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Philippe Aigrain, un auteur InLibroVeritas censuré ?

Nous reproduisons ici un article de notre confrère Mathieu Pasquini, gérant d’InLibroVeritas qui est en quelque sorte à la la littérature ce que Dogmazic est à la musique. Cet article démontre encore une fois la volonté des instances culturelles et gouvernementales à n’entendre qu’un seul discours sur le sujet épineux du téléchargement : celui de l’industrie du divertissement. Juge et partie ! voilà ce que nous propose le gouvernement comme réponse (graduée ?), et introduction à la future loi « création et Internet ». En effet, outre Philippe Aigrain, honteusement évincé au dernier moment de ces « assises du de la création sur internet », aucun acteur de la culture libre n’a bien entendu daigné être invité à s’exprimer sur le sujet…
Après le livre « un taureau dans l’arène » que l’ex-ministre de culture RDDV avait tenté de faire rentrer dans le rang (voir ici), voilà que Philippe Aigrain, l’auteur de « Internet & Création », homme de talent et de probité vient à son tour de faire les frais de la pensée unique.
Le 16 janvier prochain aura lieu au palais Bourbon des « assises du piratage », à sens unique comme le titre parfaitement Libération, autour du projet de loi « Création & Internet », aussi nommé HADOPI. Source sur LibérationD’emblée je réfute vigoureusement le terme de Piratage. Je rappelle que le pirate est celui qui vole le bien d’autrui par la violence. Un pirate ça prend des bateaux par le feu, un internaute ça télécharge au pire illégalement de la musique via Internet, sans que la le fichier soit enlevé à l’un par l’autre.Des « assises du de la création sur internet » aurait été un titre bien meilleur. Las, il y’a pire. La liste des invités est unidirectionnelle on y retrouve encore les même SACEM, SACD et autre pourfendeurs comme Michel Thiollière ou Pascal Rogard. Ces assises jugeront seulement à charge et sans aucune chance de plaider une autre cause, une autre vision, une autre intelligence. Qu’on le veuille ou pas, qu’on soit d’accord ou pas le monde de la culture a volé en éclat, et tout est différent et ne sera jamais plus comme avant. Le corbeau sur le buste de Pallas l’a dit déjà.

Fort heureusement Philippe Aigrain, l’auteur du livre « internet et création, comment reconnaître et rémunérer la création sur internet » était invité à ces assises afin de faire entendre une autre voix, et montrer une autre voie. Malheureusement il fut retiré de la liste des intervenants le lendemain même de l’annonce de sa participation.

C’est purement et simplement scandaleux ! comment peut on débattre dans ces conditions ? comment peut on oser faire un « coup » pareil à un homme qui se bat depuis des années pour un art libre, et qui propose des solutions concrète de rémunération des artistes ne peut il pas être invité à cette mascarade réunion.

Et ce n’est pas en renommant aujourd’hui le colloque en « Monde culturel et internet : vers une réconciliation ? » que nous allons être dupés.

En tant qu’éditeur et ami de Philippe Aigrain je m’insurge contre cette pratique malodorante qui vise à inviter un homme à une réunion important pour le congédier le lendemain. Et comme je ne suis pas homme à ne faire que parler je vais également agir, à commencer par ce billet et par vous demander de diffuser l’information autour de vous.

Et qu’on vienne par argumenter sur la non pertinence du modèle économique des licences libres, demandez à Nine Inch Nails ils en rigolent encore http://www.laquadrature.net/fr/ecransfr-nine-inch-nails-gratuit-et-best-seller

Restez libres et ne renoncez jamais…

Musique libre ? C’est possible, on y travaille, rejoignez-nous !

Par Ether-Michel Pillequant

Sur le mode de la Gnu GPL, s’élabore la FMPL ou free music public license : Rico Da Halvarez, collaborateur et correspondant en France de Ram Samudralah et Ensor, parle.

Vers une musique libre…

Zikos et amateurs de musique, ce message vous concerne !
Le texte qui va suivre se propose de vous causer d’un projet qui risque fort de révolutionner le marché de la musique, en pleine crise d’identité.
Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il me semble nécessaire de parler de GNU.
GNU est ce qu’en France les médias ont coutume d’appeler Linux (il serait plus juste de dire GNU/Linux
[1]), c’est-à-dire,
un système d’exploitation entièrement libre, des programmes informatiques libres eux aussi, fruit du travail souvent
bénévole de nombreux programmeurs à travers le monde. GNU est régi par une licence très particulière, la GNU
General Public License, qui garantit à tous :

  • La liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages (liberté 0).
  • La liberté d’étudier le fonctionnement du programme, et de l’adapter à vos besoins (liberté 1).
  • La liberté de redistribuer des copies, donc d’aider son voisin (liberté 2).
  • La liberté d’améliorer le programme, et de publier vos améliorations pour en faire profiter toute la communauté (liberté 3).

(extrait de la traduction de Karl Pradène d’un texte de Richard Stallman intitulé « Qu’est-ce qu’un logiciel libre ? »)

Il est à noter, comme le précise d’ailleurs M. Stallman dans le même texte, que libre ne veut pas dire gratuit. Il existe des logiciels gratuits qui ne sont
pas libres (freeware) à côté de nombreux logiciels et systèmes d’exploitation qui sont non seulement libres mais aussi gratuits (parfois
les utilisateurs payent pour leur copie d’un programme informatique libre, parfois, c’est gratuitement qu’ils l’obtiennent).
Le logiciel libre constitue une révolution, il circule sans entrave dans un univers pourtant marqué par la recherche du profit :
lorsque vous copiez un logiciel Microsoft, même gratuit, et que vous le refilez à un pote, cela s’appelle du piratage et c’est puni par la loi (le copyright n’autorise qu’une copie par personne, aucune modification du produit n’est tolérée).

Richard Stallman, fondateur du projet GNU a trouvé un procédé très astucieux pour diffuser les produits informatiques tout en les les protégeant :
le copyleft, ou copyright inversé.
Le copyleft donne le droit de faire autant de copies que l’on veut d’un logiciel libre ; la copie devient libre à son tour et acquiert automatiquement
le même statut que l’original, etc. Le but d’une telle entreprise étant de permettre à un plus grand
nombre d’utilisateurs d’accéder aux produits informatiques en invitant les programmeurs comme
les utilisateurs à « partager », « aider son voisin ».

La GPL n’est pas qu’une incitation à la copie et à la modification des logiciels
(accès au code source), elle est aussi garante du respect des auteurs de
logiciels libres (avant de mettre un logiciel sous copyleft, M. Stallman
suggère de le mettre d’abord sous copyright afin de protéger son/ses auteurs),
ainsi qu’un appel à un esprit plus communautaire, moins mercantile.
A titre d’exemple, une distribution GNU/Linux (il en existe un nombre croissant)
coûte rarement plus de 300 FF dans le commerce
[2]
et vous donne accès à des milliers de logiciels – dont celui que j’utilise pour
rédiger cet article. La quasi totalité des éléments du système et des
logiciels fournis étant libres et gratuits, vous ne payez en somme que
le packaging ; vous pourrez ensuite en faire ce que vous voudrez.

Tout ce préambule était destiné à vous éclairer sur le contexte dans
lequel s’élabore actuellement la Free Music Public License, héritière
musicale en ligne directe de la GNU GPL.

Musicien depuis un certain temps, je me suis toujours demandé quel
était le meilleur moyen pour diffuser la musique que je compose.
Cela m’embêtait fort d’être obligé de passer par une liste toujours plus
longue d’intermédiaires vampiriques, ou muets, et lorsque je me suis par
hasard intéressé au projet GNU, ça a tout de suite fait tilt : « Pourquoi pas
une licence du même type pour la musique ? ».
J’eus la chance d’échanger quelques mots avec R. Stallman sur ce
sujet lors de sa venue à Bordeaux l’été dernier, pour les rencontres
mondiales du logiciel libre. Il m’indiqua l’e-mail d’un étudiant de
l’Université de Berkeley, Ensor avec lequel je me mis tout de suite
en contact.
Ensor travaille actuellement avec l’aide d’un avocat, Me Lawrence
Lessig à l’élaboration du texte de la Free Music Public Licence (FMPL),
le texte est aussi en germination avancée chez Ram Samudrala, auteur
de nombreux – et fort instructifs – articles sur la philosophie de la
musique libre. Il existe déjà quelques sites web qui diffusent de la
musique libre, de nombreux musiciens y proposent déjà leur musique
(on trouvera en fin d’article les adresses de ces sites).

Lorsque son texte sera juridiquement validé, la FMPL donnera, comme
son inspiratrice informatique le droit de copier et de modifier la musique.
Elle protégera bien entendu les musiciens contre les entreprises
malhonnêtes telles que l’appropriation
« commerciale » de leur musique par un tiers qui n’y aurait apporté
aucune modification, et/ou aurait arbitrairement apposé son propre
copyright sans tenir compte du/des auteurs de celle-ci. Les clauses à
respecter impérativement pour diffuser de la musique libre sont de
joindre le texte de la licence à la musique (sous forme de fichier
informatique présent dans le CD, ou le fichier MP3) et de préciser les
nom et contact du/des contributeur(s) (de même, tout logiciel libre
est accompagné de la GNU GPL).

Toute entreprise commerciale sera régie par les termes de la FMPL,
celle-ci ayant pour but principal de créer une communauté de musiciens
solidaires, de stimuler la créativité par l’échange de connaissances dans
le respect et la courtoisie, de faire circuler et de protéger la musique en
légalisant la reproduction (fini le procès Napster !), d’autoriser la
modification (arrangements différents, samples, interprétation différente,
remix, ajout de paroles, d’instrumentation différente, reprises, etc.)
des oeuvres musicales et de supprimer les intermédiaires entre le
musicien et le public (vente directe, téléchargements ou CD, possibilité
pour le public d’enregistrer les concerts, etc.).

Il y a donc une réponse légale au trafic de copies illicites de CD :
la copie licite ou copyleft.
Il y a aussi une réponse au tarif exorbitant des CD (moins cher que le
vinyle, c’est ce qu’on nous disait dans les années 80, bilan, le CD est à
120FF, pour un coût réel de fabrication se situant largement en dessous
de 10FF).

Les musiciens ne touchent que 4% du prix versé par le public pour leurs CD ;
de plus, ce barème est variable (les musiciens « connus » reçoivent plus
de 4%, les autres, moins de 4%). A l’inégalité des chances entre les musiciens
provoquée par l’attitude cynique sans ambiguïté des « géants » du secteur,
à l’oubli de tant d’oeuvres musicales sous prétexte que celles-ci n’ont pas de
potentiel commercial, il y a une réponse : cette réponse, c’est la FMPL.
La FMPL sera sans doute terminée – au plan légal – courant 2001.
N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez des précisions supplémentaires
sur ce sujet épineux, ou si vous souhaitez soutenir notre action, ou encore,
si vous avez de bonnes objections à apporter à ce projet qui ne manquera
certainement d’en soulever de nombreuses et cruciales pour sa
pérennisation.

Toute contribution est bien entendue la bienvenue. J’invite tous ceux que
le sort des exclus (volontaires ou non) du show business (et ils sont aussi
nombreux que talentueux) intéresse à participer au développement du site.
Vous pourrez bientôt y télécharger la musique d’Exorciste de Style, de
Loubia Dobb System (deux projets auxquels je travaille), et de tous ceux
qui auront envie d’y proposer leur musique. Vous pourrez aussi vous y
exprimer sur la question, si elle vous intéresse.
Nous ne misons d’emblée que sur l’honnêteté du public, son sens des
responsabilités vis-à-vis de la société de consommation, et son respect supposé
des créations musicales. Le système actuel et le développement du MP3
a malheureusement enfanté une nouvelle race de consommateur : le
consommateur-voleur.
Celui-ci aura-t-il un peu plus de scrupules à s’approprier de la musique libre ?
Finira-t-il par acheter ma musique, et celle de ceux qui comme moi se sont
engouffrés dans cette brèche ? Il la paiera moins cher que celle qu’il ne
voulait plus payer, c’est déjà un bon argument. Il saura ensuite qu’elle
ne profite pas à un producteur véreux, mais à celui ou ceux qui l’ont
fabriquée.

Musiciens : la recherche seule du profit affame la créativité !
Ne sommes-nous pas de plus en plus nombreux à avoir les moyens
techniques de produire de la musique de qualité par nous-mêmes ?
Alors pourquoi attendre qu’un gugus en costard infroissable bleu
électrochoc daigne – peut-être un jour, rien n’est moins sûr d’ailleurs –
nous autoriser à pénétrer dans son joli bureau pour y signer le
contrat du-siècle-de-la-mort-qui-tue (« Un
havane, Serge ? »).
Nous pouvons nous passer de lui, n’est-ce pas, amigos ! Pour le moment,
un paquet d’entre nous sont
obligés de trimer à autre chose qu’à leurs compos pour gagner leur croûte.
Musiciens, mélomanes, labels indépendants de France, de Navarre,
d’Amérique ou du Lesotho, aidez-nous à libérer la musique de ce système
inégal et verrouillé, qui engraisse les uns pour mieux dépouiller les autres :
rejoignez le camp de la musique libre !

Wagdi, Eric Aouanes.

[1] Plus exactement, ce qu’on appelle une distribution Linux est en fait
la combinaison du système d’exploitation Linux et d’une flopée d’utilitaires
GNU conçus pour ce système (NDLR).

[2] Et beaucoup moins cher chez Ikarios, NDLR.

Ether-Michel Pillequant

Cet article a été publié dans le numéro de février 2001 de la Linha Imaginot dont je remercie les membres pour leur gentillesse !
Voir aussi :

  • musique-libre.com
  • vnatrc-bortch.org