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Chronique – Red Sheep Red


CC by-sa 4,0

Blackwingedsheep, littéralement le mouton noir ailé, est un groupe de métal italien. Red Sheep Red est daté de 2015, c’est leur 10ème release sur Dogmazic.

On a ici faire à un album que je qualifierai de black métal technique, c’est un peu simpliste sans doute, mais le « style officiel » (que le netlabel indique pour le groupe) ne vous aidera pas plus puisqu’il s’agirait d’Acrobatic Math Metal. Hé ouais ! Pour ma part, je trouve que le feeling général, les guitares, ainsi que les ambiances sont assez clairement identifiées black métal.

On commence l’album sur « Like Blood… » un morceau death/black remplie de ponts techniques. Si la batterie peut, sur le début, paraître trop synthétique cela s’améliore lorsqu’on quitte les gros blastbeats. D’ailleurs je ne suis pas fan du son de la grosse caisse sur ce premier morceau… Les néophytes seront sans doute un peu remués par ce morceau dont les parties s’enchaînent très rapidement, ce qui nécessite vraiment de l’attention de la part de l’auditeur pour ne pas se perdre. C’est très « in-your-face » pour commencer l’album, ce qui est finalement très bien.

« Ocean » là tout s’améliore, si je puis dire, le morceau est plus accessible, plus ample dans les riffs et les ambiances. On y retrouve ce son de guitare malsain qui apparaissait déjà sur le premier morceau, mais il est ici un peu plus exploité dans la durée, ainsi que des ponts où les deux guitares s’entrecroisent sur la seconde partie. Nous avons là un excellent titre !

« Atom » est un morceau tout en progression, les ponts se font plus atmosphériques et là encore tout un travail est fait sur l’ambiance du titre.

Sur « When The Sheep Becomes Red » un plan type balade métal se tire la bourre avec des phases plus rentre-dedans. Un chant clair apparaît, venant appuyer la sorte de refrain du titre. Cela créé ce qu’il faut d’aérations dans le titre pour qu’il soit vraiment excellent, c’est l’un des meilleurs morceau de l’album.

« Don’t Clean Up This Blood » est une pièce calme basée sur des arpèges de guitare et un chant parlé (déjà entendu sur « Atom »). Le morceau décolle à la fin, mais sans réellement atteindre la brutalité des titres précédents.

« Red Flow Line » reprend sur des rythmiques syncopées habituelles, et soudain, un nouveau chant clair apparaît (encore un type de chant différent oui!). Le morceau est lui aussi typique du reste de l’album, même s’il a pour lui des ponts encore plus calmes et épurés. J’ai personnellement trouvé les riffs un peu moins sympa que sur « When The Sheep Becomes Red », mais le morceau reste bon.

Finalement s’ouvre « Super Sic », le dernier titre de la galette. Les blastbeats y côtoient un chant bien punk dans une furie salvatrice qui éclate, introduisant une rupture dans l’album afin de permettre au final de se déployer.

Red Sheep Red est un très bon album, alternant métal technique et des breaks ambiant (pour se reposer), du chant death mixé avec tout un tas de types de chants clair. Si je pense que le dernier titre aurait pu être plus long afin d’encore plus marquer la rupture avec le reste, les compositions sont très bien équilibrées. Il s’éloigne des contrées black légèrement électro des albums précédents mais déploie son « acrobatic math métal » de fort belle manière. Avis aux métalleux !

 

Site de Sheep United Nation (netlabel)

Vous pouvez trouver cet album sur Dogmazic

Éditorial de novembre 2017 de linuxmao

Éditos

Novembre hérite son nom du chiffre 9, novem en latin. Dans l’antique calendrier romain, c’était le neuvième mois de l’année puisque celle-ci débutait en mars.
En 1564, Charles IX promulgua l’édit initialisant l’arithmétique du temps telle que nous la connaissons, avec le 1er janvier 1565 comme point d’origine.
Je t’ai ignoré, Charly, et pourtant j’aurai usé de ta trouvaille chaque jour de ma vie. Quelle ingratitude !
Novembre passa ainsi du rang de neuvième mois de l’année à celui de onzième, devenant une absurdité étymologique au même titre que septembre, octobre et décembre (7, 8 et 10).
En 1792, les députés de la Convention décidèrent que l’an I de la République débuterait le 22 septembre 1792 et adoptèrent un découpage du temps d’une jolie complexité avec sextiles, bissextiles, décades et les sans-culottides qui sont les 6 jours d’ajustement destinés à rattraper les décalages en fin d’année. Chaque mois ne comptait, en effet, que 30 jours. Bref, une machinerie infernale, pas mnémotechnique pour deux sous, incapable de faciliter les décomptes du citoyen n’ayant connu que l’ancestral calendrier de Charly.
Novembre se trouva ainsi partagé entre Brumaire et Frimaire, mois des brumes et mois des frimas.
Ce calendrier fut aboli par l’Empire, le 22 fructidor de l’an XIII (9 septembre 1805). L’expérience avait produit des résultats médiocres, elle dura à peine 13 ans et prit fin le 1er janvier 1806. Charly obtint ainsi sa revanche car c’est à nouveau son rythme qui régit le tempo universel.
Pas de doute, c’est bien ce bon vieux novembre des brumes et des frimas que nous allons traverser ensemble sur linuxmao. Il n’y aura ni brouillard ni froid ici, juste l’habituel noyau magmatique, fait d’entraide et de partage, irradiant sa constante chaleur quels que soient les mois, les saisons et les années. N’en déplaise aux romains, à Charly et aux députés de l’an I !

Quoi de neuf ?

Depuis la parution du dernier éditorial, nous ont rejoint : Alodaf, alexchant, dmaxy, Baz, jcelerier, Anastasia.01, technomagniaque, gp4004, FLB44, fdf, oranjezhadu, lordarkrems, christine gallot, EIJULES, bobby12, Kuluse, C4-53, leclar, Respire, Fonky62, Gopherlechien, rosjjim, Upal, Burnus_1er, Odysseus Libre, yomboul, Soss, BaguetteAgile72, Oscardici, popayann, Valtena, yannboc, lemaitresantos, fourat, Lysergik et aletheia.

Bienvenue à vous toutes et tous !

Les entretiens sont relancés après plusieurs années de silence-radio. Pour inaugurer cette renaissance, sub26nico a soumis des questions à bluedid29, vous pouvez lire ses réponses dans la nouvelle : Les entrevues de LinuxMao-bluedid29.

Musique sur linuxmao

La douzième joute de linuxmao se clôt sur la victoire d’olof. Compliments !
Les participants devaient livrer leurs interprétations autour du thème imposé : Cuba.
Ce fut une joute riche et très diverse. Les 7 participants nous ont laissé entendre chacun sa sensibilité, chacun sa technique et chacun sa façon singulière d’aborder le thème.
Quand aux styles musicaux, ils couvrent, une fois encore, un vaste territoire qui va du R’n’R à la manipulation conceptuelle de matière sonore audio-numérique.
Aucun n’a démérité, tous ont travaillé d’arrache-pied et méritent félicitations et encouragements.
ProgramLyrique a piloté avec brio le vaisseau amiral, collecté les œuvres et dépouillé les votes, nous livrant le résultat final dès son retour de Chine. Un grand merci !

Rappelons ici que chaque participant aux joutes met sa sensibilité et beaucoup de son temps en partage.
Les votes et commentaires n’ont pour seul objet que la mise en évidence de points techniques perfectibles, jamais la mise en cause de styles, de parti-pris créatifs ou de sources d’inspiration.

Dernière minute : olof ayant remporté deux joutes, ce n’est pas au vainqueur de choisir le thème de la treizième joute mais à l’organisateur. ProgramLyrique vous invite donc à participer autour du thème : Qi Gong sur gratte-ciel.

Pour consulter la musique proposée par les membres de linuxmao, rendez-vous dans la section de forum : 2 – Vos créations.

Musique libre en dehors de linuxmao

Liste de lecture des nouveautés pour le mois d’Octobre 2017 chez les copains de DogmazicImage .

Nouvelles du monde

Le manuel d’utilisation des logiciels d’openavproduction (luppp, sorcer, artyfx et fabla) a été traduit en français. Voir à ce propos cet article du blogue de LibraZiKImage .

La dixième édition des « journées méditerranéennes du logiciel libre » (JM2L) se tiendra le samedi 25 novembre 2017 au technopole Sophia Antipolis à Biot (06). Notez la présence d’une salle entière consacrée à la MAO sous linux avec des ateliers d’utilisationImage , une conférence autour la programmation d’applications midi sous linuxImage , une conférence autour de l’utilisation de MuseScoreImage , et une autre conférence sur l’improvisation musicale avec linuxImage sur le film d’animation ‘ZeMarmotImage . Toutes les informations sur le site de linux-azur.orgImage .

Nouveautés sur LinuxMao

Des chiffres :

Le nombre de visiteurs uniques du mois d’octobre 2017 est de 39807 ce qui constitue le nouveau record de fréquentation du site avec une moyenne de 2279 visiteurs uniques par jour. linuxmao.org, c’est à ce jour, 6203 utilisateurs inscrits, 2259 « pages de documentation », les > 82300 messages dans les « forums », et d’autres fioritures.

D’autre part, nous avons eu 36 nouvelles inscriptions depuis la rédaction du dernier éditorial du site c’est à dire en 33 jours.

Nouvelles pages :

Si vous voulez participer au site et tester des logiciels ne figurant pas encore dans les colonnes de linuxmao.org, vous pouvez allez choisir un logiciel à tester dans la page Applications à tester et venir nous en parler dans les forums.

Coté administration :

  • Nettoyage et amélioration de l’intégration des pages du portail développer.
  • Il y a eu un problème les membres inscrits avec une adresse en yahoo.fr vers le 14 ou 15 octobre. Les notifications envoyées par le site semblent avoir été interprétées comme du spam et ont donc été refusées par yahoo. Ça semble avoir été rétabli à présent. Voir le fil de discussion : comptes avec adresse yahoo.fr.

Coté logiciel sur LinuxMAO

Pour voir ce qui se passe du côté du développement de ce qui touche à l’audio sous linux, rendez-vous dans la section de forum :  »7 – Développer/Traduire/Documenter/Annoncer une application‘.

Côté logiciel en dehors de LinuxMao

petite veille logiciel

Depuis la publication du dernier éditorial, olinuxx, sub26nico, r1 et Nolwen ont relevé les mises-à-jour suivantes :

  • pour ce mois-ci :
    • Après 12 ans de silence (oui, douze ans !), Gnuitar sort en version 0.4.0alpha
    • Nouvelle version 3.2.2 de DRC.
    • Aubio passe en version 0.4.6.
    • Guitarix2 mis à jour en version 0.36.0.
    • Bitwig Studio passe en version 2.2.
    • Rivendell passe en version 2.17.0.
    • UbuntuStudio 17.10 est disponible.
    • Nouvelle mise à jour pour la Vee One Suite en version 0.8.5.
    • Fluidsynth passe en version 1.1.8, ajoutant entre autres le support pour la lecture des banques de son au format sf3.
    • zam-plugins passe en version 3.9.
    • praxis live passe en version 3.3.0.
    • VCV rack passe en version 0.4.0.
    • ocenaudio passe en version 3.3.1.
    • LMMS voit une nouvelle version « release candidate » 1.2-rc4 poindre le bout de son nez.
    • Audacity passe en version 2.2.0 . Nouveau logo, quatre thèmes pour l’interface (dont un pour les mal-voyants), une refonte des menus et des préférences. À noter que la liste de discussion Audacity-French hébergée par Yahoo! va disparaître, remplacée par la liste hébergée par Framalistes.
    • Open Stage Control est maintenant en version 0.21.1.
    • abGate passe en version 1.1.9.
Tout utilisateur peut aider à la remontée des informations concernant les nouvelles versions en lisant le paragraphe Mettre à jour une version d’un logiciel. Allez, viens nous aider ici !

Post scriptum

Merci à sub26nico, olinuxx, allany et r1 pour l’écriture de cet édito, et on se retrouve le mois prochain pour une revue de l’actualité du mois écoulé !

Rappel : tout membre de linuxmao.org inscrit et connecté peut aider à la rédaction de l’éditorial mensuel. Lire à ce propos la page Les éditoriaux du manuel.

Chronique – Live à L’Astrolabe d’Orléans par Kallima


CC by-nc-nd 2.5

Aujourd’hui c’est du lourd ! Aujourd’hui on cause de Kallima, un groupe orléanais (et non ohrélandais, ça sera peut-être pour une prochaine fois) pratiquant un style de musique fusion électro-ragga.

Et pour rentrer dans la musique de Kallima, je vous propose qu’on s’intéresse à ce Live à L’Astrolabe d’Orléans daté de 2009. Il débute sur le morceau Naferone, morceau qui débute aussi l’album Prémis n°1 du groupe. Immédiatement les ambiances s’enchaînent, si le début est planant très vite le beat démarre pour suivre le rythme endiablé de la voix. Le chant est particulièrement remarquable : ragga et scat, emplie d’improvisations diverses, il s’en dégage une énergie tout bonnement hallucinante. Dès le second morceau : Shal’um, nous plongeons dans un univers résolument plus world où le ragga flirt avec la guitare électrique produisant un ensemble propice à la transe.

Le reste du Live file à toute vitesse entre les incursions funk, les harangues à la foule et les délires, ces 60 et quelques minutes sont pleines de bonnes humeurs.

Alors que les percussions se lâchent et que le sax se déchaîne à la fin du set, on continue de danser et quand la musique s’arrête enfin, on se dit qu’on en reprendrait bien un peu. Juste un peu. Par gourmandise.

Et Kallima c’est un peu ça, un gros gâteau avec pleins de couches, chacune avec un goût différent et tout un univers propre dont le duo à gardé l’essence pour enrichir la musique, la faire plus dansante, plus joyeuse, parfois plus triste, plus épuré, plus intimiste. Pas de barrières et visiblement beaucoup de plaisir pris à jouer ces morceaux.

De la musique bien vivante et organique en somme, je vous garantis que c’est communicatif !

Bandcamp de Kallima

Vous pouvez trouver ce live sur Dogmazic

Menaces sur la culture libre en Europe

Voici un article en CC BY tiré du blog de Christophe Masutti.

Le 15 mai 2017, l’Electronic Frontier Foundation, célèbre ONG œuvrant pour la libertés des droits sur Internet, a publié une tribune inquiétante sur les menaces que font peser sur la culture libre (les licences libres) certains amendements au projet de Directive Européenne sur le Marché Unique Numérique.

La proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique fait l’objet de nombreuses critiques et certaines sont indiscutables comme celle de Ronan Hardouin qui met en lumière les menaces réelles sur la liberté d’expression.

Les amendements en question dans le texte de l’EFF, et qui nétaient alors pas encore rendus publics, sont portés par la CULT, la Commission de la culture et de l’éducation du Parlement Européen. Ils ont ont été revus en septembre 2017, à l’occasion de la publication officielle de l’avis, sans pour autant désamorcer leurs caractères dangereux, et j’ajoute, sous l’article de l’EFF dont je propose la traduction, un focus sur l’amendement à l’article 14.

Voici le texte de l’EFF, publié le 15 mai 2017 sous le titre « Secret New European Copyright Proposal Spells Disaster for Free Culture », par Jeremy Malcolm, (sous licence CC-By).

Une nouvelle proposition secrète sur le droit d’auteur en Europe : un désastre pour la culture libre

L’EFF a pris connaissance d’une nouvelle proposition de loi européenne qui vise les services de streaming en ligne, mais qui portera un coup sérieux aux créateurs et à leurs fans. La proposition, qui interdirait pour de bon aux services de streaming d’héberger des œuvres sous licence libre, pourrait mettre fin à des services comme Dogmazic, qui offre l’accès à de la musique gratuite en ligne, et dresser de nouveaux obstacles à l’offre d’œuvres sous licence libre sur d’autres plateformes.

Tout cela fait partie de la nouvelle directive européenne sur le Marché Unique Numérique(EU), qui fait actuellement l’objet d’un accord entre les trois institutions européennes (la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne) qui devront se mettre d’accord sur son texte final. Dans ce processus, des propositions d’amendement au projet initial de la Commission sont présentées par plusieurs commissions du Parlement européen. Nous avons déjà sonné l’alarme à propos d’autres aspects de cette directive, y compris la taxe abusive sur les liens et les projets de filtrage des téléversements, qui font l’objet de négociations en cours.

Mais cette dernière proposition d’amendement, qui provient de la gauche, serait ajoutée à une autre section de la Directive, qui propose de garantir aux auteurs une rémunération équitable pour l’utilisation de leurs œuvres, un objectif que l’EFF soutient par ailleurs. La commission parlementaire qui dirige les négociations est la commission des affaires juridiques (JURI), mais d’autres commissions préparent des avis sur le projet et peuvent également proposer leurs propres amendements. Cette proposition est émise par la Commission de la Culture et de l’Éducation (CULT). Bien que le texte de la proposition ne soit pas disponible en ligne, étant donné qu’il est en cours d’examen par le rapporteur et les rapporteurs fantômes du CULT à huis clos, l’EFF en a obtenu un exemplaire, où l’on trouve :

Les États membres veillent à ce que, lorsque les auteurs et les artistes interprètes ou exécutants transfèrent ou cèdent le droit de mettre à la disposition du public leurs œuvres ou d’autres objets pour des services en ligne à la demande, ils conservent le droit d’obtenir une rémunération équitable découlant de l’exploitation directe de leurs œuvres présentes dans le catalogue de ces services.

Le droit d’un auteur ou d’un interprète d’obtenir une rémunération équitable pour la mise à disposition de son œuvre telle que décrit au paragraphe 1 ne peut être renoncé.

En bref, à l’endroit des œuvres protégées par le droit d’auteur mises à disposition sur les services de diffusion en continu en ligne, cela revient à créer une taxe payable aux sociétés de gestion collective qui gèrent les droits au nom des auteurs et des artistes interprètes ou exécutants (bien que la taxe elle-même soit distincte des droits patrimoniaux du titulaire du droit d’auteur). La taxe ne peut pas être exonérée par les auteurs ou les interprètes eux-mêmes, ce qui signifie que même s’ils veulent rendre leurs œuvres disponibles en ligne gratuitement, la loi leur lierait les mains et l’interdirait. Le site de diffusion serait toujours tenu de mettre de l’argent de côté pour « une juste rémunération » des auteurs et des interprètes, qu’ils le veuillent ou non.

La proposition semble s’inspirer d’un amendement similaire qui a été présenté au Chili l’année dernière et qui a malheureusement été adopté peu après que nous en ayons parlé, sans débat de fond. Il n’est pas rare que des mesures comme celle-là apparaissent en Europe ou en Amérique après qu’un petit pays les ait adoptées. L’agenda de l’industrie du disque en matière de propriété intellectuelle est un agenda mondial, et il est souvent opportun qu’elle établisse un précédent ailleurs dans le monde, là où la résistance à ses propositions pourrait être plus faible, avant de le faire passer dans des économies plus vastes.

Cet amendement éliminerait l’un des rares avantages dont jouissent les petits artistes indépendants pour promouvoir leur travail en ligne : la possibilité de le rendre disponible gratuitement. Pour certains de ces artistes, la mise à disposition gratuite en ligne de leurs œuvres constitue une base de fans pour soutenir les futurs contrats de licence, les tournées de concerts et les ventes de marchandises. D’autres peuvent publier une partie ou la totalité de leur travail gratuitement pour des raisons non économiques, par exemple pour communiquer un message, ou simplement pour l’amour de leur art. Certes, tous les artistes ne le font pas. Mais la loi telle qu’elle existe actuellement leur offre au moins un choix. Soit ils peuvent concéder des licences pour diffuser leurs travaux sur des plateformes de streaming pour de l’argent, soit ils peuvent les mettre gratuitement à la disposition de ces plateformes. Mais si cet amendement est adopté, ce choix leur sera retiré.

Les perdants de cette proposition sont au nombre de quatre. Les plus grands perdants sont peut-être les créateurs eux-mêmes, qui devront affronter de nouveaux obstacles entre leur art et leurs fans et collaborateurs. Les services de streaming seront également perdants, car ils devront faire face à des dépenses plus élevées et ne pourront plus fonctionner de manière non commerciale, même s’ils ne diffusent que du contenu sous licence libre. Les fans, bien sûr, en pâtiront en raison de la réduction de la disponibilité légale de musique et de vidéo gratuites en ligne. Et même l’industrie du droit d’auteur en sera affectée, car l’augmentation des coûts des services légaux de streaming peut inciter les créateurs et les fans à revenir au partage de fichiers en peer to peer, où les œuvres portant atteinte au droit d’auteur sont également échangées.

Dans la mesure où cette proposition bénéficie du soutien d’une majorité des groupes politiques européens au sein du CULT, si rien ne change, il est fort probable qu’elle soit adoptée au moins par cette commission. La prochaine réunion des rapporteurs aura lieu le mardi 16 mai, nous n’avons pas de temps à perdre pour tirer la sonnette d’alarme quant au caractère déplorable et destructeur de cet amendement. Une liste des membres du CULT qui étudient la proposition peut être trouvée ici, avec les coordonnées des contacts par courriel et médias sociaux.

Les partisans européens de l’EFF sont instamment invités à transmettre à leurs représentants un message simple: s’opposer à toute modification de la directive sur le marché unique numérique qui créerait un nouveau droit inaliénable à une rémunération équitable sur les plates-formes de diffusion en ligne. L’avenir de la culture libre en Europe en dépend.


Notes

Attention : l’avis en question a été proposé le 4 septembre 2017 (PE 595.591v03-00), incluant de substantives modifications.

On trouve désormais dans cet avis un amendement à l’article 14bis :

Droit à une juste rémunération pour les auteurs, interprètes et exécutants auquel il ne peut être renoncé

  1. Les États membres veillent à ce que lorsque les auteurs, interprètes et exécutants transfèrent ou cèdent le droit de mettre à la disposition du public leurs œuvres ou autres objets pour leur utilisation par des services de la société de l’information mettant à disposition des œuvres ou autres objets par le biais d’un catalogue sous licence, ces auteurs, interprètes et exécutants conservent le droit d’obtenir une rémunération équitable pour cette utilisation.
  2. Les États membres interdisent la renonciation au droit des auteurs, interprètes et exécutants à une rémunération équitable pour la mise à disposition de leurs œuvres comme décrit au paragraphe1. Le paragraphe 1 ne s’applique pas lorsqu’un auteur, interprète ou exécutant autorise le libre exercice d’un droit non exclusif, à tout utilisateur, pour l’utilisation de son œuvre.
  3. La gestion du droit à une juste rémunération pour la mise à disposition des œuvres d’un auteur, interprète ou exécutant est confiée à la société de gestion collective compétente. […]

Au paragraphe 2 on peut se demander ce que signifie, pour un auteur, que d’accorder l’autorisation du « libre exercice d’un droit non exclusif » pour l’utilisation de son œuvre. En effet l’expression « licence libre » n’apparaît aucunement et ce n’est pas parce que le mot « libre » est mentionné qu’il s’agit pour autant d’une référence à la culture libre.

Rappelons qu’une licence peut être exclusive (le titulaire accorde un droit à une seule personne) ou non exclusive (le titulaire accorde un droit à plusieurs personnes). Mais renoncer à l’exclusivité des droits ne signifie pas pour autant qu’on puisse placer une œuvre sous une licence libre qui, par exemple, suppose que l’œuvre puisse être reproduite, modifiée et diffusée tout en respectant la paternité de l’œuvre mais sans obligation de contrepartie financière, même si une utilisation commerciale d’une œuvre libre est tout à fait fondée. En d’autres termes, le choix d’une diffusion commerciale ou non est de ce fait absolument refusé par cet amendement, comme s’il n’y avait pas d’autre alternative que celle qui consiste à non seulement diffuser de manière commerciale mais aussi, en plus, de devoir conférer à une société de gestion collective la gestion des droits « commerciaux » de l’œuvre. Clairement cet amendement est une manière, pour les sociétés de gestion collective, de « récupérer » le marché de la culture libre qui a l’outrecuidance (malheureux !) de produire des œuvres et les diffuser sans que ces sociétés puissent se faire du blé sur leur dos (déjà en 2010…).

Ainsi, malgré sa révision, l’amendement tue dans l’œuf toute tentative de diffusion d’œuvre sous licence libre :

  • si la diffusion sous licence libre est commerciale, elle doit s’acquitter d’une taxe à la société de gestion collective (mais alors que faire des œuvres dérivée, modifiées, comme le permettent les licences libres, et qui provoquent de ce fait un problème d’identification de l’œuvre et aussi de l’auteur : qui est réputé auteur ? l’auteur originel ? les groupe d’auteurs incluant l’auteur originel et les modificateurs ? etc.),
  • si la diffusion sous licence libre est non-commerciale… elle ne peut plus l’être, vu qu’il faut bien trouver de l’argent pour payer la société de gestion collective,
  • il faut inventer des solutions pour maîtriser la circulation des œuvres de l’esprit de manière à ce qu’elles entrent dans modèle économique imposé, ce qui revient donc, par effet de bord assez immédiat, à aliéner la liberté d’expression.

Éditorial d’octobre 2017 de linuxmao.org

Éditos
Que dire d’octobre ?
Pour les uns ce mois annonce déjà les rigueurs de l’hiver et pour les autres, il clôt l’été en douceur.
Que dire d’un verre à moitié vide ?
Pour les uns, c’est l’angoisse de la soif qui se profile et pour d’autres, c’est la promesse d’un bon demi-verre de plaisir supplémentaire.
Que dire de la MAO sous linux ?
Pour les uns ce sont d’effrayantes rumeurs qui dissuadent ne serait-ce qu’une tentative et pour les autres, pour nous autres ici, c’est la liberté de choisir nos outils et nos méthodes en toute indépendance.
Durant ce mois écoulé, une refonte du portail des logiciels a été menée par l’équipe. Ceux qui y ont participé sont restés étonnés de la somme des richesses répertoriées à cette occasion.
Il suffit également de faire un saut au chapitre des nouveautés pour constater que, de mises à jour en nouvelles versions de logiciels, notre microcosme est bien vivant, plutôt alerte, même.

Quoi de neuf ?

Depuis la parution du dernier éditorial, nous ont rejoints : luxigo, jojomonk, Emmanuel Henrion, babose, Duanra, kham, Air Or, F0rth, Kokolive, raspbeguy, jz, MdMax, Ubuntu_Studio_User, Mary Haugen, djiel, Louis Cossement, labatrijador, neebex2, yann4linux, T43, AmauryLeBarde et nicko510.

Bienvenue à vous toutes et tous !

Musique sur linuxmao

Pour consulter la musique proposée par les membres de linuxmao, rendez-vous dans la section de forum : 2 – Vos créations.

Musique libre en dehors de linuxmao

Liste de lecture des nouveautés pour le mois de septembre 2017 chez les copains de Dogmazic Image .

Nouvelles du monde

Les brevets principaux concernant l’utilisation de la norme MP3 sont tombés dans le domaine public il y a quelques temps. Un travail est actuellement en cours pour incorporer le support de la lecture du MP3 dans la bibliothèque libsndfile. Cette bibliothèque est utilisée par un grand nombre d’applications et leur permet de supporter l’import et/ou l’export de plusieurs types de formats de fichier audio. Ceci signifie que lorsque ce boulot aura été fait, nous aurons un accès facilité pour l’import et/ou export des MP3 dans les logiciels audio qui utilisent déjà la bibliothèque libsndfile. Pour davantage d’information, voir https://github.com/erikd/libsndfile/issues/258 Image et https://github.com/erikd/libsndfile/pull/322 Image .

La mini-conférence annuelle d’ALSA aura lieu cette année dans les locaux de Suse à Prague le 27 octobre.

Petit rappel concernant 2 événements déjà annoncés dans l’éditorial du mois d’Août 2017, la « GStreamer Conference 2017 »Image les 21 et 22 octobre 2017 à Prague (République Tchèque), ainsi que la « Sonoj Convention »Image les 4 et 5 novembre 2017 à Cologne (Allemagne).

Nouveautés sur LinuxMao

Des chiffres :

Le nombre de visiteurs uniques du mois de Septembre 2017 est de 31550. linuxmao.org, c’est à ce jour, 6168 utilisateurs inscrits, 2254 « pages de documentation », les > 81500 messages dans les « forums », et d’autres fioritures.

D’autre part, nous avons eu 22 nouvelles inscriptions depuis la rédaction du dernier éditorial du site c’est à dire en 31 jours.

Nouvelles pages :

Si vous voulez participer au site et tester des logiciels ne figurant pas encore dans les colonnes de linuxmao.org, vous pouvez allez choisir un logiciel à tester dans la page Applications à tester et venir nous en parler dans les forums.

Coté administration :

  • Simplification du menu de gauche, voir le fil de discussion : Amélioration de la vitesse du site / les menus.
  • Amélioration du manuel du site :
  • Gros boulot d’intégration des pages logiciels dans les structures du portail logiciel.
  • Gros boulot d’amélioration du portail logiciel, notamment avec des boîtes grises de navigation (voir par exemple Qtractor) devant permettre une navigation facilitée
  • nettoyage de plusieurs variables dans la BDD

Coté logiciel sur LinuxMAO

Pour voir ce qui se passe du côté du développement de ce qui touche à l’audio sous linux, rendez-vous dans la section de forum :  »7 – Développer/Traduire/Documenter/Annoncer une application‘.

Côté logiciel en dehors de LinuxMao

Depuis la publication du dernier éditorial, r1, jean-emmanuel, sub26nico, olinuxx, balthazar et Antony87 ont relevé les mises-à-jour suivantes :

  • pour ce mois-ci :
    • Songwrite passe en version 3 01. Après quelques années sans mise à jour, une discussion avec le développeur nous permet d’obtenir une nouvelle version de ce logiciel ! Nous vous invitons donc à la tester, à lui faire des retours et à mettre à jour la documentation si besoin.
    • Shotcut passe en version 17.09.
    • Wine passe en version 2.16.
    • Open Stage Control passe en version 0.20.2.
    • Mixbus et Mixbus 32C passe en version 4.2.
    • Ardour passe en version 5.12.
    • Qtractor passe en version 0.8.4.
    • Giada passe en version 0.14.3.
    • Nootka passe en version 1.4.4.
    • FluidSynth passe en version 1.1.7.
    • VCV Rack passe en version 0.3.2.
    • EasyConduite passe en version 1.2.1.
    • Wavosaur propose Rave Generator 2, un synthétiseur multiplateforme et gratuit.
  • pour les mois précédents (mais que nous n’avions pas vu jusque là) :
Tout utilisateur peut aider à la remontée des informations concernant les nouvelles versions en lisant le paragraphe Mettre à jour une version d’un logiciel. Allez, viens nous aider ici !

Post scriptum

Merci à olinuxx, sub26nico, allany et r1 pour l’écriture de cet édito, et on se retrouve le mois prochain pour une revue de l’actualité du mois écoulé !

Rappel : tout membre de linuxmao.org inscrit et connecté peut aider à la rédaction de l’éditorial mensuel. Lire à ce propos la page Les éditoriaux du manuel.

Musique Libre – Atelier sur le droit d’auteur au stage de musiques traditionnelles Mydriase

À l’occasion du 26ème stage de musique traditionnel organisé par l’association Mydriase, organisé du 13 au 19 août 2017 à Saint Ismier (Isère), je me suis incrusté le temps d’un atelier d’une heure sur le droit d’auteur qui a réuni une trentaine de participants.

Il s’agissait de la première fois qu’un tel sujet était abordé pendant cette semaine consacrée à l’apprentissage de la musique. J’ai donc pris le parti de revenir au fondamentaux en lisant et expliquant des extraits du code de la propriété intellectuelle.

Cela a conduit à des discussions très intéressantes, et nous a amené à parler du copyright ou de la Sacem, ainsi que bien entendu des licences libres.

Plusieurs questions auxquelles je n’avais pas de réponses se sont aussi posées :

  • Sur les usages du droit d’auteur ou du copyright dans les autres états européens.
  • Sur les moyens de vérifier qu’une œuvre soit dans le domaine public (pour les airs traditionnels).
  • Ou encore sur l’application du droit d’auteur en cas de double nationalité.

C’est tout un tas de points que j’améliorerai dans les ateliers futurs.

Un grand merci à Mydriase pour ce sympathique moment !

Éditorial de juillet 2017 de linuxmao.org

Éditos
L’été s’en vient, puis s’en va, puis revient, les vacances aussi pour une grande quantité de personnes. C’est un temps pour s’asseoir, discuter, échanger, et faire de la musique avec les copines et les copains. Il faut beau et l’apéro est bon en terrasse ou dans le jardin. Il a fait chaud en pays de France en ce moment. Tellement chaud, que le site a été en galère le 27 juin à cause d’une surchauffe de la salle des serveurs dans lesquels linuxmao.org est hébergé. Mais bon, grâce à notre super hébergeur, tout a été rétabli en une demi-journée. Merci à eux !

Quoi de neuf ?

Depuis la parution du dernier éditorial, nous ont rejoint quelques nouveaux impatients : etienne41, Joelle95, m4l3z, Atapaz, requiem71, ZBU, PLOTPLOT, Atlas, emmanuelbriche, JamesBonze, DeuxMainsGauches, Skys, guechi, Nono480, Jazz, NeuroTonik, Li33f, Papy54, vitaeear, porkished, alexplima, ndisoh, PapaMok, gustik, Sheeva16, Fraggleux, et Endoryme.

Bienvenue à vous toutes et tous !

Musique sur linuxmao

Le dénouement de la joute n°11 a vu olof récolter le plus de votes et être désigné gagnant, bravo à lui ! Il a donc choisi le thème de la joute n°12, Cuba !. Vous avez jusqu’au 31 août pour participer.

En dehors des joutes musicales en cours, plusieurs morceaux sont apparus dans le forum ce mois-ci :

Pour consulter la musique proposée par les membres de linuxmao, rendez-vous dans la section de forum : 2 – Vos créations.

Musique libre en dehors de linuxmao

Liste de lecture des nouveautés pour le mois de Juin 2017 chez les copains de Dogmazic : cliquez iciImage

Nouvelles du monde

Le mois dernier, sub26nico et olinuxx étaient présent à la LAC 2017. Ils ont co-écrit un compte-rendu qui est disponible dans cet article.

Nouveautés sur LinuxMao

Le nombre de visiteurs uniques du mois de Juin 2017 est de 30430. Ça fait un peu moins que les mois derniers, ce qui semble traditionnel sur linuxmao.org car les mois de Juin, Juillet, et Août sont moins fréquentés.

D’autre part, nous avons eu 27 nouvelles inscriptions depuis la rédaction du dernier éditorial du site c’est à dire en 31 jours.

Nouvelles pages sur le site :

Grâce à un outil en ligne, la CSS du site a vu 3 corrections d’erreurs être faites, ainsi qu’une grosse 50aine de corrections pour des « warnings ».

Comme dit en intro, le site a été en galère le 27 juin, et tout a été rétabli grâce à notre hébergeur. Merci !

Coté logiciel sur LinuxMAO

Pour voir ce qui se passe du côté du développement de ce qui touche à l’audio sous linux, rendez-vous dans la section de forum :  »7 – Développer/Traduire/Documenter/Annoncer une application‘.

Côté logiciel en dehors de LinuxMao

Depuis la publication du dernier éditorial, Nolwen, olinuxx, sub26nico et balthazar ont relevé les mises-à-jour suivantes :

  • pour les mois précédents (mais que nous n’avions pas vu jusque là) :
    • en mai 2017, mise à jour de canorus en version 0.7.3.
Tout utilisateur peut aider à la remontée des informations concernant les nouvelles versions en lisant le paragraphe Mettre à jour une version d’un logiciel. Allez, viens nous aider ici !

Post scriptum

Merci à olinuxx et sub26nico pour l’écriture de cet édito, et on se retrouve le mois prochain pour une revue de l’actualité du mois écoulé !

Rappel : tout membre de linuxmao.org inscrit et connecté peut aider à la rédaction de l’éditorial mensuel. Lire à ce propos la page Les éditoriaux du manuel.
PS : article originel : http://linuxmao.org/article354

Culture libre : artistes, nous aurons besoin de vous…

Partageons ici une réflexion de Neil Jomunsi (licence CC-By-3.0).

Il y a de l’eau dans le gaz entre la création artistique et internet : chasse au piratage, fermeture des forums, projets de durcissement du droit d’auteur en France comme à Bruxelles… Avec l’indéfectible soutien de la politique, l’industrie culturelle regagne peu à peu le terrain qu’elle avait cédé et entend bien l’étendre encore, menaçant chaque jour davantage l’idée même d’une culture librement partagée.

La question dépasse largement le cadre du piratage : ce sont deux projets de société, radicalement opposés, qui s’affrontent sur le terrain de la création, d’internet et des libertés individuelles. D’un côté les industries culturelles – aidées par l’écrasante majorité du personnel politique qui n’entend que la sauvegarde d’intérêts économiques pourtant de plus en plus concentrés – qui se cachent derrière la protection des artistes pour satisfaire leur soif de contrôle des flux et verrouiller leurs sources de revenus. De l’autre quelques imbéciles, des fous, des utopistes dont je m’honore de faire partie. Ces personnes imaginent un monde où la culture et le savoir circuleraient librement au bénéfice du plus grand nombre, parce qu’elles les croient vecteurs d’élévation et d’émancipation. L’un de ces projets verrouille. L’autre ouvre les portes en grand.

Mais qu’on ne s’y trompe pas : aujourd’hui et sans doute encore demain, c’est l’industrie qui gagne. Car nous ne vivons pas dans un blockbuster hollywoodien où quelques résistants parviennent à vaincre un adversaire en surnombre. Dans notre version du film, ceux qui résistent à ces immenses machines à fric sont moqués et marginalisés. Pire, ils sont accusés de faire du tort à la création tout entière, de promouvoir des idées dangereuses qui mettraient en péril la rémunération des créateurs et la pérennité des structures qui se nourrissent de leur travail. Ces mêmes entreprises – celles qui oublient pourtant toujours de payer les artistes à l’heure, quand il ne s’agit pas de les payer tout court, qui divisent par deux, par trois les montants des rémunérations, qui jouent sur la quantité, quitte à noyer le marché et détruire l’attention du public – voudraient que nous les croyions quand elles disent agir au nom des artistes. Et elles ont raison de le vouloir. Parce que ça fonctionne. Chez les artistes, le syndrome de Stockholm est total. La dichotomie est tellement flagrante que plus personne n’ose la soulever.

Quand le monde s’écroule on se tourne vers les idoles, qu’il s’agisse de la propriété intellectuelle, de la promesse folle d’être celui ou celle qui va réussir, de la lutte contre la barbarie ou le terrorisme. L’immeuble est en feu, pourtant au dernier étage la fumée et la chaleur sont encore supportables. Jusqu’ici tout va bien. Peu importe que nous soyons de plus en plus nombreux à créer, à partager nos créations, et que les places de professionnels soient de plus en plus comptées et précaires : nous nous accrochons à un rêve. Mieux, nous nous accrochons à une histoire. C’est une belle histoire, dont le narrateur est une industrie qu’on pensait affaiblie mais qui reprend du poil de la bête. Ce narrateur est affamé, sa faim est insatiable : il n’arrêtera de manger que quand il n’y aura plus rien sur l’assiette. Dans cette histoire, les artistes servent les plats. Ils les apportent à toute vitesse, de plus en plus vite, ils s’épuisent à la tâche et ignorent fatigue et lassitude. Parce qu’ils sont encore faiblement rémunérés, ils se disent que « ça pourrait être pire », et que « quelqu’un pourrait prendre leur place », et puis il faut bien payer les factures. Quand arrêtera-t-on de se cacher derrière notre petit doigt ? Car le problème ne se cantonne pas à la création : c’est un combat que nous partageons avec tous les précaires. À vouloir sauver nos propres coquilles de noix, nous en oublions de construire l’arche dont nous aurions besoin.

Contre le storytelling de l’industrie, il faut agir. Trouver d’autres vecteurs de rémunération, par exemple, en échange d’une plus libre circulation des créations plus conforme aux usages de nos concitoyens. Cesser de rêver au bestseller et au blockbuster pour créer local, c’est-à-dire à l’échelle humaine et non industrielle. Donner leur chance à des productions de moindre ampleur, plus modestes car plus éthiques, et nous désengager de cette insensibilité croissante qui nous oblige à consommer toujours plus et plus fort. En promouvoir le partage, parce que si on veut être cohérent, on ne verrouille pas derrière des barrières un bien commun profitable à tous. Il y a tant à faire, et si peu de bras volontaires.

Parce que l’industrie et la politique ne céderont plus rien, quitte à empiéter sur nos vies privées et nos droits de citoyens, nous avons le devoir, d’une part, de nous battre, et de l’autre, de proposer des alternatives qui mettent en œuvre dès maintenant ce monde que nous appelons de nos vœux. Convaincre les artistes de s’emparer de ces questions est notre seule chance : les intéresser aux enjeux des Creative Commons en est un exemple très concret. Les aider à comprendre, puis à s’émanciper.

Nous n’avons jamais été si proches de perdre la guerre. Pourtant, je crois qu’une issue heureuse et lumineuse est encore possible. Vous êtes la solution – vous et vous seuls. Pour faire gagner ce que certains appellent une utopie, nous avons besoin de vous. Vous ne serez pas seuls : vous nous trouverez, mes amis et moi, en première ligne sur le champ de bataille.

Nous y rencontrerons-nous ?

Photo d’illustration :
Alejandro Alvarez, via Unsplash