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« Nous sommes des sauvages… »

Je reprends ici un article intéressant de Joseph Paris de Ralamax.

Nous sommes des sauvages…

Le patron de la fnac rend son rapport, les Majors signent, le chef de l’Etat prophétise « l’avènement d’un Internet civilisé »… bienvenue au Far Ouest !

Denis Olivennes, patron de la Fnac a été chargé par Nicolas Sarkozy de rendre un rapport sur l’inévitable problème du téléchargement d’œuvres sur Internet.

Nous ne nous attendions évidemment pas à ce que le rendu de ce rapport soit autre chose qu’une tentative de plus pour défendre les intérêts des Majors (La Fnac étant une filiale du groupe PPR – Printemps Pinault Redoute) ; le belliqueux rapport (pdf) se traduit par un accord signé et applaudit par les Majors.

C’est avec ce vocabulaire coutumier du personnage que Nicolas Sarkozy a tenu un discours devant le monde de la culture et des télécoms : « trou noir », « clonage », « assécher », « engloutir », « ruine », « destruction » en sont des mots choisis.

Au delà d’une « véritable destruction », l’homme de main des Majors ne peut s’empêcher d’y voir une « négation du travail » : c’est d’une ironie particulièrement malsaine dans une industrie dont le fondement même ignore les artistes et pille leurs ressources (le protocole de répartition des droits de la Sacem, par exemple, est ostensiblement favorable aux sociétaires coutumiers du Top 50)…

N’ayant pas peur de radoter, Sarkozy attribue au thème du téléchargement illégal la même dialectique que celle qu’il réservait à l’immigration ou à la délinquance : « Pourquoi le citoyen ordinaire, habituellement respectueux de la loi, préférait s’approvisionner dans des entrepôts clandestins » dit-il, tout en parlant de « comportements moyenâgeux » et de « vol à l’étalage« …

Mais là n’est pas plus grave, parfois celui qui exerce le pouvoir est porté à croire que cette position le dispense du minimum d’élégance et de courtoisie, nous pourrions pour cette fois lui pardonner cette faute de goût si cela ne s’accompagnait pas d’une flagrante prétention à donner des leçons de civilisation.

Dans la triste histoire de la France il y a la colonisation. N’ayant pas peur des mots (et c’est un comble), Nicolas Sarkozy dit saluer dans cet accord un « moment décisif pour l’avènement d’un Internet civilisé« , ainsi « la France va retrouver une position de pays « leader » dans la campagne de « civilisation » des nouveaux réseaux  » dit-il avant de conclure manquant de s’étrangler de démagogie : « Il faut qu’Internet soit une fenêtre civilisée ouverte sur toutes les cultures du monde ».

Sarkozy veut donc « civiliser » Internet, dénonçant « un « Far Ouest » high-tech, une zone de non droit où des « hors-la-loi » peuvent piller sans réserve ».

Il serait pourtant bien inspiré de s’appliquer à lui même cette métaphore : en effet, le rapport commandé par sa Majesté qui sera suivit d’un texte de loi prévoit de donner à certains l’autorité de faire justice eux-mêmes (envois d’emails de menace, suspension de l’abonnement internet…).

Faire justice soi-même… C’est bien là une pratique précisément non-civilisée qui avait lieu commun au Far Ouest…

Cet évènement est donc une bien triste nouvelle pour les artistes et les internautes.
Il y a des initiatives telles que celles de Dogmazic et Boxson pour la musique libre, InLibroVeritas pour la littérature, et Ralamax Prod pour le cinéma libre qui offrent aujourd’hui dans l’art libre une sortie crise évidente et naturelle. C’est sans surprise que le rapport Olivennes écarte cette solution : quand on dirige la Fnac et qu’on publie « la gratuité c’est le vol », il ne faut pas s’attendre à des éclairs de bon sens… (le malheureux Proudhon doit se retourner dans sa tombe..)

A propos de civilisation une question subsiste : doit-on considérer les artistes libres comme des sauvages parce qu’il encouragent le téléchargement et la copie légale de leurs oeuvres ?

Comme au Far Ouest, les sauvages véritables sont bien souvent ceux qui se prétendent civilisés..

Joseph Paris.

Copyleft : article sous licence Art Libre

Sources :

Le discours complet de Nicolas Sarkozy

L’accord Olivennes (PDF)

La liste des signataires

À propos de la mission Olivennes (répression du téléchargement en France)

Quand bien même l’actualité du piratage et de sa répression ne nous concerne pas directement du côté de l’association Musique Libre! (Dogmazic), nous gardons un œil sur cette actualité.

Ceux qui ont suivi cette actualité en France ont forcément entendu parler de la Mission Olivennes. Pour les autres, un petit rappel: Nicolas Sarkozy mandate la ministre de la culture, Christine Albanel, pour trouver les moyens de lutter contre le piratage et la ruine de l’industrie culturelle. Suite à quoi, Chritine Albanel mandate Denis Olivennes, le patron de la FNAC, pour pondre un rapport et chapeauter un accord industriel.

On peut s’interroger sur la pertinence du choix de Denis Olivennes… sans doute très compétent, mais tout de même plongé jusqu’au cou dans ces problématiques. En général, quand on veut trouver des solutions globales, on essaie de prendre quelqu’un d’un peu neutre, qui pourrait avoir un peu de recul. Un Jacques Attali, par exemple (mais il était déjà pris, et sur la question de la transition numérique de l’industrie culturelle il est sans doute trop iconoclaste).

Bon, et qui participe à cet accord?

Bref, c’est donc Denis Olivennes qui mène la danse, et cette semaine a eu lieu ce fameux accord professionnel entre l’État, les industriels de la culture, et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Si vous faites le compte, il manque:

  • les consommateurs (pas d’associations de consommateurs impliquées…);
  • les «diffuseurs du web» ou «hébergeurs 2.0» tels que Google/Youtube, Dailymotion, etc. (c’est Ratiatum qui le fait remarquer).

Pourquoi ça, exactement?

Les premiers sont considérés comme coupables à réprimer et à canaliser vers une offre légale, donc on ne va pas les solliciter tout de même!

Quant aux deuxièmes, on leur a sans doute demandé leur avis, mais ils ont préféré rester loin de cet accord. En effet, la Loi de Confiance dans l’Économie Numérique (LCÉN) les sécurise déjà plutôt bien en les dégageant de la responsabilité qu’aurait un éditeur de site web. En gros: tant qu’ils filtrent a posteriori les contenus litigieux, et ne mettent pas en avant ces contenus litigieux, ils sont plutôt dans le vert.

Leur situation n’est pas tout à fait confortable, la jurisprudence n’est pas encore bien établie, mais cette situation est largement préférable pour eux à la signature d’un accord professionnel qui dirait «oui oui, nous sommes responsables au même titre qu’un éditeur de site web, et nous allons mettre en place des techniques de filtrage infaillibles». Faudrait vraiment pas être malin pour signer. 🙂

Un accord inapplicable?

Dans cet accord, on trouve quelques petits trucs qui trainent pas bien passionnants. Les industriels de la culture s’engagent à peut-être abandonner les DRM, ce qu’ils peut-être-font depuis le début de l’année déjà. Ça s’appelle de l’enfonçage de portes ouvertes.

La grosse partie de l’accord concerne la répression du piratage. L’État s’engage à mettre en place la riposte graduée, avec l’aide des FAI. Pour cela, il faut mettre en place une usine à gaz, qui doit d’abord être validée législativement (ça peut se faire, mais ça ne se fera pas en quelques semaines…) et qui surtout demandera à être financée. Vu qu’il s’agit de mettre en place une Autorité Administrative Indépendante, je vois mal les industriels de la culture financer cette institution. Seul l’état peut le faire, et là ça va être drôle.

Il y a aussi la question du «qu’est-ce qui va tomber sur la tête des internautes pris la main dans le sac?». Ça n’est pas encore bien défini, et si un jour cette autorité administrative indépendante voit le jour on verra ce que cela donne en vrai. Mais l’accord ne prévoit apparemment qu’une procédure de désactivation de la connexion à Internet[1]…

Calamo, auteur du blog juridique Post-Scriptum, est d’avis que les téléchargeurs peuvent dormir sur leurs deux oreilles[2] (je vous incite à lire son article très détaillé, que j’ai largement pompé pour ce billet ;)). On verra bien ce qu’il en est d’ici quelques mois/années, mais il semblerait effectivement que les craintes de l’UFC sont à relativiser.

Pendant ce temps-là, les questions du développement de l’offre légale, de l’éducation des utilisateurs, de la rémunération équitable des auteurs… sont complètement en suspens, voire ignorées ou enterrées.

Note 1: Je ne suis pas juriste, mais il me semble que la désactivation de l’accès à Internet pourrait bien être problématique car moyennement légale (croisez-ça avec les problématiques des handicapés, des télétravailleurs, etc., et ça peut devenir assez drôle je pense).

Note 2: Calamo signale sur son blog que «dormir sur ses deux oreilles» est une exagération dangereuse: la loi n’a certainement pas changé et nous restons pour l’instant dans la situation des dernières années: pas de poursuites à grande échelle comme aux États-Unis, mais un certain nombre de procès «pour l’exemple».

ArtistX 0.4 Powua !

Après avoir annoncé la version 0.3, le dogmazine suit de près l’actualité de cette distribution GNU/Linux basée sur Debian orientée créations multimédia.

La grosse nouveauté de cette version 0.4, hormis les évolutions des paquets (Kernel 2.6.22, Ardour 2.1…) et interfaces graphiques (KDE 3.5.7 et Gnome 2.20) est la possibilité de participer au projet Powua. Le projet Powua est un projet open-source de mise en réseau des ressources d’ordinateurs (un peu comme les projets SETI ou Folding at Home) pour rendre des scènes 3d et réduire ainsi les temps de calculs des animations rendues sous Blender (par exemple). Le client est disponible sous Windows, Mac et bien sûr GNU/Linux.

En phase beta depuis octobre 2007, le site officiel propose de beta tester le système en envoyant un mail.

Powua est un projet basé sur le logiciel libre qui est maintenant dans bêta et donne des crédits libres pour render sur Blender + Dr.Queue + Yafray. Nous recherchons des betatesters et ainsi si vous voulez essayer demandez un code à beta@powua.com ou allez sur www.powua.com et obtenez plus d’informations.

Un beau projet à soutenir et à suivre de près pour toutes les personnes souhaitant se rendre la vie plus « collaborative » avec leurs oeuvres !

Sources : Softpedia, Linuxgraphics, ArtistX

L’art libre

Du son, de l’image, des mots librement accessibles, parfois ouverts à la modification voire à l’usage commercial. Les licences libres et de libre diffusion suscitent un mouvement alternatif de diffusion et de partage des œuvres.

Inspirées ou héritées du logiciel libre, un certain nombre de licences sont utilisées par des artistes pour encadrer les conditions de diffusion et d’utilisation de leur travail. Le phénomène touche tous les domaines : musique, littérature, arts plastique, cinéma… On désigne cette tendance par les termes de copyleft ou encore de Culture libre. Afin de passer tout de suite à la pratique, vous pouvez consulter le paragraphe figurant au bas de cette page, vous trouverez la mention d’une licence Creative Commons de libre diffusion. Le point commun de toutes ces licences est la libre diffusion. On peut télécharger, copier, donner et dans certains cas même vendre du son, du texte, de l’image… Mais les choses ne s’arrêtent pas là car certaines de ces licences permettent aussi à autrui de modifier l’œuvre et de diffuser ses propres modifications.Pour bien comprendre ce qui peut pousser un auteur à placer une de ses œuvres sous une telle licence, il faut également mentionner les obligations qui accompagnent ces libertés. D’abord, la diffusion, y compris commerciale doit citer la source, c’est à dire que l’auteur d’une œuvre doit être nommé. Ce principe vaut également pour les modifications, ce n’est pas parce qu’un tiers a modifié une œuvre qu’il peut s’en approprier la complète paternité. Il se doit de toujours citer ceux qui l’ont précédé. Dans les cas où les modifications sont autorisées, la condition est en général que les mêmes règles de partage et de diffusion soient respectées par la suite.A ces deux obligations correspondent les deux principales motivations des artistes utilisant ces licences.

Libre diffusion et publicité

En premier lieu autoriser la diffusion d’une œuvre en obligeant à citer son auteur est un moyen de se faire connaître. Ainsi en musique, où les licences de libre diffusion sont probablement plus répandues qu’ailleurs, nombre de musiciens se considèrent pris entre le marteau et l’enclume. Même distribués par une maison de disque, ils gagnent très peu, voire rien du tout sur la vente de leur disque sauf à compter parmi la poignée de très gros vendeurs. Du coup, le disque n’est pour eux qu’un moyen de se faire connaître.Par ailleurs, les groupes qui n’ont signé nulle part mais qui sont sociétaires de la SACEM connaissent un problème encore plus important. Nombre de radios sont directement liées à de grandes maisons de disques et les chances d’y être programmé correspondent plus au plan marketing des éditeurs qu’à des critères artistiques, la voie institutionnelle de diffusion est donc particulièrement difficile d’accès. La SACEM ne rémunère qu’une fraction de ses sociétaires, mais interdit toute diffusion gracieuse des enregistrements, y compris par les musiciens eux-mêmes. Du coup, difficile d’être effectivement écouté quand d’un côté l’accès à la diffusion radiophonique est bouché et que de l’autre, toute auto-diffusion est taxée pour pour rémunérer des artistes plus connus.

Pendant longtemps, ne pas rentrer à la SACEM était la garantie de ne jamais être diffusé et la certitude de faire une croix sur une éventuelle carrière. Mais l’avènement d’Internet a offert un média de diffusion inédit. Certains musiciens, considérant que l’accès aux médias conventionnels est très difficile et que sauf énorme succès ils ne toucheront jamais rien sur leurs disques, ont décidé de ne plus perdre sur les deux tableaux. Si, quel que soit l’angle d’approche, l’horizon demeure bouché, autant être écouté par le plus grand nombre au lieu de voir sa démo dormir dans le tiroir d’un producteur ultra sollicité et bordé par un plan marketing. Les licences de libre diffusion répondent à ce besoin.Des sites comme dogmazic.net, boxson.net ou le plus controversé jamendo.com hébergent de très nombreux morceaux librement téléchargeables mis à disposition sous une licence de libre diffusion par leurs auteurs. Ainsi un groupe aura plus de chance de voir du monde à ses concerts et pourquoi pas aussi lui acheter un CD en vente directe. En bref, il fera effectivement de la musique plutôt que de s’épuiser à essayer de devenir musicien. Qui a dit que le téléchargement tuait la musique ?

La démarche est assez proche dans l’édition et la littérature. Très peu d’auteurs, y compris ceux qui sont publiés, ont l’occasion de vivre de leur plume. Beaucoup ne passent jamais le cap de l’édition, ou alors à leurs propres frais. Là encore, la technologie numérique et notamment l’existence de services d’impression à la demande comme le très commercial lulu.com permet de proposer à la vente un livre papier en petit tirage. En France, inlibroveritas.net dont le mot d’ordre est « Littérature Equitable » se distingue par l’intégration impérative d’une licence de libre diffusion dans la démarche de l’auteur. Toutes les œuvres sont lisibles en ligne. In Libro Veritas propose plus qu’une boutique virtuelle mais plutôt la possibilité pour le visiteur de composer son livre avec les textes de son choix. Au-delà du service d’impression, une communauté, s’est mise en place et In Libro Veritas édite de façon tout à fait conventionnelle certains de ses auteurs.

En cinéma, la démarche est encore peu répandue car les budgets nécessaires sont nettement plus lourds, on trouve malgré tout un film d’animation Elephant Dream construit avec le logiciel libre Blender. Ses créateurs récidivent actuellement avec Peach et financent leur film par la souscription, en prévendant les DVD des films. En France Ralamax Production propose ses films sur internet et vise la rémunération par la pub. Pour ses créateurs télécharger ou regarder un film sur Internet est un geste naturel et banal et encore une fois la meilleure façon d’être effectivement vu.

Il est a noter que nombre d’artistes préfèrerait un modèle qui leur permette de toucher des revenus grâce à leur travail et qu’ils choisissent une licence de libre diffusion pour contrer un modèle qui les condamne au silence.

Usage commercial (ou pas)

L’autorisation d’une utilisation commerciale par un tiers, quasi systématique en informatique, est rarement retenue dans le domaine des arts mais correspond en général à la même logique de diffusion la plus large possible. Le profit qu’un tiers peut tirer de son travail personnel est alors considéré comme un moteur supplémentaire pour se faire connaître. Il n’est pas aisé de se dire que l’on abandonne le droit à faire fructifier son travail à n’importe qui, mais ceux qui font ce choix inversent généralement la problématique en se demandant si ne pas le faire leur permettrait de gagner de l’argent.

Les licences libres et de libre diffusion constituent donc un cadre juridique adapté à la diffusion numérique. Ce canal permet de déborder les canaux traditionnels de diffusion qui ne sont désormais ni accessible ni même rémunérateurs pour le commun des mortels.

Une certaine méfiance existe dans le domaine des arts, il faut noter deux différences fondamentales avec celui du logiciel. D’abord l’art n’est pas un objet fonctionnel comme un logiciel qui nécessite une maintenance continue et s’adapte bien à l’accumulation du travail.

Ensuite, le monde du logiciel libre a su mettre en place et maintenir ses propres canaux de diffusion et s’est immédiatement constitué comme un mouvement alternatif à une situation de quasi-monopole et dans un univers nouveau qu’est celui de l’informatique. En revanche, les canaux de diffusions conventionnels de type édition, télé, radio, vente de supports d’enregistrements est très institutionnalisé et sous contrôle. Du coup le spectre d’un sale coup où un artiste connu ou une structure commerciale, exploite à son plus grand profit le travail d’un humble artiste continue d’inquiéter. Certains se souviennent peut-être du dépit ressentit par certains artistes de la Mowtown en voyant Elvis Presley cartonner, sans partager le crédit, avec la musique qu’ils avaient eux-même composé quelques années auparavant.

Les vertus du partage

La publicité n’est pourtant pas l’unique motivation du libre partage des œuvres. L’envie de partager est réelle chez un grand nombre d’artistes. Il s’agit donc certes de se faire connaître, mais avant tout pour faire vivre son art. Certains artistes poussent la logique du partage encore plus loin en autorisant la modification de leur œuvre.

Cette pratique de la modification correspond généralement au sentiment qu’aucun créateur n’est jamais détaché de son contexte, chacun se nourrit du travail d’autrui. Du coup un artiste en autorisant la modification, rend symboliquement quelque chose au monde. Voire son travail repris et modifié est également vécu par ceux qui accepte le principe de modification comme une reconnaissance. Chez Dogmazic, on considère par exemple que la musique est une forme de savoir universel qui a pour vocation première de circuler. Même si elle peut donner lieu à un échange financier, elle est bien plus qu’une marchandise.

L’œuvre, susceptible d’être modifiée, acquerra une certaine autonomie. Ses éventuelles évolutions, reprises et modifications dessineront la vie autonome d’une œuvre qui n’a pas vocation à être figée ou dépendante de son auteur original.

Cette pratique n’est pas neuve. En musique tout particulièrement, la reprise de morceaux mais aussi la pratique parfois problématique du sample et du remix donnent encore une fois du relief à la question de la modification. Les licences libres viennent donc clarifier et reconnaître des pratiques préexistantes.

De même, les auteurs du film Varsovie Express, premier long métrage de Ralamax, ont l’intention de rendre accessibles les rushs de leur film à quiconque voudra les remonter, les réutiliser et affirment être curieux de voir le résultat. Denis Nerincx, auteur d’In Libro Veritas, a pour sa part été très touché de voir l’un de ses textes choisit par un jeune illustrateur pour exercer ses talents. La musique libre permet également de nourrir le cinéma ou encore les logiciels, notamment de jeu. Dans tous ces cas, le sentiment d’accomplissement créatif réside alors plus dans le plaisir de voir une œuvre reconnue, vivante, évolutive que dans le statut d’auteur ou la reconnaissance financière.

La condition le plus souvent associée à l’autorisation de modification, outre celle de citer l’auteur original, est généralement l’obligation de placer le travail dérivé sous une licence identique. On retrouve là le mécanisme qui fait la force du logiciel libre. Celui qui offre son travail à la modification s’assure que ceux qui pourront en bénéficier feront exactement la même chose, alimentant un cycle cumulatif.

Au delà de la licence, le modèle du libre se retrouve parfois dans les méthodes de travail, le cinéma ou la musique sont tout particulièrement des œuvres collectives, le fruit d’une osmose entre plusieurs créateurs. Les méthodes et les outils de travail collaboratif inventés par le logiciel libre donnent lieu à pratiques artistiques. Varsovie Express fonctionne ainsi sur le mode collaboratif tant pour la création que pour effectuer des choix. Côté musique, les « orgies » de Monculprod voient différents musiciens et paroliers se réunir par Internet pour construire un morceau petit à petit, chacun apportant un élément : texte, rythme, riff, ligne de basse, voix, cuivres…

Quelle qualité ?

L’autorisation de modification et la création collective encore plus que la libre diffusion contribuent à nourrir une culture vivante, généreuse et en perpétuel bouillonnement. Ce foisonnement est parfois dénigré. Il est considéré par certains comme une immonde soupe où domine la médiocrité, ce qui se distribue gratuitement serait nécessairement sans valeur.

La démarche d’ILV ou de Dogmazic est effectivement de laisser ouvert à tous. Monculprod dans son morceau-manifeste, Beuarhland, explique le principe. Nul élitisme, la démarche n’est pas de faire n’importe quoi mais d’y mettre de la conviction. Ce qui compte n’est pas tant la performance que l’honnêteté de la démarche.

Du coup on trouve de tout : une certaine dose de cabotinage certes, du manque de talent aussi, mais également du très bon et beaucoup de surprises car le formatage n’est pas de mise. La liberté de circulation se conjugue avec la liberté de création. D’autres projets sont en revanche plus sélectifs et ne proposent que ce qu’ils considèrent de meilleur. In Libro Veritas occupe une position intermédiaire, chacun peut déposer un texte sans avoir à subir de sélection et n’importe quel texte peut-être compilé dans un livre. En revanche In Libro Veritas effectue également un véritable travail d’édition sur un choix subjectifs de texte. Son créateur, Mathieu Pasquini a également édité un recueil de jeunes auteurs dénichés par un lecteur passionné, jugeant que ceux-là méritaient d’être lus. Un nouveau recueil des « jeunes pousses » d’ILV vient tout juste d’être diffusé. La vie de la communauté est dès lors le pendant humain qui fait vivre la création.

Une sélection, une politique éditoriale existe donc bel et bien mais a posteriori et sans limiter le droit à l’expression et à la diffusion de quiconque. Le droit à la médiocrité est paradoxalement un moyen pour laisser le meilleur s’exprimer. A l’auditeur/spectateur/lecteur d’être curieux, critique, attentif… Il dépasse alors largement le rôle du simple consommateur de « produits culturels » ou de divertissement dans lequel certains acteurs commerciaux de la branche aimeraient le faire rentrer.

Cet article est sous licence CC by-nc-nd a initialement été édité sur onirik.net

Pour en savoir plus sur la culture libre et le Copyleft :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Culture_libre

http://fr.wikipedia.org/wiki/Copyleft

Archive de mon émission de radio, dont une sur les différentes licences :
http://archive.symbiose.free.fr/

Le tableau résumé des licences :

http://www.dogmazic.net/static.php?op=tableau_licences.php

Lien vers les sites cités dans l’article (il y en a d’autres) :

http://inlibroveritas.net/

http://dogmazic.net

http://jamendo.com

http://boxson.net

http://www.ralamax.net

http://www.monculprod.org/

http://quitterlasacem.info

Radio Amarok

Les non linuxiens ne connaissent sans doute pas Amarok le lecteur/gestionnaire de fichiers musicaux le plus poussé sous linux (environnement KDE). Une petite piqûre de rappel.

amarok

Amarok est considéré comme le meilleur lecteur de musiques tout OS confondu. Ses fonctionnalités sont multiples et extensibles (grâce à des scripts conçu pour le logiciel).

Ses principales fonctionnalités sont :

  • Fonctionnalités de lecture
  • Intégration de logiciels
  • Interaction
    • Interaction avec des logiciels externes
    • Interaction avec du matériel
      • Support de l’iPod
      • Possibilité de configuration manuelle d’un appareil non reconnu (Lecteur format clef USB générique)
    • Gestion des raccourcis globaux
  • Fonctionnalités esthétiques
    • Fondu enchaîné (crossfading)
  • Interaction avec des Web services
    • Utilisation de MusicBrainz pour compléter les tags ID3 des chansons
    • Récupération des paroles des chansons
    • Récupération des couvertures d’albums sur le site Amazon
    • Intégration dans Amarok d’un onglet Wiki récupérant sur Wikipédia les articles sur l’album, l’artiste ou la chanson en cours d’écoute
    • Gestion intégrée et support des flux radio de Last.fm
    • Intégration du site de vente de musiques sans DRM Magnatune
    • Permet l’abonnement aux flux RSS pour la baladodiffusion

amarok

Venons-en au sujet de l’article maintenant.

Le site Radio Amarok est un site dédié à la promotion du logiciel ainsi qu’à la promotion de la « free music ». Ils sont un peu en panne d’idée design pour leur prochaine version de leur site, aussi ils demandent à leurs lecteurs/auditeurs de leur soumettre des idées ! Le tout devra être publié en CC-By-NC-SA et envoyé avec les sources en SVG/PNG/PSD avant le 3 novembre.

radioamarok

A vos gimp !

Sources :

Radio Amarok , Wikipedia , KDE-News.

Universal Edition = La culture qui paye pas c’est de la merde à éradiquer

Résumons sous un titre non pas violent mais simplement éloquent la nouvelle attaque des marchands à front de taureau contre la culture : le site IMSLP International Music Score Library Project qui propose plusieurs milliers de partitions du domaine public selon la loi canadienne moins restrictive que les lois européennes (50 ans après le décès du compositeur) a reçu des lettres de menace d’Universal Edition. Or on peut les télécharger depuis d’autres pays (cela s’appelle internet) et donc, le site est fermé.
Quelle grande victoire pour la culture, heureusement ainsi protégée, quelle grande victoire pour Universal Edition, « universel protecteur des arts ». Pouahh…

L’habituel choeur des vierges effarouchées, petites mains sans vergogne du flouze caïd mondial se récrieront « – mais comment, c’est normal, il faut bien rémunérer gna gna gna… » Taratata, il s’agit ici d’oeuvres du domaine public, plus guère rentables de l’aveu même de ceux qui détiennent les droits (lire infra), et ne veulent se fatiguer à rééditer, mais ne sauraient tolérer qu’accès soit offert sans graisser leurs fainéantes pattes.

Cela rappelle la pertinence de l’initiative eldred.cc, lancée par des défenseurs du domaine public, des biens communs, de la culture, dans les années 2002-2003 : il s’agissait – il s’agit toujours – de « sauver les oeuvres orphelines », c’est-à-dire, les oeuvres dont les ayant-droits n’ont plus que faire, se foutent, en fait, car ça ne paye plus.
Or donc, argumentaient Eric Eldred et ses compagnons, instaurons un processus simple : quand une oeuvre tombe ou va tomber dans le domaine public, si l’ayant-droit le juge de son intérêt, qu’il paye donc 1 dollar – oui : 1 dollar – pour prolonger la durée de ses droits. Sinon, preuve étant administrée par l’ayant-droit lui-même que l’oeuvre désormais lui indiffère, qu’elle soit versée au domaine public, pour que les amoureux de cette oeuvre puissent continuer à lui donner le soin qu’elle mérite, et qu’eux savent bien lui donner.
Mais non. L’affaire ne fut pas gagnée. Contexte Sonny Bono Act, les gros sous de Mickey, j’en passe, etc. On connaît la chanson.

Et voici donc le nouveau cas (merci à Xorios qui nous relaie ce message de chris28 sur Framagora) :

« IMSLP International Music Score Library Project qui propose plusieurs milliers de partitions du domaine public selon la loi canadienne moins restrictive que les lois européennes (50 ans après le décès du compositeur) a reçu des lettres de menace d’Universal Edition. Les partitions proposées étant téléchargeables à partir de pays où elles sont encore protégées. UE demande un filtrage des adresses IP ou la fermeture du site. Malgré le soutien des nombreux utilisateurs (universitaires, compositeurs, simple musiciens …) le site est actuellement fermé. Des propositions de reprise sont lancées notamment par le parti pirate suédois en espérant que toute la richesse d’IMSLPF puisse survivre.

Il est d’autant plus rageant que certains éditeurs possédant les droits sur des oeuvres ne les publient pas ou alors à des prix exorbitants. Un ami mexicain me racontait que beaucoup des superbes pièces pour piano de Manuel Ponce étaient introuvables car l’éditeur américain possédant les droits ne trouvait pas assez rentable de les publier. Appréciant beaucoup la musique de Louis Vierne (1870-1937), j’ai essayé de me procurer ses Préludes, Nocturnes et Solitude pour Piano mais ce n’est vraiment pas évident, il faut s’adresser directement à l’éditeur : les partitions sont parfois épuisées ou tout simplement introuvables en France (comme les Préludes). Finalement j’ai pu télécharger toutes ses oeuvres sur la page consacrée à Louis Vierne sur IMSLPF avant sa fermeture. Un projet comme IMSLPF doit être soutenu, il s’agit de protection du patrimoine musical mondial. Qui jouera du Vierne ou du Ponce si leurs oeuvres ne sont plus publiées ?

Forum d’IMSLPF : http://imslpforums.org/viewforum.php?f=1 »

Edit 24.0ct. : cicelle (comment. #7) apporte une précision : aucun lien direct entre Universal Edition A.G., l’édteur en question, et Vivendi Universal. Universal Edition n’est pas un département de VU. les relations existent cependant, par ex. Ricordi, le partenaire italien de UE A.G., est propriété de VU. mais bon : dont acte.

1000 jours de musique libre

Mille jours d’existence pour l’archive de musique libre de dogmazic.

logo Musique-libre.orgA l’époque, les Creative Commons n’étaient pas encore lancées en France et nous étions les seuls a consacrer une plate-forme à la musique en licence libre. Le site s’appelait musique-libre.org.
Depuis de nombreux acteurs ont vu le jour pour contribuer à l’essor de ce qui est devenu un véritable mouvement.

Longs débats avec la communauté du logiciel libre au sein de laquelle l’enthousiasme n’était pas unanime. Libres, pas très libres, nous parlons désormais de musique en licences ouvertes, montrant que l’ouverture ou la liberté accordée sont variables d’une licence à l’autre.

Au départ, il nous avait été bien difficile de rassembler quelques dizaines de titres à proposer sur notre site.
Quelques artistes toujours actifs sur dogmazic s’en souviennent encore.
Désormais, jusqu’à 200 000 écoutes et téléchargements sont effectués quotidiennement, plus de 16000 titres sont disponibles.

Les inscriptions de morceaux sur dogmazic

Ces 33 mois ont été denses, riches en rencontres, réelles et virtuelles, en débats passionnants et animés, et surtout une masse énorme de travail bénévole aujourd’hui déployée par une quinzaine de personnes, toujours dans l’urgence, avec les moyens ridicules que vous connaissez.
Nous étions trois au début de l’aventure, basés à Bordeaux. L’été suivant, le site a pris de l’assurance avec l’arrivée d’un programmeur digne de ce nom dont l’efficacité continue de nous épater : xulops. Deux excellentes recrues ont rejoint l’équipe en même temps : Christophe, dont le professionalisme a fait, par exemple, que la borne Automazic voit le jour, et Didier dont le dynamisme et l’enthousiasme sans faille a toujours permis de recadrer les débats et d’avancer.
Nous avons été rejoints ensuite par Edised, Marcovitch, Blacknose, Mpop, Aisyk, Julien, Pelf, qui ont su trouver leur place et chacun apporter énormément dans différents travaux, et le meilleur reste à venir.

Cette archive va aujourd’hui être disponible au sein des médiathèques et qui sait, plus tard dans d’autres lieux publics.
L’intérêt des médiathèques pour Automazic démontre une véritable reconnaissance de l’alternative que nous prônons depuis tant d’années. C’est assurer un peu plus la culture pour tous et par tous.

Quant à Pragmazic, il vise à structurer le secteur de la musique en licence ouverte. Car rappelons qu’un label est avant tout un soutien moral, artistique et logistique pour l’artiste. Nous espérons que Pragmazic contribuera à démontrer qu’un modèle juste est possible dans la distribution commerciale de la musique.

Nous avons le sentiment de ne jamais avoir trahi la mission que nous nous sommes fixée par l’objet de l’association Musique libre ! :

  • Soutenir & promouvoir la création & l’exploitation musicale indépendante dans le cadre des licences libres.
  • Militer pour la gestion individuelle des droits d’auteur auprès des sociétés civiles, organisateurs de spectacle, labels & diffuseurs.
  • Informer les artistes & le public sur les modes émergents de diffusion & d’exploitation des œuvres musicales à l’ère numérique & sur l’économie qui en découle.

Les mois et années qui viennent risquent de demander toujours plus de travail,
nous rappelons à tous que nous sommes éternellement à la recherche de développeurs, de graphistes, de rédacteurs, et de toute âme qui se sentirait un rôle dans ce projet.

Merci à tous de participer en tant que mélomane ou en tant qu’artiste au succès de cette aventure.

Un merci particulier à tous les généreux donateurs qui contribuent par leur générosité à maintenir dogmazic.net en vie.