Un post paru sur le weblog de Jullian Angel en mai 2006, qui explique pourquoi il démissionne de la Sacem, copie de la lettre à l’appui.
Voilà, j’ai envoyé aujourd’hui même ma lettre de démission au service juridique de la Sacem. La procédure risque de prendre un peu de temps avant que ma démission soit officialisée, mais pour ma part, je me considère dorénavant libéré de ce fardeau, « désinscrit » en quelque sorte. Cette situation n’a fait qu’empoisonner mes premières démarches en tant qu’artiste dans ce milieu, et compliquer les choses, sans rien m’apporter ; car de toute façon je donne encore bien trop peu de concerts pour espérer toucher plus que des miettes en droits d’auteur.
Maintenant, je préfère me montrer tout à fait honnête et lucide quant aux raisons de cette démission. Elles sont avant tout opportunistes, et destinées à favoriser une meilleure promotion, diffusion de ma musique, surtout par le biais d’internet, en optant désormais pour une licence libre (ce qui m’est impossible si je reste membre de la Sacem). J’aurais pu motiver cette décision avec un véritable pamphlet anti-sacem, particulièrement soigné et détaillé ; avancer en premier lieu des raisons morales, et non pratiques, oui certes… Mais je ne souhaite absolument pas jouer la carte du héros démissionnaire qui vante son choix, et l’élève au rang d’exemple à suivre… Non, le choix de gestion d’une œuvre est l’affaire de chacun. Je n’ai jamais été choqué par le fait qu’on veuille être rémunéré en tant qu’auteur-compositeur et qu’on fasse pour cela appel à une société de gestion collective comme la Sacem. Personnellement, j’aimerais pouvoir bénéficier d’une gestion à la fois individuelle (comme avec les licences Creative commons) et collective de mes musiques. Ce n’est malheureusement pas possible dans les statuts de la Sacem, d’où mon choix de démissionner, après avoir longtemps hésité.
Il y a bien sûr énormément à dire également sur le fait que la Sacem ait largement appuyé la loi DADVSI, ainsi que la charte votée en juillet 2004, qui a entraîné plusieurs arrestations et condamnations d’internautes, rendus coupables de téléchargement et échange de fichiers illégal ; une vague de répression aveugle et disproportionnée. Je préfère simplement renvoyer au questionnaire que j’avais rempli à ce sujet, dans la partie interview du livre De la dissémination de la musique écrit par Dana Hilliot qu’on peut lire ici.
Voici, pour information, le texte du courrier que j’ai adressé à la Sacem :
Madame, Monsieur,
Je suis inscrit à la Sacem depuis septembre 2000, et j’y ai déposé environ une trentaine de titres, sans jamais percevoir de droits d’auteur. Aujourd’hui, plusieurs raisons me poussent à démissionner. En effet, les contraintes imposées par le règlement actuel de la Sacem représentent un frein à la diffusion de mes œuvres, et donc à leur promotion du même fait. Actuellement, de nombreuses opportunités s’offrent aux auteurs-compositeurs non professionnels (comme c’est mon cas) par le biais d’Internet et des licences libres, qui permettent un accès à l’œuvre musicale bien moins restrictif ; mais mon statut de sociétaire m’empêche d’en bénéficier, puisque je ne peux simultanément déposer un morceau à la Sacem et le placer sous licence libre.
Je souhaite pouvoir diffuser librement ma musique, notamment sur Internet, sans soumettre l’auditeur, l’internaute, à une pratique de consommation rendue illégale (via l’écoute en streaming ou le téléchargement, sur divers sites qui ne s’acquitteraient d’aucun forfait envers la Sacem) par le dépôt de cette musique à la Sacem. Il est bien plus intéressant pour moi, à l’heure actuelle, d’autoriser le téléchargement, la libre transmission de mes œuvres, afin d’en assurer une meilleure promotion et d’augmenter leurs chances d’être écoutées. Cela m’est impossible en restant sociétaire, je dois même demander une « autorisation gratuite de diffusion » pour proposer ma musique sur un site personnel, ce qui me semble très symbolique du carcan juridique imposé par les statuts de la Sacem.
J’ajoute qu’il est tout aussi aberrant, voire scandaleux, d’avoir à avancer des droits de reproduction mécanique (pour une demande SDRM) lorsqu’on est à la fois le producteur et l’auteur des œuvres concernées, pour finalement ne pas récupérer cette somme en totalité, puisque la Sacem prélève d’abord un pourcentage. Cela revient à payer pour diffuser sa propre musique, et dans ce cas, je ne vois aucune raison d’être adhérent, juste des inconvénients. J’ai longtemps espéré que la Sacem infléchisse sa position sur de nombreux points des statuts, et se mette enfin en adéquation avec les mutations technologiques, sociologiques, de l’époque présente. Mais c’est le contraire qui se produit, malheureusement.
Je vous présente donc par ce courrier, ma démission au titre du droit d’exécution publique et du droit de reproduction mécanique, et à titre exceptionnel et dérogatoire, sans préavis. j’ajoute que je n’ai pas l’intention de faire apports de mes droits à une autre société de gestion collective.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.
Jullian Angel