en question à présent.
Une identification commune standardisée et officielle des contenus diffusés et produits sur le spectacle vivant permettrait d’une part d’éviter ce problème, et d’autre part suivant les contrats effectués au titre de la gestion individuelle entre les artistes et les radios ou les salles de spectacle, la perception se ferait directement.
La réflexion peut être la même concernant la taxe sur les supports numériques et bien entendu sur la fameuse licence globale ou forfait, qui non seulement permettrait de noyer les cultures libres en leur supprimant leur spécificité légale sur les droits de reproduction mécanique.
Spécificité qui reste à ce jour la seule valeur de différence notoire comparativement aux œuvres numériques relevant de la gestion collective dans le cadre de la diffusion sur internet.
C’est en ce sens que nous devrions œuvrer auprès de la SACEM (et des autres SPRD), du ministère de la culture, vers une reconnaissance pleine et entière des cultures libres
et de la gestion individuelle plutôt que d’imaginer des statuts hybrides incompatibles avec la réalité des usages et les immobilismes institutionnels.
De la création d’un syndicat d’auteurs du « libre » (ou comment continuer à confondre…)
Autre idée qui fait son chemin depuis quelques temps :
La création d’un syndicat d’auteurs du libre, permettrait en théorie de jouer ce rôle de collecte et de répartition (à l’image des SPRD de la gestion collective) et donc,
dans le monde merveilleux du nouvel ordre des licences ouvertes, gèrerait les multiples contrats inhérents à l’exercice de la gestion individuelle et ferait de la répartition sur les droits de diffusion et droits voisins.
Ma première réflexion fut que ce n’était pas une mauvaise idée, dans le sens où nombre d’artistes/groupes ne savent pas vraiment comment gérer leurs droits et les contrats avec les tiers (producteurs, tourneurs, éditeurs, labels, diffuseurs) qu’ils se doivent d’assumer dès lors qu’ils optent pour la gestion individuelle.
Mais en définitive, il s’agit de créer une société gestion collective pour des créateurs ayant opté pour la gestion individuelle et donc de fait adhéré à un système on ne peut plus libéral et individualiste où l’auteur est le seul maître de sa gestion et du devenir de ses œuvres.
C’est encore un contre-sens.
L’auteur est bel et bien le responsable de ce qu’il advient de ses œuvres et il doit l’assumer ou changer de mode de gestion.
C’est bien de pouvoir disséminer ses œuvres sur le net, mais c’est pas bien de devoir gérer ses droits et ses contrats avec les tiers … Bienvenue dans la réalité.
Par ailleurs, l’infrastructure, la logistique, les moyens financiers permettant de monter une société de gestion, la mise en place d’un système de collecte et de répartition, la mise en place du système déclaratif pour des diffuseurs….
Tout ceci demande des moyens financiers, humains et temporels qui sont au delà de ce que peut faire « le libre » dans sa plus grande diversité, hormis sur deux modèles hybrides qui se font passer pour des sociétés d’auteurs par stricte opposition à la SACEM (comme si cette posture était le seul moyen de reconnaissance), mais qui en réalité ont la volonté de faire un business plus que de jouer le vrai rôle d’une société d’auteur…
Et finalement … il existe une société d’auteurs qui fait ça depuis 150 ans, qui le fait pas trop mal au regard d’autres systèmes collectifs, et qui, malgré nombre défauts notamment sur le mode de calcul de la répartition bien discutable à plusieurs égards, fait son chemin.
C’est tout simplement la SACEM.
Pourquoi vouloir réinventer la roue?
Amis artistes du « libre » si vous voulez toucher des droits sur la diffusion de vos œuvres sans avoir à gérer directement les diffuseurs, adhérez à la SACEM, c’est bien plus simple.
En conclusion, opter pour les licences ouvertes est un engagement dans une voie individuelle, mais surtout est un engagement dans un champ culturel alternatif.
Vouloir utiliser les licences ouvertes comme « tremplin », « pour se faire connaître » et ensuite râler parce que c’est dur de toucher des droits et de gérer ses contrats, imaginer des solutions hybrides, pour finalement s’inscrire à la SACEM est bien la preuve du peu de cas que font certains de l’esprit réel des licences ouvertes et qu’ils confondent outil juridique et espérance de rémunération.
Je renvoie d’ailleurs à l’interview suivante d’Angil & the Hiddentracks, qui tourne internationalement, dont les disques sont distribués à la FNAC : http://www.froggydelight.com/article-6488-3-Pourquoi_je_ne_suis_pas_a_la_Sacem.html, qui montre que l’on peut avoir une vision cohérente tout en utilisant les licences ouvertes, et qu’il s’agit plus aujourd’hui d’un enjeu de formation des tiers et des artistes qu’autre chose…
Il me semble donc qu’il serait bien plus intéressant de développer un système de support/conseil à l’attention des créateurs ayant opté pour la gestion individuelle, permettant de les aider à faire valoir leur droits en cas de conflit, ou tout simplement de leur proposer des solutions simples comme des contrats types pour les relations avec les tiers (éditeurs, tourneurs, salles de spectacles, labels, diffuseurs etc.).
Ce support pourrait aussi être à l’attention des tiers bien entendu.
Mais certainement pas de faire le boulot à leur place.
J’ai longtemps milité pour que l’association Musique Libre ! mette en place un tel système de support pour les artistes/groupes et structures adhérentes (et cotisantes…), j’espère qu’au cours des mois qui viennent elle verra le jour, parce que cela rentre tout à fait dans ses objets, ce pourrait être intéressant de confronter ainsi organisation de support aux auteurs/structures avec les pseudos pourfendeurs de SACEM idéologiques ou économiques …
Le subtil mélange des genres et la responsabilité de tous les acteurs culturels :
Alors on nous explique, qu’à partir de maintenant, gare à ceux qui téléchargent, ça va barder, on va tous vous couper, vous faire payer, vous éradiquer.
*Bien que cette position soit temporairement écartée depuis ce midi, je rappelle tout de même que la DADVSI s’applique toujours, et que ce n’est pas un revers de fortune qui calmera l’ardeur de certains, avec la possibilité de seconde lecture.
Mais au fait ceux qui téléchargent quoi?
Du SACEM, du copyright, du Publishing, du LAL, du BY-SA?
Sur quelle plateforme ? labellisée ministère de la culture ? Commerciale ? Dogmazic ?
On va mettre un peu d’ordre:
Les cultures libres ne sont pas reconnues par le législateur, ni par le ministère de la culture, qui dans sa grand croisade pour la rémunération de ses auteurs n’a pas pris en compte environ 180 millions d’œuvres libres (en fait c’est peut être 200 ou 150) qui circulent sur internet.
Vont se mettre en place une série de systèmes techniques de filtrage chez les FAI (dans un an ou deux … ou jamais vu le coût) d’une part et se constituer des société privées de « tracking » du contrevenant en herbe téléchargeur pirate d’autre part.
Comment les uns ou les autres vont savoir qu’un internaute télécharge une œuvre sous licence ouverte ?
A l’aide de quel identifiant sur les fichiers numériques et à l’aide de quel système de reconnaissance ?
Cela sous entend qu’un certain nombre d’entre-nous qui téléchargent très fréquemment des contenus légaux se verrons notifier par emails qu’il faut arrêter et se rendre tout de suite sur virginmachin, Ithunes ou aller écouter ce que Deezer veut bien « streamer » tout de suite sous peine de coupure de l’accès internet, sympa…
Parce que cela pose un gros problème:
L’internaute lambda, comment sait-il, à la base si ce qu’il télécharge relève de la gestion collective (SACEM), du copyright , du publishing ou des licences ouvertes?
C’est marqué où sur l’internet ?
Sur Jamendo ? Sur Dogmazic ?
Oui, c’est marqué, mais est-ce vraiment le cas à 100%
N’y a-t-il pas quelques petits malins qui postent des trucs pas bien nets du genre « remix copyright » ou tout simplement des sociétaires de la SACEM qui se foutent complètement que la personne qui télécharge puisse être sous le coup d’une amende ou d’une suspension de service internet, voire au pénal pour contrefaçon, parce que de toute bonne foi, elle a téléchargé un album sur torrent avec Jamendo ou plein (beaucoup plus) de titres sur Dogmazic ?
Il se trouve que pour ce qui concerne Dogmazic, un travail de modération est effectué via le CATEL (système de recherche des ayants-droits de la SACEM), et cela permet d’identifier ceux qui auraient déposé dans l’archive musicale des œuvres protégées.
Mais d’une part ce système n’est pas infaillible puisqu’il ne regroupe pas l’ensemble des œuvres protégées et d’autre part il existe toujours des moyens de « passer à travers ».
Cette responsabilité, des sociétés de gestions, des éditeurs de sites, des artistes eux-même est très importante et peut avoir des conséquences graves sur les publics.
Cet aspect n’a jamais été abordé dans les discussions autour du téléchargement illégal, parce que c’eût été l’aveu de fait de l’existence d’une culture alternative légale au delà des catalogues industriels commercialisés qui semblent être les seuls vrais fonds culturels digne d’intérêt pour nos institutions et le législateur.
Du coup on se réfugie ver le « streaming » parce que là on n’a pas besoin de causer du reste et on fait de la pub pour une plateforme longtemps restée dans l’illégalité, mais on est plus à une compromission près.
Parce que c’est bien joli de partir en croisade contre les salaud de « pirates » mais quid des artistes qui foulent du pied le droit d’auteurs en publiant illégalement leurs œuvres protégées sur des sites dont l’archive musicale doit contenir exclusivement des œuvres sous licences ouvertes?
Il me semble que les sanctions (puisqu’on a préféré la sanction à l’information, l’identification claire des œuvres vis à vis des publics) doivent être appliquées dans les deux sens, ou ne doivent pas être appliquées.
C’est en ce sens que les sociétaire de la SACEM publiant illégalement une œuvre protégée sur un site de musique sous licences ouvertes devraient être taxés pécuniairement à la hauteur du préjudice subi par la personne qui a téléchargé leur titre sans être informé de la nature de celui-ci.
Dans le libre, on peut devenir aussi débile que les autres si on veut (et sans trop forcer) mais (je l’espère) on préfèrera toujours l’information, l’explication, l’éducation à la répression aveugle et stupide qui reste une preuve de faiblesse, d’incompréhension, de facilité et de renoncement face aux mutations qui s’opèrent dans le rapport public/œuvre/artistes depuis plusieurs années maintenant.
Enfin, malgré l’aspect sécuritaire en matière de liberté que propose cette technologie, j’en suis venu à la conclusion que la seule solution à long terme permettant de bien différencier les œuvres qui relèvent d’une protection sur les droit au téléchargement (puisque personne veut informer) et celles qui sont légalement téléchargeable reste l’étiquetage numérique ou « adn » qui permettrait de bien spécifier aux public:
« ça c’est du libre / ça c’est du pas libre. »
Pourquoi mettrait-on en place des systèmes de traçabilité pour les œuvres protégées et ne ferrait-on pas de même, à l’identique pour des œuvres libres?
Et il n’est pas besoin de faire des « groupes de recherche et de réflexion » des « expériences » avec force financements publics, 5 gugusses dans un garage et les tag id3 qui existent déjà depuis longtemps vous pondraient ça en peu de temps (j’exagère, mais à peine).
Mais j’avoue que cet étiquetage type « code barre » a quelque chose de fascisant dans sa nature qui me pose de grandes questions sur le fantasme du « contrôle » de l’internet.
La « traçabilité » si elle peut être un élément primordial en matière de consommation, de protection de la chaine du froid pour des raisons de santé publique peut rapidement dériver en contrôle sur les échanges numériques, c’est plus que moyen…
Et je ne parles pas des dérives commerciales qui s’en suivraient en matière de filtrage des contenus sur les lecteurs propriétaires, qu’ils soient embarqués dans les systèmes d’exploitation des ordinateurs ou simplement intégrés dans les baladeurs numériques… On en reviens toujours aux mêmes problématiques.
C’est surtout in fine une question de bon sens et de responsabilité de l’ensemble des acteurs qui s’assoient tous autour d’une table et qui cherchent ensemble la meilleure façon d’informer les publics et surtout les jeunes générations sur le fait que l’on est pas forcément un pirate quand on télécharge une musique sur internet du moment que c’est un titre sous licence ouverte, c’est pas bien compliqué.
Les sociétés de gestion, le ministère de la culture, les acteurs du libre, le législateur, tous portent cette responsabilité et refusent de l’assumer.
Encore faudrait-il que les œuvres sous licences ouvertes restent accessible dans quelques années , cela voudrait dire qu’elle n’ont pas été engluées dans le magma des sites proposant des contenus sans identification précise (myspace, youtube, daylymotion, jamendo et autres) qui n’ont rien à secouer du droit d’auteur, ou bien qu’elles n’auraient pas été rendues inaccessibles pour les non « initiés » à cause des systèmes de filtrages à venir.
Parce qu’il s’agit bien entendu et ce, depuis le début d’une guerre pour la prise de contrôle des échanges numériques, arriver à canaliser le consommateur dans les tuyaux du net, ne plus lui fournir d’opportunité d’aller cliquer ailleurs que là où on a quelque chose à vendre, et le « commerce de la culture » n’y échappe pas.
Le fameux modèle économique: (il doit bien exister un quelque part, ah non ? ben merde alors !)
Le modèle économique, la rémunération, le pognon, la caillasse, les brouzoufs.
Tout le monde en veux, c’est bien naturel.
Petit état des lieux:
Concernant le marché industriel, c’est tout simple, c’est un fabricant d’ordinateurs et de baladeurs numériques qui gère le marché en ligne, à 0,99 euro le titre (depuis peu, de 0,69€ à 1,29€).
C’est plié depuis longtemps, tant pis pour les Majors qui se rabattent sur de la vente forfaitaire de téléchargements sur des téléphones portables, bonne chance à vous.
Forfait, Téléchargement, les mêmes qui crient que la licence globale est une vaste arnaque proposent des Forfait pour du téléchargement légal … Pas mal.
Reste des groupements d’indépendants qui tentent de survivre, voir de se développer dans une alternative sérieuse comme CD1D par exemple, et cet aspect est tout à fait intéressant au regard d’une collaboration possible entre les acteurs du libre et les indépendants.
Parce qu’il me semble que les lignes de fracture économiques ont évoluées, et que le fameux libre vs Majors a fait long feu.
Que les seuls modèles soutenus sont ceux de l’industrie du disque, y compris à coup de lois de régulation afin d’orienter le marché en leur faveur.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, et, malgré les circonstances économiques actuelles, la régulation des marchés n’est pas la même pour tout le monde, la libre concurrence non faussée, s’arrête ou commence l’intérêt de quelques lobbies.
Et le législateur porte la responsabilité de ce traitement discriminatoire envers les cultures alternatives au profit exclusif des industries, qu’elles soient des loisirs numériques, des fournisseurs d’accès internet transformés en vendeurs d’images, ou de l’industrie du disque.
Les lignes de fractures, dans le cadre de la défense d’une alternative culturelle en complément de l’industrie se situent plus aujourd’hui dans un affrontement indépendants/Libre vs Industrie.
Parce que les cultures libres seules ne feront pas le poids en continuant d’avancer en ordre dispersé, essayant ça et là de grappiller quelques marchés de niche, mais rien de bien terrible au final.
Cela peut paraitre bizarre de vouloir travailler de concert avec les indépendants (attention, les vrais, pas les faux indés affiliés à l’industrie) parce qu’il s’agit de développer des réseaux de diffusion et de distribution indépendants justement des canaux habituels,
porter ces cultures au delà d’internet, monter des réseaux de distribution physiques et numériques alternatifs et proposer un champ culturel complètement différent aux publics.
Au milieu de tout cela, l’économie autour des cultures libres, comment dire … ce n’est pas grand chose.
L’activité économique autour des cultures libres se situe principalement sur internet à ce jour, avec son cortège de pseudos initiatives plus ou moins douteuse quant à la sincérité de leur démarche.
Et les artistes dans tout ça?
Quand on parle de « modèle économique », on pense rémunération des artistes.
Mais en fait pour le moment , c’est rémunération des plateformes internet, pour le reste, on verra plus tard, circulez !
Il me semble tout de même, que, malgré ce mauvais départ , tout reste encore à construire.
Cela ne fait que 2 à 4 ans pour certains que des initiatives sont testées, affinées, c’est très peu finalement au regard des modèles « classiques ».
Certaines initiatives sortent un peu du lot, abandonnant le modèle économique pub contre accès au catalogue pour proposer une vraie valeur ajoutée pour les artistes, comme Pragmazic (un peu de pub au passage), CD1D et quelques autres, en opposition avec les plateformes qui se disent « équitables » qui qui retiennent 50% des ressources pour leur fonctionnement.
Le sens de ces initiatives est de privilégier le revenu des créateurs (artistes / Labels) par rapport au revenu de la plateforme d’une part, et de permettre au publics de vraiment faire un acte de soutien aux artistes dont ils achètent les œuvres sur support physique ou numérique, une action de soutien plus qu’un acte de consommation impulsif …
Bien que ce soit assez marginal comparativement au modèle basé sur le négoce d’espaces publicitaires, cela va dans le sens d’un développement respectueux des œuvres et des artistes.
Parce qu’il ne faut pas non plus se tromper sur ce point :
Vouloir absolument forcer à la rémunération de tous les artistes est un contre-sens fondamental, comme expliqué plus haut.
Mais permettre à tous de connaitre un plus grand nombre d’œuvres publiées, peut effectivement favoriser la découverte et aider à provoquer ces instants de « communion » œuvre/public, si ils doivent arriver bien entendu.
L’initiative Automazic (allez, encore un peu de pub) dont l’objet est de favoriser la découverte des cultures libres, les porter hors d’internet vers des publics qui n’en ont pour la grande majorité jamais entendu parler, participe à cette dissémination.
Permettre une meilleure diffusion scénique des artistes va aussi dans le même sens, parce que la scène reste une source de « revenu » potentielle pour certains bien plus intéressante que la vente de disques ou de fichiers en ligne.
Dans ce sens uniquement, on arrive à « aider » l’émergence d’un tissu économique, qui n’est pas incompatible avec l’existant, ou à défaut et plus humblement, on jette les bases de ce qui reste à inventer , si l’on veut réellement créer une rupture saine entre le système industriel monolithique et les cultures alternatives (libres ou pas).
Ce n’est certainement pas en « singeant » les systèmes industriels ou en favorisant l’existant par une modification de la législation que l’on arrivera à accompagner le changement radical qui s’opère depuis quelques années, à la fois dans le rapport public/œuvre/artiste et dans la dématérialisation des œuvres.
Les cultures libres ont encore besoin de se faire connaitre auprès des publics, les artistes qui ont choisi les licences libres ont encore du chemin à parcourir avant d’être reconnus et respectés, mais l’espérance de rémunération, elle ne dépend ni des licences ouvertes, ni de la SACEM, mais bien d’un instant particulier qui fait qu’une œuvre rencontre un public, c’est magique et cela n’a absolument rien de rationnel ni de temporel.
Christophe-E.