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Chronique – Merfolk I Should Turn To Be



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Merfolk I Should Turn To Be est un album du groupe Soft And Furious. Ce groupe est l’un des projets du musicien connu sous le pseudonyme Monplaisir. Soft And Furious explore les contrées technoïdes de la synthwave, la musique est donc bardée de synthétiseurs année 80 et d’ambiances sombres de ruelles pluvieuses éclairées aux néons.

C’est un style revenu relativement à la mode ces dernières années notamment grâce à des français comme Kavinsky, Perturbator ou encore Carpenter Brut. Cependant ce Merfolk I Should Turn To Be se distingue par un son plus subtil et moins « In Your Face », non que la production soit particulièrement en dessous des standards, mais d’une volonté (me semble-t-il) d’ambiances plus épurées, laissant la place aux sonorités de se déployer plutôt que de nous noyer dans un déluge mélodique pouvant parfois être à la limite de l’hystérie. Vous remarquerez que c’était aussi l’une des caractéristiques de la musique de 1Up Collectif, chroniqué il y a quelques semaines.

En ce sens, dès le premier morceau on peut être surpris si l’on est habitué aux poncifs car le tempo est lent. Les premières secondes paraissent presque lancer un morceau furieux, alors que nous avons droit à une balade. Enchaînée ensuite par un titre ambiant semblant se dérouler sous l’eau.

Après ces deux pistes d’introduction, nous rentrons dans le cœur de l’album, car avec « Post Yes » le fan de clichés synthwave trouve un peu plus son bonheur, les basses vrombissent, la mélodie est cristalline, heureusement une irréductible nappe de synthé se charge de donner un peu de couleur à tout ceci.

Sur « Through The Water And Rain » la guitare électrique (synthétique sans doute) fait son entrée. En rythmique saturée ainsi qu’en larsens, elle confère au morceau l’urgence de la course-poursuite ou de la scène de combat (en tour par tour s’il vous plaît).

Le titre éponyme nous offre une intro contemplative, un long déroulement, un final. Le morceau est répétitif (peut-être un peu trop) mais est parfaitement dans la continuité du reste. Il marque la tension débouchant sur la fin de l’album.

Suit « Hyper Staying » qu’il faut mentionner pour son petit feeling lounge bar : sa basse jazzy, son piano et son solo de guitare clair, encore une balade me direz-vous ? Et bien oui, mais rien de tel pour illustrer les dernières révélations.

La fin approche et « Army Of You » est comme la péripétie inquiétante à la fin du récit, signifiant que toute l’histoire n’est, en fait, pas totalement finie.

« Dramatic Ending » fait pour moi office de générique de fin, c’est un titre lancinant et froid, laissant l’auditeur sur un vide bienvenu, car il donne envie de relancer immédiatement l’album.

Merfolk I Should Turn To Be est un excellent album du synthwave, plus contemplatif et lent que la plupart des albums du renouveau du genre,  il est donc plus proche de la musique faite réellement dans les années 80. Les passages subtils d’un genre à l’autre et l’absence de tempos rapides en font un album assez doux à écouter en toutes circonstances.

Lien Dogmazic 

Site Officiel de Monplaisir

Chronique – Descuartizando Resakas


GNU GPL (GNU Art)

Le rap est un style que j’écoute ponctuellement, par phases, pendant lesquelles j’écoute des nouveaux trucs et je refais le tour des anciens. Et c’est ainsi que j’ai découvert récemment, sur le tard, un « ancien ». Il s’agit de l’espagnol Pablo Hasél et son 5ème album Descuartizando Resakas (2009).

Dès le premier titre, on comprend illico que le niveau est haut, l’instru est simple et efficace, le flot est (très) rapide, précis et particulièrement sensible. Pablo rap en espagnol ce qui a un double effet : je n’y capte absolument rien et les mots chantant le deviennent réellement.

Les morceaux défilent et le tempo reste irrémédiablement groovy, les instru restent bien faites, la prod nickel et l’impression générale évoque le rap des années 90. Ça tombe bien c’est la période que j’aime le plus ! Les influences funk de la bonne époque, les chœurs, les voix pitchées, tout est là !

En termes de composition, l’album est sobre, peu de réelles surprises soniques, si le titre « 4d Toy » prépare l’explosion du morceau suivant, le tout est exactement là où il doit être : centré sur les voix et le flot. Quelques titres plus joyeux sont à remarquer : « El Gatillazo De Dios » et « Dime Cuanto He De Esperar » par exemple.

On ne voit pas le temps passer, porté par les mots et l’album se termine sur « Me Fundo Con Esta Resaca », titre que je trouve assez proche du style d’Eminem.

De ce que j’ai pu comprendre de sa page Wikipédia, Pablo Hasél est un rappeur et poète communiste engagé, sa musique est donc d’autant plus intéressante, j’imagine, si vous comprenez un peu l’espagnol. Le monsieur est productif (plusieurs albums par an depuis 2005) et pas moins de 19 albums présents sur Dogmazic.

Descuartizando Resakas sur Dogmazic

Chronique – Travel #1


CC by 3,0 (à l’exception de Reverse, placé sous CC by-nc 3,0)

 

Travel #1 de PJ.J & The Bad Neighbors est une galette électro plutôt orienté techno et big beat, ce dernier genre étant celui de prédilection de la série d’album « Travel ».

Une série d’albums qui porte bien son nom car elle nous fait voyager librement dans différentes sphères, pas vraiment linéaire. On sent que se sont typiquement des morceaux composés sans réellement envie de les faire participer à un tout (qui prendrait la forme d’un album), mais plus dans l’optique d’en composer pleins. En cela faire une série d’album numérotés fait tout à fait sens, c’est plutôt un point positif.

Les morceaux sont réellement bourrés d’influences diverses et variées (hip-hop par exemple). Ils font aussi souvent incursion dans d’autre genres tel que « Driver One » et « Cities », plus ambiant ou encore « Rhodesr » presque lounge et très easy listening. Impossible de ne pas mentionner aussi « Spy » titre plus électro/rock très bien réalisé.

Pour ceux qui ont pris peur en lisant techno et big beat, n’ayez crainte la musique de PJ.J & The Bad Neighbors est des plus accessible, pas de tempo trop rapide, pas de structure étrange, tout au plus quelques samples (souvent vocaux) viendront parfois égayer l’ensemble.

La production est très bonne, les sons sont bien travaillés et sont vraiment bien mis en valeur par le mixage. Les titres sont composés de manière simple et efficace, ce qui va très bien à ce style de musique. C’est donc du tout bon de ce côté-là.

PJ.J & The Bad Neighbors un groupe assez proche des The Chemical Brothers ou encore de The Prodigy, en moins furieux cependant. Si vous avez en mémoire la bande son du film Fight Club des Dust Brothers, certains passages de Travel #1 vous y feront certainement penser.

Vous pouvez trouver cet album sur Dogmazic 

Chronique – Done !

Done !


CC by-sa 3,0

Done ! Est le 3éme album du quatuor français Tdbt And The Garys. Après le génial (quoi un peu sous-produit) À La Poursuite De René Fonck, et le non moins excellent Garys Dans La Brume, le petit nouveau (bon ok il date de 2014) dernier n’a rien à envier à ses aînés.

Il se démarque même assez largement, sa production est nettement au-dessus et comparativement il fait preuve d’une richesse sonore légèrement moindre, il est aussi plus direct et épuré. Mais c’est surtout un album plus sombre que les précédents.

Tdbt And The Garys nous avait habitué à du son électro/funk instrumental allant du trip-hop à la drum’n bass. Ici le funk ne se ressent plus que par quelques synthés cotonneux, ou quelques breaks typiques car le rock fait une incursion assez remarquée. C’est principalement sur « Feed The Strokes », avec son air de bande original de Fight Club que ça se ressent, mais en réalité l’album introduit ça dés le violoncelle dépressif de « Kill The Strokes », ça continue sur « Postrockdeux », ses voicing fantôme et ses divers plans de gratte. En fait seul « Get Champaign » peut être qualifié de morceau joyeux.

Tout ceci a un feeling qui m’a vraiment fait penser au groupe Blue Haired Girl (c’est un compliment) et son album « L’Éloignement », dont je vous parlerai sûrement un jour.

Pour autant l’album est très bon, tant dans les rafraîchissements que produisent les nombreux breaks, que dans la composition générale. On regrette le faible nombre de titres, seulement 6, même si évacuer les morceaux courts qu’on trouvait sur les précédents opus fait sans doute partie de l’évolution que marque cet album dans le style du groupe.

Toujours aussi électro, toujours un peu funk et fou, toujours autant de la bonne came pour passer en soirée (ou ailleurs bien sur).

Le Bandcamp de Tdbt And The Garys 

Vous pouvez trouver cet album sur Dogmazic 

Chronique – Red Sheep Red


CC by-sa 4,0

Blackwingedsheep, littéralement le mouton noir ailé, est un groupe de métal italien. Red Sheep Red est daté de 2015, c’est leur 10ème release sur Dogmazic.

On a ici faire à un album que je qualifierai de black métal technique, c’est un peu simpliste sans doute, mais le « style officiel » (que le netlabel indique pour le groupe) ne vous aidera pas plus puisqu’il s’agirait d’Acrobatic Math Metal. Hé ouais ! Pour ma part, je trouve que le feeling général, les guitares, ainsi que les ambiances sont assez clairement identifiées black métal.

On commence l’album sur « Like Blood… » un morceau death/black remplie de ponts techniques. Si la batterie peut, sur le début, paraître trop synthétique cela s’améliore lorsqu’on quitte les gros blastbeats. D’ailleurs je ne suis pas fan du son de la grosse caisse sur ce premier morceau… Les néophytes seront sans doute un peu remués par ce morceau dont les parties s’enchaînent très rapidement, ce qui nécessite vraiment de l’attention de la part de l’auditeur pour ne pas se perdre. C’est très « in-your-face » pour commencer l’album, ce qui est finalement très bien.

« Ocean » là tout s’améliore, si je puis dire, le morceau est plus accessible, plus ample dans les riffs et les ambiances. On y retrouve ce son de guitare malsain qui apparaissait déjà sur le premier morceau, mais il est ici un peu plus exploité dans la durée, ainsi que des ponts où les deux guitares s’entrecroisent sur la seconde partie. Nous avons là un excellent titre !

« Atom » est un morceau tout en progression, les ponts se font plus atmosphériques et là encore tout un travail est fait sur l’ambiance du titre.

Sur « When The Sheep Becomes Red » un plan type balade métal se tire la bourre avec des phases plus rentre-dedans. Un chant clair apparaît, venant appuyer la sorte de refrain du titre. Cela créé ce qu’il faut d’aérations dans le titre pour qu’il soit vraiment excellent, c’est l’un des meilleurs morceau de l’album.

« Don’t Clean Up This Blood » est une pièce calme basée sur des arpèges de guitare et un chant parlé (déjà entendu sur « Atom »). Le morceau décolle à la fin, mais sans réellement atteindre la brutalité des titres précédents.

« Red Flow Line » reprend sur des rythmiques syncopées habituelles, et soudain, un nouveau chant clair apparaît (encore un type de chant différent oui!). Le morceau est lui aussi typique du reste de l’album, même s’il a pour lui des ponts encore plus calmes et épurés. J’ai personnellement trouvé les riffs un peu moins sympa que sur « When The Sheep Becomes Red », mais le morceau reste bon.

Finalement s’ouvre « Super Sic », le dernier titre de la galette. Les blastbeats y côtoient un chant bien punk dans une furie salvatrice qui éclate, introduisant une rupture dans l’album afin de permettre au final de se déployer.

Red Sheep Red est un très bon album, alternant métal technique et des breaks ambiant (pour se reposer), du chant death mixé avec tout un tas de types de chants clair. Si je pense que le dernier titre aurait pu être plus long afin d’encore plus marquer la rupture avec le reste, les compositions sont très bien équilibrées. Il s’éloigne des contrées black légèrement électro des albums précédents mais déploie son « acrobatic math métal » de fort belle manière. Avis aux métalleux !

 

Site de Sheep United Nation (netlabel)

Vous pouvez trouver cet album sur Dogmazic

Chronique – Live à L’Astrolabe d’Orléans par Kallima


CC by-nc-nd 2.5

Aujourd’hui c’est du lourd ! Aujourd’hui on cause de Kallima, un groupe orléanais (et non ohrélandais, ça sera peut-être pour une prochaine fois) pratiquant un style de musique fusion électro-ragga.

Et pour rentrer dans la musique de Kallima, je vous propose qu’on s’intéresse à ce Live à L’Astrolabe d’Orléans daté de 2009. Il débute sur le morceau Naferone, morceau qui débute aussi l’album Prémis n°1 du groupe. Immédiatement les ambiances s’enchaînent, si le début est planant très vite le beat démarre pour suivre le rythme endiablé de la voix. Le chant est particulièrement remarquable : ragga et scat, emplie d’improvisations diverses, il s’en dégage une énergie tout bonnement hallucinante. Dès le second morceau : Shal’um, nous plongeons dans un univers résolument plus world où le ragga flirt avec la guitare électrique produisant un ensemble propice à la transe.

Le reste du Live file à toute vitesse entre les incursions funk, les harangues à la foule et les délires, ces 60 et quelques minutes sont pleines de bonnes humeurs.

Alors que les percussions se lâchent et que le sax se déchaîne à la fin du set, on continue de danser et quand la musique s’arrête enfin, on se dit qu’on en reprendrait bien un peu. Juste un peu. Par gourmandise.

Et Kallima c’est un peu ça, un gros gâteau avec pleins de couches, chacune avec un goût différent et tout un univers propre dont le duo à gardé l’essence pour enrichir la musique, la faire plus dansante, plus joyeuse, parfois plus triste, plus épuré, plus intimiste. Pas de barrières et visiblement beaucoup de plaisir pris à jouer ces morceaux.

De la musique bien vivante et organique en somme, je vous garantis que c’est communicatif !

Bandcamp de Kallima

Vous pouvez trouver ce live sur Dogmazic

Chronique – Mellow Man de Nicoco

Mellow Man


CC by-nc-sa 3.0

Mellow Man est paru en 2015 sur Dogmazic, c’est un album de musique orchestrale réalisé par un compositeur se nommant Nicoco. De la discographie pléthorique du monsieur j’ai choisi de vous présenter cet album car il a deux atouts pour moi : son premier morceau complètement jouissif et sa variété sonore.

Musique orchestrale hein ? Plus précisément, la plupart des morceaux de Mellow Man pourraient être des bandes originales de film ou de jeux vidéo, par exemple « Le Beau Blaireau » ou « Dancing Clock » font diablement écho à l’excellent Rayman Origin tandis que « Tango’s Revenge » lorgnera du côté de l’OST de l’étrange Killer 7 (sur Gamecube pour les connaisseurs). Mais pas de doutes, si ce sont les noms qui me viennent à l’esprit, il y a fort à parier que ces mélodies vous en évoqueront d’autres tout autant valables. Si on peut presque parler d’un certain conformisme musical, faisant de Mellow Man une victime du symptôme du « ça sonne comme autre chose qu’on connaît » (de manière parfois un peu pompeuse), il faut reconnaître un talent certain à Nicoco : celui de jouer sur des sentiers balisés (ce qui n’est pas si évident) et d’arriver tout de même à tirer son épingle du jeu par la qualité de composition mais aussi par la richesse de sa matière sonore.

Une richesse qui vient aussi de la générosité de cet album, pas moins de 42 pistes allant de 2 à 6 minutes. On passe de morceaux enjoués et joyeux à des pièces plus contemplatives ou sombres, de l’usage de trompettes, d’accordéon ou de synthé, à, plus sobrement, du piano. Certains thèmes sont repris donnant lieu à des morceaux estampillés « 2 », marquant un retour bienvenu à certaines ambiances (« Forgotten Tales » par exemple).

Encore une fois (et vous le verrez souvent dans ces chroniques), c’est un album que je trouve fou : Il est riche, varié, clairement créé avec l’amour des belles mélodies en tête, définitivement créé à des fins d’illustration sonores et cependant il parvient toujours à réveiller l’auditeur avec quelques trouvailles ou quelques libertés prises.

A défaut d’apprécier tout l’album (les goûts, les couleurs, tout ça) vous trouverez forcément dans Mellow Man quelques tracks qui vous plairont.

Vous pouvez trouver Mellow Man sur Dogmazic

Menaces sur la culture libre en Europe

Voici un article en CC BY tiré du blog de Christophe Masutti.

Le 15 mai 2017, l’Electronic Frontier Foundation, célèbre ONG œuvrant pour la libertés des droits sur Internet, a publié une tribune inquiétante sur les menaces que font peser sur la culture libre (les licences libres) certains amendements au projet de Directive Européenne sur le Marché Unique Numérique.

La proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique fait l’objet de nombreuses critiques et certaines sont indiscutables comme celle de Ronan Hardouin qui met en lumière les menaces réelles sur la liberté d’expression.

Les amendements en question dans le texte de l’EFF, et qui nétaient alors pas encore rendus publics, sont portés par la CULT, la Commission de la culture et de l’éducation du Parlement Européen. Ils ont ont été revus en septembre 2017, à l’occasion de la publication officielle de l’avis, sans pour autant désamorcer leurs caractères dangereux, et j’ajoute, sous l’article de l’EFF dont je propose la traduction, un focus sur l’amendement à l’article 14.

Voici le texte de l’EFF, publié le 15 mai 2017 sous le titre « Secret New European Copyright Proposal Spells Disaster for Free Culture », par Jeremy Malcolm, (sous licence CC-By).

Une nouvelle proposition secrète sur le droit d’auteur en Europe : un désastre pour la culture libre

L’EFF a pris connaissance d’une nouvelle proposition de loi européenne qui vise les services de streaming en ligne, mais qui portera un coup sérieux aux créateurs et à leurs fans. La proposition, qui interdirait pour de bon aux services de streaming d’héberger des œuvres sous licence libre, pourrait mettre fin à des services comme Dogmazic, qui offre l’accès à de la musique gratuite en ligne, et dresser de nouveaux obstacles à l’offre d’œuvres sous licence libre sur d’autres plateformes.

Tout cela fait partie de la nouvelle directive européenne sur le Marché Unique Numérique(EU), qui fait actuellement l’objet d’un accord entre les trois institutions européennes (la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne) qui devront se mettre d’accord sur son texte final. Dans ce processus, des propositions d’amendement au projet initial de la Commission sont présentées par plusieurs commissions du Parlement européen. Nous avons déjà sonné l’alarme à propos d’autres aspects de cette directive, y compris la taxe abusive sur les liens et les projets de filtrage des téléversements, qui font l’objet de négociations en cours.

Mais cette dernière proposition d’amendement, qui provient de la gauche, serait ajoutée à une autre section de la Directive, qui propose de garantir aux auteurs une rémunération équitable pour l’utilisation de leurs œuvres, un objectif que l’EFF soutient par ailleurs. La commission parlementaire qui dirige les négociations est la commission des affaires juridiques (JURI), mais d’autres commissions préparent des avis sur le projet et peuvent également proposer leurs propres amendements. Cette proposition est émise par la Commission de la Culture et de l’Éducation (CULT). Bien que le texte de la proposition ne soit pas disponible en ligne, étant donné qu’il est en cours d’examen par le rapporteur et les rapporteurs fantômes du CULT à huis clos, l’EFF en a obtenu un exemplaire, où l’on trouve :

Les États membres veillent à ce que, lorsque les auteurs et les artistes interprètes ou exécutants transfèrent ou cèdent le droit de mettre à la disposition du public leurs œuvres ou d’autres objets pour des services en ligne à la demande, ils conservent le droit d’obtenir une rémunération équitable découlant de l’exploitation directe de leurs œuvres présentes dans le catalogue de ces services.

Le droit d’un auteur ou d’un interprète d’obtenir une rémunération équitable pour la mise à disposition de son œuvre telle que décrit au paragraphe 1 ne peut être renoncé.

En bref, à l’endroit des œuvres protégées par le droit d’auteur mises à disposition sur les services de diffusion en continu en ligne, cela revient à créer une taxe payable aux sociétés de gestion collective qui gèrent les droits au nom des auteurs et des artistes interprètes ou exécutants (bien que la taxe elle-même soit distincte des droits patrimoniaux du titulaire du droit d’auteur). La taxe ne peut pas être exonérée par les auteurs ou les interprètes eux-mêmes, ce qui signifie que même s’ils veulent rendre leurs œuvres disponibles en ligne gratuitement, la loi leur lierait les mains et l’interdirait. Le site de diffusion serait toujours tenu de mettre de l’argent de côté pour « une juste rémunération » des auteurs et des interprètes, qu’ils le veuillent ou non.

La proposition semble s’inspirer d’un amendement similaire qui a été présenté au Chili l’année dernière et qui a malheureusement été adopté peu après que nous en ayons parlé, sans débat de fond. Il n’est pas rare que des mesures comme celle-là apparaissent en Europe ou en Amérique après qu’un petit pays les ait adoptées. L’agenda de l’industrie du disque en matière de propriété intellectuelle est un agenda mondial, et il est souvent opportun qu’elle établisse un précédent ailleurs dans le monde, là où la résistance à ses propositions pourrait être plus faible, avant de le faire passer dans des économies plus vastes.

Cet amendement éliminerait l’un des rares avantages dont jouissent les petits artistes indépendants pour promouvoir leur travail en ligne : la possibilité de le rendre disponible gratuitement. Pour certains de ces artistes, la mise à disposition gratuite en ligne de leurs œuvres constitue une base de fans pour soutenir les futurs contrats de licence, les tournées de concerts et les ventes de marchandises. D’autres peuvent publier une partie ou la totalité de leur travail gratuitement pour des raisons non économiques, par exemple pour communiquer un message, ou simplement pour l’amour de leur art. Certes, tous les artistes ne le font pas. Mais la loi telle qu’elle existe actuellement leur offre au moins un choix. Soit ils peuvent concéder des licences pour diffuser leurs travaux sur des plateformes de streaming pour de l’argent, soit ils peuvent les mettre gratuitement à la disposition de ces plateformes. Mais si cet amendement est adopté, ce choix leur sera retiré.

Les perdants de cette proposition sont au nombre de quatre. Les plus grands perdants sont peut-être les créateurs eux-mêmes, qui devront affronter de nouveaux obstacles entre leur art et leurs fans et collaborateurs. Les services de streaming seront également perdants, car ils devront faire face à des dépenses plus élevées et ne pourront plus fonctionner de manière non commerciale, même s’ils ne diffusent que du contenu sous licence libre. Les fans, bien sûr, en pâtiront en raison de la réduction de la disponibilité légale de musique et de vidéo gratuites en ligne. Et même l’industrie du droit d’auteur en sera affectée, car l’augmentation des coûts des services légaux de streaming peut inciter les créateurs et les fans à revenir au partage de fichiers en peer to peer, où les œuvres portant atteinte au droit d’auteur sont également échangées.

Dans la mesure où cette proposition bénéficie du soutien d’une majorité des groupes politiques européens au sein du CULT, si rien ne change, il est fort probable qu’elle soit adoptée au moins par cette commission. La prochaine réunion des rapporteurs aura lieu le mardi 16 mai, nous n’avons pas de temps à perdre pour tirer la sonnette d’alarme quant au caractère déplorable et destructeur de cet amendement. Une liste des membres du CULT qui étudient la proposition peut être trouvée ici, avec les coordonnées des contacts par courriel et médias sociaux.

Les partisans européens de l’EFF sont instamment invités à transmettre à leurs représentants un message simple: s’opposer à toute modification de la directive sur le marché unique numérique qui créerait un nouveau droit inaliénable à une rémunération équitable sur les plates-formes de diffusion en ligne. L’avenir de la culture libre en Europe en dépend.


Notes

Attention : l’avis en question a été proposé le 4 septembre 2017 (PE 595.591v03-00), incluant de substantives modifications.

On trouve désormais dans cet avis un amendement à l’article 14bis :

Droit à une juste rémunération pour les auteurs, interprètes et exécutants auquel il ne peut être renoncé

  1. Les États membres veillent à ce que lorsque les auteurs, interprètes et exécutants transfèrent ou cèdent le droit de mettre à la disposition du public leurs œuvres ou autres objets pour leur utilisation par des services de la société de l’information mettant à disposition des œuvres ou autres objets par le biais d’un catalogue sous licence, ces auteurs, interprètes et exécutants conservent le droit d’obtenir une rémunération équitable pour cette utilisation.
  2. Les États membres interdisent la renonciation au droit des auteurs, interprètes et exécutants à une rémunération équitable pour la mise à disposition de leurs œuvres comme décrit au paragraphe1. Le paragraphe 1 ne s’applique pas lorsqu’un auteur, interprète ou exécutant autorise le libre exercice d’un droit non exclusif, à tout utilisateur, pour l’utilisation de son œuvre.
  3. La gestion du droit à une juste rémunération pour la mise à disposition des œuvres d’un auteur, interprète ou exécutant est confiée à la société de gestion collective compétente. […]

Au paragraphe 2 on peut se demander ce que signifie, pour un auteur, que d’accorder l’autorisation du « libre exercice d’un droit non exclusif » pour l’utilisation de son œuvre. En effet l’expression « licence libre » n’apparaît aucunement et ce n’est pas parce que le mot « libre » est mentionné qu’il s’agit pour autant d’une référence à la culture libre.

Rappelons qu’une licence peut être exclusive (le titulaire accorde un droit à une seule personne) ou non exclusive (le titulaire accorde un droit à plusieurs personnes). Mais renoncer à l’exclusivité des droits ne signifie pas pour autant qu’on puisse placer une œuvre sous une licence libre qui, par exemple, suppose que l’œuvre puisse être reproduite, modifiée et diffusée tout en respectant la paternité de l’œuvre mais sans obligation de contrepartie financière, même si une utilisation commerciale d’une œuvre libre est tout à fait fondée. En d’autres termes, le choix d’une diffusion commerciale ou non est de ce fait absolument refusé par cet amendement, comme s’il n’y avait pas d’autre alternative que celle qui consiste à non seulement diffuser de manière commerciale mais aussi, en plus, de devoir conférer à une société de gestion collective la gestion des droits « commerciaux » de l’œuvre. Clairement cet amendement est une manière, pour les sociétés de gestion collective, de « récupérer » le marché de la culture libre qui a l’outrecuidance (malheureux !) de produire des œuvres et les diffuser sans que ces sociétés puissent se faire du blé sur leur dos (déjà en 2010…).

Ainsi, malgré sa révision, l’amendement tue dans l’œuf toute tentative de diffusion d’œuvre sous licence libre :

  • si la diffusion sous licence libre est commerciale, elle doit s’acquitter d’une taxe à la société de gestion collective (mais alors que faire des œuvres dérivée, modifiées, comme le permettent les licences libres, et qui provoquent de ce fait un problème d’identification de l’œuvre et aussi de l’auteur : qui est réputé auteur ? l’auteur originel ? les groupe d’auteurs incluant l’auteur originel et les modificateurs ? etc.),
  • si la diffusion sous licence libre est non-commerciale… elle ne peut plus l’être, vu qu’il faut bien trouver de l’argent pour payer la société de gestion collective,
  • il faut inventer des solutions pour maîtriser la circulation des œuvres de l’esprit de manière à ce qu’elles entrent dans modèle économique imposé, ce qui revient donc, par effet de bord assez immédiat, à aliéner la liberté d’expression.